Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le ramadhan, nouveau marché pour la grande distribution

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le ramadhan, nouveau marché pour la grande distribution

    Le quart d'agneau là, il est halal ? Vraiment ?" Dans l'hypermarché Auchan de Bagnolet (Seine-Saint-Denis), malgré ses doutes, Sandes, jeune musulmane, la quarantaine élégante, finit par plonger le morceau de viande dans son chariot. "A 4,90 euros le kilo, ça vaut le coup ! "

    A quelques jours du jeûne musulman, qui doit commencer samedi 22 août, de nombreux clients, de confession musulmane, se glissent dans les rayons pour acheter viande, semoule, dattes ou pâte d'amande. Les boucheries halal traditionnelles, qui offrent souvent des "prix spéciaux", ne sont pas désertées pour autant. Mais "c'est plus pratique au supermarché, on peut payer en carte bleue et en profiter pour faire d'autres courses", explique Malik, un jeune homme de 24 ans.

    Les consommateurs musulmans sont d'autant plus enclins à arpenter les supermarchés que l'offre halal s'y est nettement étoffée ces cinq dernières années. Les magasins Auchan, mais aussi Leclerc, Super U ou Casino ont créé des îlots spécifiques pour cette période, mais proposent aussi, tout au long de l'année, des produits halal. "Le ramadan constitue un enjeu commercial important", explique-t-on chez Carrefour. L'enseigne propose des produits pour sa clientèle musulmane depuis une dizaine d'année déjà. Mais le groupe a développé plus récemment une marque dédiée, Reghalal, proposant du jambon de dinde, des saucisses de volaille vendues dans ses magasins à bas coût Ed.

    Les hypermarchés Géant Casino proposent, eux, plus de 400 références de produits halal, soit de 3 % à 4 % de l'offre totale. L'enseigne a même lancé, en août, une gamme spéciale, sous sa propre marque (Wassila) pour concurrencer les fabricants traditionnels. Les magasins du groupe Système U, de plus petite taille, ont également franchi le pas depuis trois ans. "C'est encore un petit chiffre au total, mais certains magasins, à Strasbourg, Mulhouse ou en banlieue parisienne, nous le réclamaient et c'est une consommation qui progresse", explique Thierry Desouches, le porte-parole de l'enseigne.

    Les produits halal sont arrivés en grandes surfaces dans les années 1980. Mais cette offre est d'abord restée confidentielle, propre à certains magasins situés dans des zones à forte concentration musulmane. Aujourd'hui, grâce aux techniques sophistiquées de "profilage" des consommateurs, via les cartes de fidélité notamment, les enseignes effectuent un maillage plus fin des habitudes de consommation à un endroit et à une période donnés. "Tous les distributeurs se sont rendu compte de l'importance de la clientèle musulmane - au-delà du seul ramadan", note Jean-Daniel Hertzog, PDG d'Isla Délice, un des principaux fabricants et distributeurs de produits halal en France.

    "La distribution ne cible plus uniquement le coeur de marché mais s'intéresse de plus en plus à des niches de consommateurs. Elle s'adapte à l'hétérogénéité des consommations, les musulmans sont une cible comme celle des consommateurs de produits bio", explique Philippe Moati, du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc). Et si l'offre halal n'est pas tout à fait récente, "la théâtralisation de ces produits dans les magasins au moment du ramadan est une nouveauté", poursuit-il.

    Pour ces enseignes, l'objectif est de ne pas passer à coté d'une opportunité commerciale. "Dans certaines grandes surfaces, la population musulmane représente 30 % de la clientèle et les produits spécifiques aux musulmans peuvent atteindre 6 % à 7 % du chiffre d'affaires", explique Georges Chétochine, consultant. Les distributeurs tentent ainsi de séduire des populations qui, jusqu'à présent, se tournaient prioritairement vers les commerces traditionnels : selon une étude du cabinet Solis, spécialisé dans le "marketing ethnique", l'immense majorité des consommateurs de halal (95 %) privilégient encore les épiceries et boucheries plutôt que la grande distribution (43 %).

    Mais, comme l'islam reste une question sensible, les distributeurs avancent avec prudence. "Dans un pays dit laïque comme la France, il ne faut pas choquer la clientèle non musulmane", remarque M. Chétochine. D'où la tendance à utiliser un vocabulaire le plus neutre possible - "Saveurs d'Orient", "Sur la route des épices", etc. - pour évoquer les opérations du ramadan. "Les distributeurs ont tendance à rester dans les clichés, à convoquer l'Orient et Les Mille et Une Nuits pour éviter de parler directement du ramadan", se désole Fateh Kimouche, fondateur d'Al-Kanz, L'expert y voit un signe que le ramadan entre dans les moeurs de la société française, mais est encore loin d'être banalisé.

    Par le Monde

  • #2
    Le business (discret) du ramadan

    Pendant le mois du ramadan, la grande distribution cherche à séduire la clientèle musulmane. Mais les enseignes avancent leurs pions avec prudence sur ce marché en expansion.

