Champion de l'immigration, le Québec ne sait pas comment s'adresser à ses nouveaux arrivants pour les convaincre de prendre leurs vacances dans la province hors de Montréal. Un danger pour la cohésion sociale.
Au Québec, l'immigration demeure essentiellement concentrée à Montréal. En matière de tourisme aussi, les communautés culturelles sont absentes des régions de la province. Une simple tournée des associations touristiques régionales (ATR) permet de constater que l'ensemble des régions du Québec sont boudées lorsque vient le temps sacré des vacances. Partout on note l'extrême rareté de ces communautés, voire leur absence totale. "On sait que c'est un bon marché à atteindre, mais on sait aussi qu'en ce moment on ne va pas les chercher par nos stratégies de marketing", dit ainsi Lina Racine, de l'ATR de Charlevoix. "Ce n'est pas une clientèle qui vient beaucoup chez nous", affirme pour sa part Danie Béliveau, de Tourisme Cantons-de-l'Est. "On ne sait pas si les gens des communautés minoritaires de Montréal sont présents chez nous", avoue Maxime St-Laurent, responsable de la promotion et chargé de projet à l'Association du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
"La première génération d'immigrants a tendance à retourner dans son pays d'origine [pour les vacances], explique Paul Arseneault, directeur du réseau de veille de la chaire de tourisme à l'université du Québec à Montréal. A la deuxième génération, ils vont faire venir des membres de leur famille. A la troisième génération, on aurait dû enregistrer des comportements similaires à ceux des Québécois dits 'de souche' [qui visitent la province], mais ce n'est pas le cas." Le phénomène est commun à l'ensemble des communautés, qu'il s'agisse de la communauté haïtienne, grecque, chinoise ou italienne.
Certains immigrants craignent que leurs besoins particuliers en matière d'alimentation, d'hébergement ou d'intérêts touristiques ne soient pas pris en compte. Selon Paul Arseneault, cette impression demeure parce que les gens d'affaires œuvrant dans le milieu touristique font souvent preuve d'une grande "méconnaissance" des différences culturelles des diverses communautés.
"Par exemple, les forfaits vacances familiaux sont le plus souvent conçus pour les familles de deux adultes avec deux enfants. Or les familles immigrantes, surtout de première génération, sont souvent plus nombreuses. Les frais augmentent rapidement quand il faut louer trois chambres d'hôtel pour dormir." Un point de vue partagé par Slim Daouzli, intervenant social dans un centre montréalais qui offre des services d'aide et de liaison aux immigrants. Il estime qu'il faudrait "repenser les forfaits touristiques parce qu'ils sont basés sur la famille québécoise type, qui a un ou peut-être deux enfants". En fait, déplore Slim Daouzli, "le tourisme ici est assez coûteux. Ce qui m'a étonné, c'est que le train n'est pas accessible, alors qu'en Europe c'est très populaire. Je n'ai jamais compris pourquoi, au Canada, le train est si peu utilisé et si cher", dit-il.
La grande concentration de l'immigration dans la région montréalaise entre évidemment en ligne de compte. "La très vaste majorité des immigrants vient s'installer à Montréal et n'a pas tendance à sortir beaucoup de la ville. Ils n'ont donc pas de réseaux de contacts, d'amis ou de famille en région", soutient Paul Arseneault. L'alimentation pose elle aussi problème, selon Paul Arseneault. "Si on pense par exemple à la viande halal ou à la nourriture casher, on voit tout de suite le problème, lance-t-il. En fait, même pour les Québécois de souche, ce n'est pas toujours facile de bien manger en région." Si les restaurants de junk food pullulent, il est souvent difficile de trouver de quoi satisfaire une bonne fourchette.
Et la question sensible : les Québécois sont-ils racistes ? Rencontrés par Le Devoir, un couple de jeunes Vénézuéliens et un autre d'origine brésilienne, tous deux assoiffés de découvrir la province, ont également tenu à vanter l'accueil cordial de la population. Néanmoins, pour M. Arseneault, "le phénomène Hérouxville, avec son fameux code de conduite, n'a rien fait pour arranger les choses. Ce n'est vraiment pas le genre de message qui est très positif". [En janvier 2007, ce village du centre du Québec avait suscité un vaste débat après que son conseil municipal eut adopté un code de vie à l'intention des immigrants qui voudraient s'y établir. Ce code témoignait largement de l'incompréhension grandissante entre le Québec rural et la population immigrante de Montréal, et des tentations xénophobes de certains.]
Malgré ce constat inquiétant, les gestes concrets se font cruellement attendre. "Il n'y a pas beaucoup de choses qui sont faites pour encourager les gens à découvrir le Québec. Je dirais presque qu'on est pris en otages à Montréal. On a tout ici, tout est concentré ici. Il n'y a rien qui nous pousse à aller ailleurs, que ce soit pour s'installer ou pour visiter. Sauf, peut-être, en discutant avec des gens, par hasard", souligne Slim Daouzli.
Le gouvernement a tout intérêt à investir pour stimuler cette nouvelle clientèle touristique, selon Kheira Chakor, une collègue de Slim Daouzli. "C'est une façon très efficace de susciter chez [les néo-Québécois] un sentiment d'appartenance à leur nouveau pays. Une fois qu'ils ont vu ce qu'il y a au Québec, ils vont se faire les porte-parole auprès de leur famille et de leurs amis qui viendront les visiter. C'est aussi pour ça qu'il faut leur faire découvrir les régions, parce que ce sont nos ambassadeurs du tourisme ailleurs dans le monde."
