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Les raisons de l'arrestation de Clotilde Reiss en Iran

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  • Les raisons de l'arrestation de Clotilde Reiss en Iran

    La Française Clotilde Reiss, passionnée par l'Iran et sa culture, est incarcérée à la prison d'Evin de Téhéran depuis dix jours, accusée d'espionnage par un pouvoir en plein durcissement. Lectrice à l'université technologique d'Ispahan, elle y enseignait le français aux étudiants iraniens. Il est reproché à la jeune femme d'avoir pris des photos, avec son téléphone portable, de manifestations anti-Ahmadinejad à Ispahan.

    "Le problème dans ce genre d'affaires, c'est qu'elles se dénouent souvent après plusieurs mois", notait avec prudence mercredi dans La Voix du Nord Christian Bromberger, ancien directeur de l'Institut français de recherche en Iran (IFRI). Pourtant, la jeune femme n'a pas le profil d'une opposante. "Sans lui faire injure, elle a un profil modeste, insignifiant pour les autorités iraniennes", explique Bernard Hourcade, spécialiste de l'Iran et fondateur de l'IFRI en 1983. "Clotilde n'est pas politique, a assuré son père, Rémi Reiss, à l'AFP. Elle n'a pas d'engagement dans cette région, elle ne peut pas être considérée comme militante." En témoigne un courriel envoyé à des amis pour décrire les événements. Alors comment comprendre l'acharnement du pouvoir iranien à faire de la jeune femme une espionne ?

    Les rivalités internes au pouvoir iranien.


    Le mouvement de contestation de l'élection du 12 juin a mis au jour des divisions profondes au sommet de la République islamique. Les clans luttent pour l'exercice du pouvoir, mais aussi pour imposer leur conception de ce que doit être la République islamique, notamment sur la scène diplomatique. "Si un clan joue une carte pro-occidentale, explique Bernard Hourcade, un autre lui répondra, avec les leviers dont il dispose, en durcissant sa position vis-à-vis de l'Occident."

    En pleine période de répression, les durs entendent maintenir le pays dans l'isolement. L'arrestation de Clotilde Reiss devient alors un moyen de rendre toute discussion impossible avec l'Occident - en l'occurrence avec la France.

    Une attaque contre la France.

    "La Grande-Bretagne et la France sont pires que les Etats-Unis pour s'ingérer dans les affaires intérieures iraniennes." Ce jugement est signé de l'ancien chef de la diplomatie iranienne, Ali Akbar Velayati, aujourd'hui conseiller pour les affaires internationales du Guide suprême, Ali Khamenei. Paris et Londres auraient donc surpassé le "Grand Satan" américain dans son opposition à Téhéran. La Grande-Bretagne a déjà payé, avec l'arrestation, le 28 juin, de neuf employés locaux de l'ambassade britannique – huit ont été libérés depuis. Il restait à sanctionner Paris.

    Selon une source proche du dossier, cette animosité vis-à-vis de la France s'est largement accentuée depuis l'accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy, accusé de s'aligner sur les positions américaines de l'ère Bush. Les propos de Bernard Kouchner, à l'automne 2007, appelant à "se préparer au pire", à savoir la "guerre" avec l'Iran, n'ont rien arrangé. Jeudi, M. Kouchner a admis que le cas Reiss était "sans aucun doute" un signe de la tension qui règne entre Paris et Téhéran.

    Une attaque contre l'Institut français de recherche en Iran.

    Clotilde Reiss ne travaillait pas directement pour l'IFRI. Elle a bénéficié lors de sa venue en Iran des structures de ce centre de recherche, qui lui a fourni un logement et payé une partie de son billet d'avion pour Ispahan.

    L'IFRI est le dernier centre de recherche étranger présent en Iran. "Les Américains, les Japonais, les Allemands ont plié bagage...", raconte Bernard Hourcade. L'institut a résisté à toutes les tensions depuis la création en 1897 de son ancêtre, la Délégation archéologique française en Iran. Il est devenu le point de ralliement des étudiants et chercheurs du monde entier.

    Depuis quelques années, la presse conservatrice proche du Guide suprême dénonce régulièrement la présence d'un "nid d'espions" au cœur de la capitale iranienne. La pression s'est accentuée. Plusieurs chercheurs ayant des liens avec l'IFRI et qui sont passés récemment par Téhéran racontent la même histoire : celle de menus empêchements, de gardes à vue, de difficultés à obtenir un visa, de passeports confisqués, d'expulsions... "Les sociologues ou les politologues sont touchés les premiers, mais cela va jusqu'aux chercheurs en histoire médiévale", assure Bernard Hourcade.

    Une attaque contre l'ouverture internationale de l'Iran.

    A travers l'IFRI et Clotilde Reiss, Téhéran vise aussi un symbole : celui de l'ouverture sur le monde d'un pays aux traditions culturelles et scientifiques millénaires. "Les autorités iraniennes n'aiment pas l'idée que des étrangers réfléchissent sur leur système politique, que des étrangers parlent le farsi, que des étrangers sillonnent le pays à la rencontre de ses habitants", explique Bernard Hourcade.

    Il y a deux ans, l'un des vice-présidents iraniens déclarait : "Les coopérations internationales scientifiques sont un prétexte pour les sionistes et les impérialistes pour venir chez nous accomplir des tâches néfastes." La présence étrangère est pourtant réduite à la portion congrue. Seuls trois étudiants français sont actuellement en échange universitaire en Iran, alors que la France accueille 3 000 étudiants iraniens.

    Bernard Hourcade rappelle également que des dizaines d'universitaires iraniens sont régulièrement victimes de la répression. Loin des projecteurs, ils disparaissent, avant de réapparaître six mois plus tard. "Alors, ils se font discrets, et on évite de leur poser trop de questions."

    Les précédents récents

    En 2006 et 2007, trois Français s'étaient retrouvés dans le collimateur du régime : le touriste Stéphane Lherbier (arrêté sur un voilier au large des côtes iraniennes, puis "gracié" par le Guide suprême après quinze mois de détention), le chercheur Stéphane Dudoignon (bloqué dans le pays pendant deux mois et demi), et la documentaliste de film franco-iranienne Mehrnoushe Solouki (détenue un mois à Evin, puis empêchée de quitter le pays pendant dix mois).

    Par Le Monde
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