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Le maître de Tala de Saïda Azzoug-Talbi

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  • Le maître de Tala de Saïda Azzoug-Talbi

    Le maître de Tala se déroule au début du XXe siècle, à Tala N’tazert (la fontaine des figues), un village niché sur les flancs de la majestueuse montagne du Djurdjura.

    Elle met en scène Amar, un petit garçon issu d’un milieu pauvre. Elevé par sa mère, veuve, ainsi que ses deux autres frères, il fréquente l’école d’Ighil Bou Anas, un village voisin de Tala. Intelligent, studieux et assidu, l’élève obtient son certificat d’études. Il passe avec brio le concours d’entrée au cours normal de Bouzaréah au grand bonheur de sa maman qu’il appelle l’aïeule. «Elle poussa un youyou strident qu’on entendit aux quatre coins du village... Les mains calleuses de l'aïeule l’émurent au plus profond de lui-même. Il lui murmura : «Je te donnerai tout l’argent que les Français me donneront petite mère.» Elle sortit des plis de sa robe des gâteries, un œuf dur couvert de signes dessinés au henné, une grenade et quelques figues : sans doute les meilleures de «l’akhoufi familial». p 37 et 38. Le sésame d’entrée à l’école normale de Bouzaréah obtenu, le jeune villageois découvre Alger pour la première fois. La capitale lui fait l’effet d’un électrochoc. «Son premier contact avec le monde de la colonie fut un choc, il était à des années lumière de Tala : les voitures, les hommes, les femmes, tous très pressés, si différents des paysans kabyles lui donnèrent le tournis. » p 53.

    Devenu pensionnaire dans cette prestigieuse école, il redouble d’effort pour devenir un maître d’école accompli. Au fil du temps, il réalise qu’il a beaucoup évolué par rapport à son milieu familial. Il se confie à son journal intime : «Je te mentirais, à toi mon ami, si jet te disais que tout me convient à la maison. Quand je dois manger le couscous avec les mains, cela ne me plaît pas... Indéniablement l’absence d’hygiène m’est parfois insupportable... Je sais que l’Ecole normale a fait de moi quelqu’un qui n’a plus sa place ni chez les siens ni chez les autres...» p 62.

    Une fois son diplôme en poche, Amar est affecté à son premier poste à Ighil Naït Ameur. Arrive la Première Guerre mondiale. Tout le monde est mobilisé pour aller combattre l'Allemagne. «Les caïds étaient chargés de signifier les ordres d’incorporation, les gendarmes venaient à la rescousse pour mettre au pas les récalcitrants : ceux qui tentèrent de se cacher ou de s’enfuir. Il y eut des scènes dramatiques de jeunes gens attrapés dans les champs, ramenés enchaînés sous bonne garde... Ils étaient, immédiatement, enrôlés et envoyés en première ligne au front.» p 76 et 77.

    Par chance, Amar reviendra sain et sauf à Tala. Il se marie avec une jeune villageoise qu’il aimera de tout son cœur et qui lui donnera plusieurs garçons. Une vie conjugale sans anicroches jusqu’à ce jour fatidique où Amina, c’est son nom, trouve la mort des suites d’une thyphoïde. A travers ce roman palpitant, c’est tout un pan de l’histoire de la Kabylie du début du XXe siècle qui est revisité sous la plume de Saïda Azzoug-Talbi : les expropriations et spoliations des terres par l’administration coloniale française, les tentatives d’aliénation, l’absence de soins, la misère, la famine... «Les villageois qui se recommandaient au marabout étaient là sans arme face à l’absence de médicaments. Le seul médecin de la colonisation, pour toute la région, était inaccessible. Le pouvoir politique utilisait l’ignorance et la misère des populations pour mieux asseoir son autorité. Il encourage les pauvres hères à recourir aux marabouts, en particulier aux pires d’entre eux, aux charlatans odieux, qui vivaient de la crédulité de ceux qui leur confiaient leur désarroi». p 119 Par ailleurs, l’auteur met en exergue le courage et la tenacité des femmes kabyles décharnées par le poids des corvées quotidiennes : «C’était alors que l’on rencontrait des processions de femmes vieilles avant l’âge, ployant sous le poids des fagots. Certaines, à la fin de leur triste vie, avaient les jambes arquées, elles étaient bossues à force d’avoir transporté des cruches à eau, et des charges en tous genres». p 141

    Les heureux événements rythmant la vie au cœur de Tala ne sont pas en reste. Scènes de mariage : «La veille de la noce, les femmes et les jeunes filles choisies par l’aïeule se rendirent chez la future épousée pour lui mettre le «henné» et lui apporter le «tbek» (la corbeille). La corbeille comportait des grains de blé, des fèves, des œufs, symboles de fécondité, puis un paquet de «henné», un coupon de tissu, et un bijou». p 110

    Le maître de Tala nous rappelle Le fils du pauvre,célèbre roman de Mouloud Feraoun. Une histoire palpitante, sincère et émouvante à lire au plus vite.

    Le maître de Tala de Saïda Azzoug-Talbi

    Editions Dahlab 2009, 400 DA,
    178 pages

    Par le soir
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