publié le samedi 8 août 2009
Pierre Morville
Derrière l’intransigeance affichée de l’Etat hébreu sur le dossier du nucléaire iranien, deux options restent ouvertes : la volonté d’une offensive à tout prix ; à laquelle Tel-Aviv pourrait éventuellement renoncer contre d’importantes contreparties. Mais lesquelles ?
Barack Obama a envoyé pas moins de quatre émissaires en Israël en début de semaine. Outre, Robert Gates, George Mitchell, l’émissaire spécial du président américain pour le Proche-Orient, James Jones le conseiller à la sécurité nationale et Dennis Ross, le conseiller spécial d’Hillary Clinton, ont tenté de convaincre l’État hébreu de ne pas faire cavalier seul sur la question du nucléaire iranien, et laisser à la diplomatie washingtonienne, le temps de porter ses fruits. Robert Gates s’est voulu évidemment rassurant : la main tendue à l’Iran n’est évidemment que temporaire : « L’offre de dialogue américaine, a expliqué le secrétaire d’état américain à la défense, n’est pas « à durée indéterminée ». « Nous traiterons la situation au moment approprié », a-t-il commenté.
Des sanctions sont une possibilité si la diplomatie échoue, a ajouté Robert Gates, en mentionnant également des projets pour un « parapluie de défense », destiné à protéger les alliés américains dans la région.
Ce vieux concept, issu de la Guerre froide, a été ressorti par Hillary Clinton, en tournée dans les pays du Golfe, le 21 juillet dernier.
Tel-Aviv se méfie du « parapluie de défense »
La ministre américaine des Affaires étrangères a déclaré la semaine dernière que l’Iran ne pourrait pas intimider et dominer la région si les États-Unis déployaient un tel « parapluie de défense ». Elle n’a hélas guère fourni de détails sur ce nouveau dispositif : à qui serait-il proposé ? Quelles représailles militaires américaines en cas d’agression de l’un de ses alliés ? La très grande timidité des USA lors de l’offensive russe en Géorgie a enlevé beaucoup d’illusions à nombre de capitales amies.
Face à Robert Gates, Ehud Barak, son homologue israélien est resté dans le vague : « Israël reste sur sa position fondamentale selon laquelle aucune option ne doit être écartée, même si la priorité à ce stade doit être donnée à la diplomatie », a commenté le ministre israélien de la Défense. De son côté, le pouvoir à Téhéran balaie d’un revers de main, une proposition qui à l’évidence ne lui est pas destinée : « Il n’y a pas besoin d’un parapluie de défense américain », a commenté lundi un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hassan Qashqavi. Il est en revanche nécessaire que Washington demande à l’État hébreu de « démanteler ses propres 200 têtes nucléaires », a-t-il affirmé. « Bibi » Netanyahou doit partager la même opinion : au regard des risques actuels, Israël n’a pas vraiment besoin d’un parapluie nucléaire américain et tout à perdre à une dénucléarisation de l’ensemble du Moyen-Orient.
Car c’est bien là, l’une des dimensions du dossier en cours. L’an prochain, un nouveau cycle de discussions sur l’arsenal nucléaire international va s’ouvrir. C’était l’un des principaux thèmes abordés par Barack Obama lors du dernier sommet de Moscou. Le Président américain estime possible de réduire le stock général des bombes possédées par les différentes puissances nucléaires officielles (USA, Russie, France, Grande Bretagne, Chine), d’établir des contraintes pour les états qui n’ont pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) – Inde, Pakistan, Israël -, de faire rentrer dans le rang les indisciplinés (Corée du Nord, Iran), de dissuader les pays qui pourraient être tentés d’accéder à la bombe ( Égypte, Arabie, Brésil, Afrique du Sud, Algérie…). Une telle négociation ne pourrait aboutir au mieux qu’à une stabilisation de la situation actuelle. Son succès nécessiterait néanmoins de fortes pressions sur les états rétifs, tout en proposant aux uns et aux autres de sérieuses contreparties. Parmi celles-ci, figure au 1er plan, un plan de stabilisation de la grande région moyen-orientale qui passe prioritairement par un règlement honorable du très vieux conflit israélo-palestinien.
D’où les fortes inquiétudes de Tel-Aviv et les tentations du gouvernement ultra Netanyahou – Libermann de jouer les va-t’en guerre, d’autant qu’un apaisement durable des tensions au Moyen-Orient ferait perdre à Israël sa situation privilégiée « d’allié ultime des Etats-Unis et de l’Occident ».
La grande faiblesse de ce nouveau TNP repose néanmoins sur un vice de construction originel.
