Sahra fi Sahara

[Iska]

Sahra fi Sahara
par El-Guellil

Il est le ftour moins quelques instants. Les chauffeurs sont pris de folie. Si toute la journée, ils se trouvaient toutes les futilités pour tuer le temps, c'est les gens qu'ils sont prêts à tuer pour arriver avant l'appel du muezzin, qui n'est plus un appel à la prière mais une convocation à la meïda. L'asphalte commence à avaler les retardataires.

Ça y est, c'est le ftour. Le couvre-feu. Symphonie en silence majeur. La polyphonie des cuillères remplace l'impolie phonie de la journée. Quelques instants seulement. Quelques minutes pour avaler, ingurgiter, et ce sont les maisons qui commencent à éructer les tubes digestifs... Oust ! Tout le monde dehors ! C'est parti pour une première soirée ramadanesque.

Les mosquées se mettent à accueillir les bonnes gens et ceux qui ont besoin de se faire pardonner les méfaits du premier jour. Tous de blanc habillés. Puisse Dieu nous pardonner !

Les cafés sont déjà pleins. Il s'agit de rattraper le manque à gagner de la journée. Une petite majoration sur les consommations et le tour est joué. Des cafés qui se transforment, le temps d'une veillée, en salons de jus, salons de jeux, salons où trois valets peuvent battre deux rois. Salons où, quand un quatuor de dames s'y met, le trois as peuvent se mettre en veilleuse... Comme quoi l'union fait la force. Et le bluff aussi. On perd son temps et son argent comme on peut. C'est kif-kif en d'autres lieux plus discrets.

D'autres, plus intellectuels, s'enferment dans des salles de spectacles pour cuver la h'rira et attendre le s'hour. Les femmes se rendent visite pour échanger les recettes de maquillage qu'elles ont abandonné toute la journée. Toute la journée derrière le four, elles le seront, elles cuisineront un f'tour dont la moitié se retrouvera dans les poubelles. L'Algérien jette plus qu'il ne mange.

Le Quotidien d'Oran



"saha f'tourkoum"