Tiré de Courrierinternational.com
Au Québec, l'immigration demeure essentiellement concentrée à Montréal. En matière de tourisme aussi, les communautés culturelles sont absentes des régions de la province. Une simple tournée des associations touristiques régionales (ATR) permet de constater que l'ensemble des régions du Québec sont boudées lorsque vient le temps sacré des vacances. Partout on note l'extrême rareté de ces communautés, voire leur absence totale. "On sait que c'est un bon marché à atteindre, mais on sait aussi qu'en ce moment on ne va pas les chercher par nos stratégies de marketing", dit ainsi Lina Racine, de l'ATR de Charlevoix. "Ce n'est pas une clientèle qui vient beaucoup chez nous", affirme pour sa part Danie Béliveau, de Tourisme Cantons-de-l'Est. "On ne sait pas si les gens des communautés minoritaires de Montréal sont présents chez nous", avoue Maxime St-Laurent, responsable de la promotion et chargé de projet à l'Association du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
"La première génération d'immigrants a tendance à retourner dans son pays d'origine [pour les vacances], explique Paul Arseneault, directeur du réseau de veille de la chaire de tourisme à l'université du Québec à Montréal. A la deuxième génération, ils vont faire venir des membres de leur famille. A la troisième génération, on aurait dû enregistrer des comportements similaires à ceux des Québécois dits 'de souche' [qui visitent la province], mais ce n'est pas le cas." Le phénomène est commun à l'ensemble des communautés, qu'il s'agisse de la communauté haïtienne, grecque, chinoise ou italienne.
Certains immigrants craignent que leurs besoins particuliers en matière d'alimentation, d'hébergement ou d'intérêts touristiques ne soient pas pris en compte. Selon Paul Arseneault, cette impression demeure parce que les gens d'affaires œuvrant dans le milieu touristique font souvent preuve d'une grande "méconnaissance" des différences culturelles des diverses communautés.
"Par exemple, les forfaits vacances familiaux sont le plus souvent conçus pour les familles de deux adultes avec deux enfants. Or les familles immigrantes, surtout de première génération, sont souvent plus nombreuses. Les frais augmentent rapidement quand il faut louer trois chambres d'hôtel pour dormir." Un point de vue partagé par Slim Daouzli, intervenant social dans un centre montréalais qui offre des services d'aide et de liaison aux immigrants. Il estime qu'il faudrait "repenser les forfaits touristiques parce qu'ils sont basés sur la famille québécoise type, qui a un ou peut-être deux enfants". En fait, déplore Slim Daouzli, "le tourisme ici est assez coûteux. Ce qui m'a étonné, c'est que le train n'est pas accessible, alors qu'en Europe c'est très populaire. Je n'ai jamais compris pourquoi, au Canada, le train est si peu utilisé et si cher", dit-il.
La grande concentration de l'immigration dans la région montréalaise entre évidemment en ligne de compte. "La très vaste majorité des immigrants vient s'installer à Montréal et n'a pas tendance à sortir beaucoup de la ville. Ils n'ont donc pas de réseaux de contacts, d'amis ou de famille en région", soutient Paul Arseneault. L'alimentation pose elle aussi problème, selon Paul Arseneault. "Si on pense par exemple à la viande halal ou à la nourriture casher, on voit tout de suite le problème, lance-t-il. En fait, même pour les Québécois de souche, ce n'est pas toujours facile de bien manger en région." Si les restaurants de junk food pullulent, il est souvent difficile de trouver de quoi satisfaire une bonne fourchette.
Et la question sensible : les Québécois sont-ils racistes ? Rencontrés par Le Devoir, un couple de jeunes Vénézuéliens et un autre d'origine brésilienne, tous deux assoiffés de découvrir la province, ont également tenu à vanter l'accueil cordial de la population. Néanmoins, pour M. Arseneault, "le phénomène Hérouxville, avec son fameux code de conduite, n'a rien fait pour arranger les choses. Ce n'est vraiment pas le genre de message qui est très positif". [En janvier 2007, ce village du centre du Québec avait suscité un vaste débat après que son conseil municipal eut adopté un code de vie à l'intention des immigrants qui voudraient s'y établir. Ce code témoignait largement de l'incompréhension grandissante entre le Québec rural et la population immigrante de Montréal, et des tentations xénophobes de certains.]
Malgré ce constat inquiétant, les gestes concrets se font cruellement attendre. "Il n'y a pas beaucoup de choses qui sont faites pour encourager les gens à découvrir le Québec. Je dirais presque qu'on est pris en otages à Montréal. On a tout ici, tout est concentré ici. Il n'y a rien qui nous pousse à aller ailleurs, que ce soit pour s'installer ou pour visiter. Sauf, peut-être, en discutant avec des gens, par hasard", souligne Slim Daouzli.
Le gouvernement a tout intérêt à investir pour stimuler cette nouvelle clientèle touristique, selon Kheira Chakor, une collègue de Slim Daouzli. "C'est une façon très efficace de susciter chez [les néo-Québécois] un sentiment d'appartenance à leur nouveau pays. Une fois qu'ils ont vu ce qu'il y a au Québec, ils vont se faire les porte-parole auprès de leur famille et de leurs amis qui viendront les visiter. C'est aussi pour ça qu'il faut leur faire découvrir les régions, parce que ce sont nos ambassadeurs du tourisme ailleurs dans le monde."
Tiré de Courrierinternational.com
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