L’issue éventuellement positive d’un tel « deal » international, verrait en effet se confirmer la prééminence nucléaire des seules puissances « occidentales », plus la Chine. Toutes dénoncent les dangers de la prolifération nucléaire tout en en gardant soigneusement le monopôle.
Israël, 6ème puissance nucléaire mondiale
Les vingt dernières années n’ont pas hélas démontré, notamment après les turpitudes américaines dans un certain nombre de continents, une sagesse occidentale particulière en matière de relations internationales.
D’autant que « l’ouverture » au nucléaire se fait au cas par cas. Washington de façon contradictoire, a autorisé l’arme nucléaire au Pakistan pour la déplorer par la suite et Hillary Clinton a, lors de son voyage en Inde, ce mois-ci, conforter la coopération nucléaire des USA avec ce pays.
La position iranienne se comprend d’ailleurs fort bien dans ce contexte : ses principaux voisins (Pakistan, Russie, Israël) sont tous des puissances nucléaires. Pour cette raison, l’ensemble des composantes politiques de ce pays, quelles que soient leurs divergences par ailleurs, sont unanimes sur ce point : dans un contexte hostile et instable, la puissance perse doit se doter de l’arme de dissuasion. suprême. Face à cette volonté iranienne, les positions israéliennes ne sont pas, contrairement aux apparences, univoques. Selon Pierre Razou de l’IFRI, deux tendances, s’affrontaient en 2007 dans l’appareil d’état. Dans les faits aujourd’hui, elles continuent de coexister, les frontières entre les uns et les autres étant mouvantes au gré des circonstances.
Pour la 1ère position, la doctrine officielle, Israël n’acceptera jamais que l’Iran se dote de l’armement nucléaire « pour des raisons de survie » de l’état hébreu. Cette affirmation a été confortée par les déclarations irresponsables ou provocatrices d’Ahmadinejad appelant à la destruction d’Israël. Cette « menace vitale » serait renforcée, selon ses contempteurs, par « le renforcement de capacités militaires stratégiques qui permettraient aux Iraniens de s’en prendre plus facilement à Israël, telles que l’acquisition clandestine de douze missiles de croisière de type Kh-55 (crédité d’une portée de 3 000 km) auprès de l’Ukraine déjà en 2001, ou bien encore la mise en orbite par Téhéran du satellite de reconnaissance Sina-1 (par un lanceur russe) au mois d’octobre 2005 ».
Pierre Morville
Derrière l’intransigeance affichée de l’Etat hébreu sur le dossier du nucléaire iranien, deux options restent ouvertes : la volonté d’une offensive à tout prix ; à laquelle Tel-Aviv pourrait éventuellement renoncer contre d’importantes contreparties. Mais lesquelles ?
Barack Obama a envoyé pas moins de quatre émissaires en Israël en début de semaine. Outre, Robert Gates, George Mitchell, l’émissaire spécial du président américain pour le Proche-Orient, James Jones le conseiller à la sécurité nationale et Dennis Ross, le conseiller spécial d’Hillary Clinton, ont tenté de convaincre l’État hébreu de ne pas faire cavalier seul sur la question du nucléaire iranien, et laisser à la diplomatie washingtonienne, le temps de porter ses fruits. Robert Gates s’est voulu évidemment rassurant : la main tendue à l’Iran n’est évidemment que temporaire : « L’offre de dialogue américaine, a expliqué le secrétaire d’état américain à la défense, n’est pas « à durée indéterminée ». « Nous traiterons la situation au moment approprié », a-t-il commenté.
Des sanctions sont une possibilité si la diplomatie échoue, a ajouté Robert Gates, en mentionnant également des projets pour un « parapluie de défense », destiné à protéger les alliés américains dans la région.
Ce vieux concept, issu de la Guerre froide, a été ressorti par Hillary Clinton, en tournée dans les pays du Golfe, le 21 juillet dernier.
Tel-Aviv se méfie du « parapluie de défense »
La ministre américaine des Affaires étrangères a déclaré la semaine dernière que l’Iran ne pourrait pas intimider et dominer la région si les États-Unis déployaient un tel « parapluie de défense ». Elle n’a hélas guère fourni de détails sur ce nouveau dispositif : à qui serait-il proposé ? Quelles représailles militaires américaines en cas d’agression de l’un de ses alliés ? La très grande timidité des USA lors de l’offensive russe en Géorgie a enlevé beaucoup d’illusions à nombre de capitales amies.