    Dans la vitrine d'un magasin ED, avenue de Clichy dans le 17e arrondissement de Paris, une affiche déjà blanchie par le soleil du mois d'août: "Spécialités orientales à prix discount". Simple promotion d’été? Plus exactement une publicité – qui ne dit pas son nom – pour la fête du ramadan, dont le début a été fixé au samedi 22 août. Comme cette enseigne, pendant tout le mois du jeûne, la plupart des super et hypermarchés tentent d’aimanter, de façon plus ou moins assumée, le porte-monnaie des consommateurs musulmans. Les premières opérations spéciales ont vu le jour en 2006. Depuis, Auchan, Carrefour, Casino, Leclerc, ou Super-U consacrent chaque année un catalogue dédié aux festivités, avec moult produits orientaux à petit prix.
    "Noël pendant 30 jours"

    Car la grande distribution l’a bien compris: le ramadan est une potentielle poule aux œufs d’or. Paradoxalement, censée être une période de jeune et de sobriété, la fête aiguise les appétits. A la nuit tombée, les croyants se retrouvent plus souvent en famille, entre amis. La convivialité invite à la consommation. La frustration flirte souvent avec l’excès. "Le ramadan, c'est un peu comme Noël… et cela dure trente jours!", s’amuse Maryam, cliente de chez ED. "On ne mange pas forcément plus, mais on cuisine d’avantage, on se fait plaisir, on achète des sucreries, des plats de fête". Avec près de 5 millions de personnes de culture musulmane en France, dont 70% qui déclarent effectuer le ramadan* la demande est bien réelle. Jusqu’ici, surtout dans les petits commerces spécialisés. Mais aujourd’hui, la grande distribution veut sa part du gâteau. "Nous ne pouvons pas nous couper de 7% de la population", calcule naturellement Stéphane Renaud, responsable des achats des produits du monde chez Auchan.
    Les bonnes recettes du ramadan

    Quelles sont les retombées commerciales de ces promos? "Les produits du ramadan? Ca marche bien, très bien! Nos stocks sont souvent écoulés avant la fin", constate un magasiner de chez ED. Difficile toutefois d’obtenir un chiffre d’affaire précis. "C'est compliqué, le ramadan se décale chaque année", se justifie Stéphane Renaud. Selon les zones et l’implantation sociologique, l’achalandage des magasins et leurs profits varient. Mais, par exemple, on apprend qu’Auchan écoule un tiers de son stock de feuilles de brick à cette période. Les dattes aussi marchent fort, comme les gâteaux: la société Sectal, qui fournit les grandes surfaces en pâtisseries orientales, confie réaliser 30% de ses ventes pendant le ramadan. L’éditeur arabo-musulman Al Bouraq, premier à avoir intégrer le circuit de la grande distribution, fait le même constat. Pendant le mois du jeûne, ses ventes – de livres de prière ou de cuisine – décollent. A tel point que l’an passé, au mois d’août, le recueil des Quarante hadiths de Nawawi s’est hissé à la 4e place des meilleures ventes de livres en France (catégorie essais et documents), selon le palmarès de Livre Hebdo. Du coup, cette année, un stand Al Bouraq sera placé en allée centrale de 170 hypermarchés. Et ce n’est sûrement pas un hasard si Casino a lancé sa propre gamme de produits halal, Wassila, au début du mois d’août. Juste avant le ramadan, Casino associe son nom à la cuisine musulmane. Une petite révolution.
    Aladin et les mille et un clichés

    Mais une révolution silencieuse. La communication des supermarchés reste en effet assez prudente. Comme chez ED, le mot ramadan est évacué une fois sur deux des catalogues et tracts promotionnels. A cette période de l’année, les magasins préfèrent vanter les "mille et une saveurs de l’Orient". Ces oublis, Fateh Kimouche, 33 ans, fondateur du site Al-kanz, portail des consommateurs musulmans, les épingle depuis 2006 - en soulignant toutefois quelques progrès cette année. "Jusqu’ici les enseignes semblaient vouloir profiter du marché sans assumer leur choix. Ce qui est un peu vexant", relève Fateh Kimouche. Réponse d’Auchan: "Nous ne voulons pas nous couper de la clientèle des non-musulmans. Il n’y pas que les pratiquants qui achètent des feuilles de brick". Certes. Mais le Nouvel an chinois, lui, ne se fait pas appeler la fête des rizières éternelles.

    "Si je peux comprendre cette frilosité, liée au rapport complexe que la France entretient avec l’islam, je suis surtout gêné par les clichés surannés véhiculés par les enseignes. Il faut arrêter avec les références à un Orient aussi fantasmé que dépassé. Nous ne sommes pas des descendants d’Aladin!", s’insurge Fateh Kimouche. Qui souligne le décalage entre ce marketing de l’exotisme et la culture des jeunes musulmans "Si nous venons au supermarché, c’est que nous sommes de bons petits Français. Nous ne voulons pas acheter des tapis au supermarché mais de la charcuterie, du carpaccio ou de la raclette halal!".
    Halal bio

    Une tendance que confirme Abbas Bendali, consultant du cabinet Solisfrance, qui a mené la première étude sur la consommation des populations issues de la diversité. Selon lui, les critères d’achat des "diversity baby boomer", les enfants de l’immigration arrivés à l’âge adulte, sont d’abord la traçabilité, la qualité et la nouveauté. "On voit par exemple poindre une demande de produits halal bio ou allégés", souligne Abbas Bendali. Quelques acteurs cherchent à s’adapter, comme Fleury Michon qui s’est lancé dans le jambon de dinde ou de poulet halal par exemple. Mais globalement, à la veille du ramadan 2009, les acteurs de la grande distribution semblent encore chercher leurs marques dans ce marché porteur mais en pleine mutation.

    *Sondage Ifop publié jeudi. Ce chiffre est en hausse par rapport à 1989 (60% de pratiquants)

    leJDD.fr

    Commentaire

    Chargement...
    X