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Le pétrole blanc breton fait rêver l'Algérie

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  • Le pétrole blanc breton fait rêver l'Algérie

    Ali Boudjemaa et Chérif Houari, à Chiffa : « S'il n'y a pas de problème bureaucratique, on va pouvoir travailler. » : Ouest-France
    La Bretagne n'a pas de pétrole, mais elle a du lait. L'Algérie, grande importatrice de poudre, va puiser dans le savoir-faire breton pour relancer sa production.

    Reportage

    ALGER (de notre envoyé spécial). Au pied des monts de la Chiffa, tout au fond de la grande plaine de la Mitidja, à 80 km d'Alger, les terroristes se sont évanouis, pas les maux de l'Algérie.Chérif Houari et Ali Boudjemaa sont toujours à la peine. Abreuvé de pétrole, l'État algérien a méprisé, jadis, ses paysans. Cet après-midi, l'étable de Chérif et d'Ali n'abrite toujours que douze vaches assoiffées, pour nourrir cinq familles, pendant que le pays importe des montagnes de poudre de lait...

    Moins de six vaches par ferme

    Cela va-t-il enfin changer ? La flambée des prix alimentaires, début 2008, a poussé les autorités à prendre enfin le taureau par les cornes. « La spéculation a fait passer la tonne de poudre de lait de 2 200 à 5 000 dollars ! », rappelle Abdelhafidh Henni, le directeur général de l'Office national interprofessionnel du lait (Onil).

    Le gouvernement est donc décidé à réduire le flux des conteneurs de poudre, venant en majorité d'Europe, qui encombrent le port d'Alger. Les Algériens consomment trois milliards de litres chaque année. Il faut en importer 1,2 milliard. La facture approche un milliard d'euros pour l'État, qui ne veut pas faire payer la note au consommateur : le litre reste à 25 dinars (24 centimes d'euros) à l'étal.

    La première réforme a touché la collecte. La majorité des fermes ayant moins de six vaches, 10 % seulement du lait arrive aux laiteries, soit 200 millions de litres. Ce sera 400 millions dès 2009, puis600 millions en 2010. Ça a bien démarré : « Avec 190 millions à la fin juin, on est près de l'objectif », se félicite le directeur de l'Onil.

    « La poudre de lait a tué la vache »

    Mais c'est toute la filière qu'il faut reconstruire. Comme le dit Abdelkader Chahed, le directeur de la laiterie publique Colaital, à Birkhadem, dans la banlieue d'Alger, « la poudre de lait a tué la vache ».Il y a l'alimentation, l'insémination artificielle, l'appui technique, la qualité, les éleveurs à organiser...

    C'est là que « le projet de Bretagne International colle à l'objectif du ministre », souligne Abdelhafidh Henni, à l'Onil. Un projet qui mûrit en fait depuis quatre ans entre l'Algérie et la première région d'élevage d'Europe, représentée par Bretagne International et la Chambre régionale d'agriculture.

    L'opération doit démarrer dans trois wilayas (départements) pilotes : Relizane, à l'ouest, puis Blida (centre) et Souk Ahras (est). Tout paysan intéressé pourra, de manière collective ou individuelle, en bénéficier. À Chiffa, Mohamed Ezzraima n'attend que ça avec son gérant à la rigueur tout islamiste, Mohamed Houari.

    Le fellah et le bureaucrate

    Mohamed Ezzraima a « commencé chouïa chouïa » en 1997, durant les années sanglantes. Un gros négociant lui a fourni des vaches à crédit, prélevant 70 % sur la vente du lait pour se faire payer. Le voilà à 240 vaches. Et encore : 150 ont été abattues car elles étaient atteintes de brucellose. « L'État n'a rien fait. Je voudrais aussi transformer un peu le lait et me lancer dans les oeufs, mais ça bloque encore, la bureaucratie nous décourage. »

    La bureaucratie... le talon d'Achille de l'Algérie. L'État sait faire pour soutenir la collecte, « importer 200 000 vaches en cinq ans » ou reverdir le désert. Il est prévu, annonce aussi Abdelhafidh Henni à l'Onil, « d'ensemencer 500 000 hectares dans le désert avec irrigation automatisée, du côté d'Ouargla, Touggourt, Ghardaia ». Il y aura beaucoup de céréales (car l'Algérie importe aussi du blé pour sa semoule), mais également du maïs fourrager ou de la luzerne pour les bêtes.

    L'Algérie peut aussi lancer de gros élevages de 3 000 têtes, mais peut-elle résoudre le casse-tête foncier ou bancaire du petit éleveur ? « On a fait une demande pour 56 vaches. S'il n'y a pas de problème bureaucratique, on va pouvoir travailler, veut espérer Ali Boudjemaa, à Chiffa. Avec Bretagne International, l'État va devoir bouger », ajoute-t-il. Les Bretons collent donc autant aux projets du ministre qu'aux espoirs du petit fellah. Lourde responsabilité.
    Michel ROUGER.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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