Face à Robert Gates, Ehud Barak, son homologue israélien est resté dans le vague : « Israël reste sur sa position fondamentale selon laquelle aucune option ne doit être écartée, même si la priorité à ce stade doit être donnée à la diplomatie », a commenté le ministre israélien de la Défense. De son côté, le pouvoir à Téhéran balaie d’un revers de main, une proposition qui à l’évidence ne lui est pas destinée : « Il n’y a pas besoin d’un parapluie de défense américain », a commenté lundi un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hassan Qashqavi. Il est en revanche nécessaire que Washington demande à l’État hébreu de « démanteler ses propres 200 têtes nucléaires », a-t-il affirmé. « Bibi » Netanyahou doit partager la même opinion : au regard des risques actuels, Israël n’a pas vraiment besoin d’un parapluie nucléaire américain et tout à perdre à une dénucléarisation de l’ensemble du Moyen-Orient.
Car c’est bien là, l’une des dimensions du dossier en cours. L’an prochain, un nouveau cycle de discussions sur l’arsenal nucléaire international va s’ouvrir. C’était l’un des principaux thèmes abordés par Barack Obama lors du dernier sommet de Moscou. Le Président américain estime possible de réduire le stock général des bombes possédées par les différentes puissances nucléaires officielles (USA, Russie, France, Grande Bretagne, Chine), d’établir des contraintes pour les états qui n’ont pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) – Inde, Pakistan, Israël -, de faire rentrer dans le rang les indisciplinés (Corée du Nord, Iran), de dissuader les pays qui pourraient être tentés d’accéder à la bombe ( Égypte, Arabie, Brésil, Afrique du Sud, Algérie…). Une telle négociation ne pourrait aboutir au mieux qu’à une stabilisation de la situation actuelle. Son succès nécessiterait néanmoins de fortes pressions sur les états rétifs, tout en proposant aux uns et aux autres de sérieuses contreparties. Parmi celles-ci, figure au 1er plan, un plan de stabilisation de la grande région moyen-orientale qui passe prioritairement par un règlement honorable du très vieux conflit israélo-palestinien.
D’où les fortes inquiétudes de Tel-Aviv et les tentations du gouvernement ultra Netanyahou – Libermann de jouer les va-t’en guerre, d’autant qu’un apaisement durable des tensions au Moyen-Orient ferait perdre à Israël sa situation privilégiée « d’allié ultime des Etats-Unis et de l’Occident ».
La grande faiblesse de ce nouveau TNP repose néanmoins sur un vice de construction originel.
L’issue éventuellement positive d’un tel « deal » international, verrait en effet se confirmer la prééminence nucléaire des seules puissances « occidentales », plus la Chine. Toutes dénoncent les dangers de la prolifération nucléaire tout en en gardant soigneusement le monopôle.
Israël, 6ème puissance nucléaire mondiale
Les vingt dernières années n’ont pas hélas démontré, notamment après les turpitudes américaines dans un certain nombre de continents, une sagesse occidentale particulière en matière de relations internationales.
D’autant que « l’ouverture » au nucléaire se fait au cas par cas. Washington de façon contradictoire, a autorisé l’arme nucléaire au Pakistan pour la déplorer par la suite et Hillary Clinton a, lors de son voyage en Inde, ce mois-ci, conforter la coopération nucléaire des USA avec ce pays.
La position iranienne se comprend d’ailleurs fort bien dans ce contexte : ses principaux voisins (Pakistan, Russie, Israël) sont tous des puissances nucléaires. Pour cette raison, l’ensemble des composantes politiques de ce pays, quelles que soient leurs divergences par ailleurs, sont unanimes sur ce point : dans un contexte hostile et instable, la puissance perse doit se doter de l’arme de dissuasion. suprême. Face à cette volonté iranienne, les positions israéliennes ne sont pas, contrairement aux apparences, univoques. Selon Pierre Razou de l’IFRI, deux tendances, s’affrontaient en 2007 dans l’appareil d’état. Dans les faits aujourd’hui, elles continuent de coexister, les frontières entre les uns et les autres étant mouvantes au gré des circonstances.
Pour la 1ère position, la doctrine officielle, Israël n’acceptera jamais que l’Iran se dote de l’armement nucléaire « pour des raisons de survie » de l’état hébreu. Cette affirmation a été confortée par les déclarations irresponsables ou provocatrices d’Ahmadinejad appelant à la destruction d’Israël. Cette « menace vitale » serait renforcée, selon ses contempteurs, par « le renforcement de capacités militaires stratégiques qui permettraient aux Iraniens de s’en prendre plus facilement à Israël, telles que l’acquisition clandestine de douze missiles de croisière de type Kh-55 (crédité d’une portée de 3 000 km) auprès de l’Ukraine déjà en 2001, ou bien encore la mise en orbite par Téhéran du satellite de reconnaissance Sina-1 (par un lanceur russe) au mois d’octobre 2005 ».
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