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Une formation en fac torpillée parce que trop colorée?

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  • Une formation en fac torpillée parce que trop colorée?

    LIBERATION
    par Marie-Joëlle GROS
    QUOTIDIEN : mardi 20 décembre 2005




    C'est une guerre fétide comme l'université sait parfois en générer. Avec, au beau milieu, des étudiants totalement désorientés. Ils s'étaient inscrits en confiance à l'institut universitaire professionnalisé (IUP) Ville et Santé, rattaché à Paris XIII-Villetaneuse depuis 1994. Une formation diluée par la présidence de l'université en décembre 2004, au mépris des étudiants qui la fréquentaient. Une partie d'entre eux a déposé, le 12 décembre 2005, un recours devant le tribunal administratif pour contester le traitement qui leur a été réservé.

    Mixage de compétences. Planté sur le campus de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, l'IUP Ville et Santé a longtemps fourni une formation en accord avec les besoins du marché de l'emploi. 1 500 étudiants ont suivi le cursus, dont une partie en formation continue. Une fois diplômés, ces professionnels allaient encadrer des équipements de santé, en bénéficiant d'une formation à la fois médicale, managériale, financière... Une formation qui se voulait résolument transversale. Un diplômé de 2002, aujourd'hui au ministère de la Santé, témoigne : «Des inspecteurs des impôts venaient nous parler fiscalité. Des directeurs des ressources humaines nous livraient leurs expériences... C'était parfaitement en prise avec la réalité. Il y avait un grand mixage des compétences, on couvrait la totalité d'un domaine.» Des querelles intestines expliqueraient selon lui la «destruction» de cette formation.

    Les enseignants qui l'avaient mise au point sont particulièrement amers : «On a cassé une machine formidable, qui assurait un bon boulot à la sortie.» Ils ont déposé un dossier devant le tribunal administratif.

    De leur côté, les étudiants dénoncent l'éclatement de leur formation en cours de route et ses conséquences : des conditions d'examen non réglementaires, des relevés de notes fantasques, délivrés à retardement... En effet, à la faveur de la réforme LMD (Licence Mastère Doctorat) (1),le contenu de l'IUP a été éparpillé par la présidence entre l'UFR de médecine et celle de sciences éco. Malmenés au cours d'une année universitaire particulièrement chaotique, beaucoup d'étudiants ont raté leurs épreuves. «Je vais encore en cours, mais je ne sais pas comment l'année va se terminer, raconte une étudiante en licence. Je ressens un immense découragement. J'avais choisi cette formation parce qu'elle avait bonne réputation. Mais on l'a fait exploser en vol et elle n'a plus de sens.»

    Créé par un professeur de médecine, Pierre Cornillot, l'un des fondateurs de la faculté de médecine de Bobigny, l'IUP Ville et Santé amenait «des gens de milieux fragiles à une réussite sociale», explique-t-il. Aujourd'hui, ce professeur de médecine en retraite est abasourdi : «Voir tout ce travail démoli, c'est complètement fou et choquant. Cela relève de la bêtise humaine.» Alain Neuman, président de Villetaneuse, en a «plein le dos de cette histoire». Pour lui, l'IUP se caractérisait surtout par des «dysfonctionnements graves : des profs pas habilités à faire cours, des diplômes qui n'en n'étaient pas, des étudiants qui n'avaient pas le niveau requis... Je suis le garant de mon université et de son niveau scientifique.» Il évoque des «voyous», des «magouilles», et lâche : «On n'inscrit pas des étudiants juste parce qu'ils sont marocains ! On n'inscrit pas n'importe qui !» Des arguments que l'Inspection générale semble avoir entendus.

    Fautes de français. Appelée à la rescousse, celle-ci a rédigé en juin 2005 un rapport qui fait lourdement allusion à la nationalité des étudiants de l'IUP, «comme si l'équipe locale mettait en oeuvre un projet qui lui était propre. On remarquera particulièrement les recrutements marocains, algériens, tunisiens et comoriens». Et se moque des fautes de français relevées dans les tracts et pétitions des étudiants. Ces commentaires ont profondément choqué la direction de l'IUP. «L'Inspection générale se couvre de ridicule, tonne Pierre Cornillot. C'est indigne d'elle.» Des enseignants, «médusés», osent à peine y croire : «Qu'on nous reproche des choses d'ordre professionnel, mais pas ça !» Nombre d'enseignants de l'IUP, intervenant professionnels, sont eux aussi d'origine étrangère : «Faut-il rappeler que la Seine-Saint-Denis est un département particulièrement coloré, celui qui compte le plus d'étrangers, soulignent les enseignants. En quoi le recrutement et la formation de ces publics posent problème ?»
    Contactés, les deux inspecteurs qui ont rédigé ce rapport restent aux abonnés absents. Leur note, d'une quinzaine de pages, soulève d'autres arguments. Ainsi, pour justifier le démantèlement de l'IUP, l'inspection pointe son statut défini comme «expérimental» à sa création, en 1994. Or cela fait onze ans que cela dure... comme le relèvent les inspecteurs : «Les panneaux indicateurs de la ville de Bobigny portent tous la mention "IUP Ville et Santé"». Avant de botter en touche : «Nombre des clés de compréhension de ce conflit sont à chercher dans la complexité des relations interpersonnelles qui lient les acteurs depuis l'origine de l'IUP.»

    (1) Harmonisation européenne des diplômes, qui entre progressivement en application dans les universités
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