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    L'aide fatale
    par K. Selim
    Dambisa Moyo. Ceux qui ne la connaissaient pas vont apprendre à la connaître. Certains dans l'Occident repu vont se charger de le faire. C'est une jeune économiste zambienne qui a fait Oxford et Harvard, qui est passée par la Banque mondiale et siège dans des conseils d'administration de Lundin Petroleum et SAB Miller. Sur le site de Time, Paul Wolfowitz, ancien président de la Banque mondiale et auparavant va-t-en-guerre patenté chez George W. Bush, fait l'éloge de ce qui est en train de faire sa célébrité.

    Un livre intitulé «Dead Aid» (traduit en français sous «l'aide fatale»), dans lequel elle estime que tous les problèmes de l'Afrique viennent de l'aide reçue de l'extérieur. Elle constate que les aides ne changent pas la donne économique sur le continent mais l'enserrent dans la corruption et l'inefficacité. Donc, pour que l'Afrique émerge et entre dans le cercle vertueux de la croissance, il faut que les aides soient supprimées. Et, bien entendu, il faut laisser le marché faire.

    Cette foi dans le marché et dans sa capacité à mener le continent sur le chemin de la croissance et du développement étonne dans le contexte actuel. Mais Dambisa Moyo est sûre d'avoir la chaude approbation de beaucoup de théoriciens du marché, fort contents de trouver une fille du continent qui a bien appris les dogmes et qui peut donc dire tout le mal qu'ils pensent de l'aide. Là où l'on attend une critique de la manière dont les aides sont octroyées - et la littérature économique est abondante sur ce registre -, on se retrouve devant une économiste tellement «croyante» qu'elle occulte les réalités.

    Le plus gênant dans son approche n'est pas la critique de l'aide. Celle-ci est trop souvent conditionnée et comporte un «coût» sévère pour les sociétés qui la reçoivent et elle est donc critiquable. Le plus gênant est que cette dame, qui est passée par la Banque mondiale, oublie que ce n'est pas l'aide qui a pesé fondamentalement sur les économies africaines. Ce sont les politiques d'ajustement structurel imposées pendant trois décennies par les institutions financières internationales. S'attaquer à l'aide en suggérant qu'elle est la source des problèmes est une formidable - et fausse - inversion des réalités. Les politiques du FMI et de la Banque mondiale imposées comme des dogmes infaillibles expliquent pour une grande partie la faiblesse de la croissance.

    En réalité, contrairement à l'assertion de Moyo, la suppression de l'aide ne changera pas la situation de l'Afrique. C'est une diversion. Les problèmes du continent, sans occulter la part qui revient à des élites africaines irresponsables et prédatrices, relèvent bien d'un ordre mondial injuste et brutal. La suppression de l'aide a, on s'en doute, beaucoup moins d'impact qu'une réelle interdiction des paradis fiscaux et des comptes numérotés où beaucoup d'argent africain est placé...

    La nouvelle coqueluche africaine des théoriciens du marché ne se contente pas au demeurant d'avoir des idées très carrées sur l'économie. Elle en a aussi en matière de politique et souhaite pour les pays pauvres, non pas la démocratie, «mais un dictateur bienveillant décidé à imposer les réformes nécessaires pour donner une impulsion à l'économie». Un dictateur «bienveillant», cela n'existe pas, bien sûr. Tout comme la «main invisible du marché».

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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