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Mais qu’est-ce qu’un roman, au juste ?

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  • Mais qu’est-ce qu’un roman, au juste ?

    Les écrivains, l'écriture et l'Autre
    Mais qu’est-ce qu’un roman, au juste ?


    Sentinelle, guetteur, éveilleur de conscience, regard souverain et détenteur de la vérité…ce sont ici quelques-unes des fonctions que des écrivains algériens de la post indépendance du pays s'auto assignent. Est-ce vraiment là le rôle de l'écrivain ?
    Dépossédée pour ainsi dire de son aura de «butin de guerre», selon l’expression inventée par l’inimitable Kateb Yacine, dès la fin de la première décennie post indépendance, la perpétuation de l’usage de la langue française, d’autant en littérature, était devenue un vrai casse-tête pour nos écrivains, apprentis, amateurs ou professionnels.
    Il fallait urgemment trouver des raisons neuves et nouvelles de le faire si l’on voulait s’éviter les auto culpabilisations atroces qui auront été celle, par exemple d’un Malek Haddad, si l’on voulait vraiment continuer à dire et écrire ce que l’on pensait avoir à transmettre aux autres par le biais de l’écrit. Se justifier en somme. Zoubeida Kadi de l’Université d’Alep en Syrie nous explique que «c’est une vieille tradition chez les écrivains algériens de se déterminer comme lien entre l’Autre (le colonialisme, le pouvoir politique de l’Algérie indépendante) et le peuple».
    De fait, rappelle-t-elle, si pour un Rachid Mimouni il s’agit de se définir et selon ses propres termes, comme «un guetteur, celui qui s’astreint à rester en permanence sur le doute comme une sentinelle, celui qui doit être parmi les premiers à donner l’alarme en dénonçant ce qu’encourt le pays…», pour un Bounemeur : «La mission de l’écrivain consiste à éveiller les consciences, à dénoncer les tares… C’est pour cette raison que l’on désigne l’écrivain, le vrai, comme l’âme et la conscience de son peuple».
    On voit donc qu’entre autres raisons trouvées à leur «mission», les écrivains algériens de la post indépendance, (d’expression française mais pas seulement, d’où tout l’intérêt de ce questionnement), la «critique sociale est l’une des tâches les plus importantes de l’écrivain». Il est aussi médiateur du vécu du peuple, ce qui «suppose d’une part une lucidité à toute épreuve et un enracinement dans les réalités socio-politiques».
    Et c’est alors que notre universitaire et chercheuse (se) pose la question centrale : «Mais qu’est-ce qu’un roman ? Un récit biographique ou autobiographique ? Un récit historique ? Récit réel ou fictionnel ?» Et d’admettre que : «C’est difficile de donner une réponse définitive car le roman est un discours où se mêlent la mémoire personnelle, la mémoire collective, des faits historiques et des faits fictionnels». Dans leur effort pour la construction d’un discours historique nouveau, les écrivains algériens, précise-t-elle, participent autant de l’une des considérations que des autres. En fait, c’est tout le rapport de la fiction à l’histoire qui est ici en jeu. Se proclamer comme le témoin et la sentinelle du peuple interpelle en effet toute la question de l’histoire à écrire.
    Pour sa part, l’historien George Duby avait répondu ceci : «Je vous ai dit que je suis persuadé de la subjectivité du discours historique, que ce discours est le produit d’un rêve, d’un rêve qui cependant n’est pas absolument libre». L’historien en question remet en question le «mythe d’une historiographie objective, ainsi que d’une représentation linéaire des évènements». Yasmina Khadra étant, à notre avis, celui qui a atteint des sommets en la matière. Qu’on en juge : «…tout ce que je dis est vrai. Romancé peut-être. Mais c’est un plagiat de la réalité algérienne».
    Difficile de parler de distanciation, de multiplicité des points de vue ainsi que de la part de la fiction et de l’imaginaire à partir de telles considérations où le regard de l’écrivain tel le regard dominateur de l’aigle du haut de son perchoir inaccessible aux simples mortels, ne peut souffrir aucune contestation, aucune discussion quant au bien-fondé ou non de sa démarche. Il nous semble, pour notre part, que cette surestimation par trop exagérée du rôle de l’écrivain trouve aussi ses sources dans ce besoin de se légitimer par rapport à sa langue d’écriture.
    En somme, à l’écart, sinon en marge des langues de son peuple, l’écrivain va tout faire pour tenter de minimiser et de réduire ce «fossé» par une promiscuité et une intimité écrivain-peuple basée sur le seul critère de sa propre parole. L’Autre, le peuple en l’occurrence, n’ayant qu’à faire comme toujours : se taire et laisser les autres (écrivains ou politiques) parler à sa place.
    Le jour d'Algérie
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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