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Le couffin est servi, saha ftourkoum !

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  • Le couffin est servi, saha ftourkoum !

    Par :Mustapha Hammouche

    La pauvreté est une calamité nationale. La plupart de ceux qui lisent cette chronique en Algérie ne la croisent peut-être même pas.
    Et pour cause : ces lecteurs ne peuvent pas être nombreux à Oum Laâdham, dans la wilaya de Sidi Bel-Abbès où l’analphabétisme atteint le taux de 98% !
    Non, les vrais pauvres ne s’exhibent pas sous les arcades des grands boulevards. On les reconnaît à leur dénuement mais leur dignité les empêche de tendre la main. La pauvreté est rurale, enclavée, dissimulée, oubliée. Là-bas, on manque de routes, d’équipements scolaires et de santé : par endroits, il meurt sept enfants sur les dix qui y naissent.
    Là-bas, il n’y aurait pas cette année non plus de couffins du Ramadhan. Il n’y a pas de solidarité officielle là où il n’y a pas de caméras, de correspondants de presse.
    Un million deux cent mille familles, soit entre six et sept millions d’Algériens, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un million deux cent mille familles que nous avons laissées dans la pauvreté, et qui serviront à de généreux responsables pour poser devant des couffins, avec l’air épanoui de celui qui “donnerait sa chemise à de pauvres gens heureux”. Ils viennent de le prouver en prenant soin de prendre les caméras à témoin. Nous, médias, avons l’insidieuse responsabilité d’orienter l’attention des dirigeants : ils ne vont que là où nous pouvons les accompagner.
    Les chiffres sont impitoyables : la pauvreté augmente d’année en année. Pendant ce temps-là, les classes moyennes rétrogradent dans l’échelle sociale, se faisant dépasser par les catégories mercantiles, les animateurs des marchés informels, les professionnels de la débrouille et les affairistes politiques. Une nouvelle sociologie marginalisant, à des degrés divers, toutes les catégories qui n’adhèrent pas au réseau socioéconomique de l’ordre rentier.
    Pendant que le monde rural en est encore à l’âge de la culture et au pâturage de subsistance, des fellahs, qui ne sont souvent que de faux agriculteurs alléchés par le magot du PNDRA, se voient effacer des dettes qu’ils ont contractées pour “valoriser” des terres abandonnées dans les deux ou trois années qui ont suivi leur concession. Après un détour virtuel par l’agriculture, l’argent est parfois revenu en ville pour financer la spéculation immobilière ou pour être carrément consommé, puisqu’il n’est plus à rembourser. Des volontaires de la “mise en valeur” se reconnaissent dans la description de ce circuit de l’arnaque agraire.
    Une fois tous les Ramadhans, nous nous rappelons que le dénuement écrase une grande partie de nos concitoyens. Près d’un Algérien sur quatre a du mal à se nourrir. Avec un déficit de près de deux millions et demi de logements, deux Algériens sur cinq vivent dans un habitat précaire.
    Mais une fois tous les Ramadhans, une fois les six millions de couffins expédiés, le débat sur le prix de la viande et de la courgette peut reprendre de plus belle, les mieux lotis d’entre nous peuvent s’enfermer, à l’heure du ftour, et plonger tête baissée, et la conscience sauve, sur leurs “meïdas” encombrées !
    Saha ftourkoum ! Puisque ce sera, pour un mois, notre quotidien vœu et politesse.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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