Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Vers un redémarrage en douceur de l'accélérateur de particules LHC

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Vers un redémarrage en douceur de l'accélérateur de particules LHC

    La ville cosmopolite - dix mille résidents, 85 nationalités - que constitue l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) de Genève ne montre aucun signe de fébrilité. Comme si rien ne s'était passé voilà un an. Comme si les prochaines semaines n'étaient pas décisives pour son accélérateur géant de particules, le Large Hadron Collider (LHC).

    En cet été finissant, les étudiants et les thésards sont nombreux, aussi décontractés que leur tenue. Et, à l'heure du déjeuner, la cafétéria se transforme en bruyante tour de Babel. Trônant au milieu d'une pelouse, comme une installation d'art moderne, un gros cylindre bleu marqué d'une inscription à l'humour potache : "LH... C'est pas sorcier." Façon, peut-être, de conjurer le sort.

    Ce tube monumental fait partie des 1 700 aimants dont une des interconnexions électriques s'est révélée défectueuse et a provoqué, le 19 septembre 2008 - neuf jours après sa mise en service -, l'arrêt de la machine. Celle-ci est destinée à percer les secrets de la matière, en faisant se fracasser des particules lancées en sens contraire, à une vitesse proche de celle de la lumière, dans un anneau souterrain de 27 kilomètres de circonférence.

    "Nous sommes tous tombés de haut, reconnaît Rolf-Dieter Heuer, qui a pris la direction du CERN en janvier. C'était une telle satisfaction d'avoir réussi la première injection de protons et de voir qu'un instrument aussi complexe marchait si bien ! Mais le moral est vite remonté." Aujourd'hui, affirme-t-il, "nous comprenons mieux le LHC qu'il y a un an et nous sommes prêts à redémarrer. C'est essentiel pour que chacun reprenne confiance".

    Chef du département de technologie, Frédérick Bordry partage ce sentiment : "Les équipes ont travaillé jour et nuit pour construire la machine, puis pour la réparer. Il est temps de montrer qu'elle tourne."

    Si tout va bien, l'accélérateur sera remis en route mi-novembre. Mais, dans un premier temps, avec une énergie réduite : 3,5 tera-électrons-volts (TeV ou million de millions d'électrons-volts) par faisceau de particules, soit 7 TeV lors des collisions. C'est-à-dire la moitié seulement des 14 TeV pour lesquels le LHC est conçu.

    Un régime de croisière qui, justifie le directeur, assure "un fonctionnement en toute sécurité", tout en offrant aux physiciens la possibilité de vraies découvertes. L'accélérateur le plus puissant après celui du CERN, le Tevatron américain du Fermilab de Chicago, ne développe qu'une énergie de 2 TeV.

    Au reste, les chercheurs n'ont pas passé l'année à se tourner les pouces, assure Fabiola Gianotti, coordonnatrice des expériences menées avec le détecteur Atlas, la plus grande des quatre enceintes où seront analysées les particules nouvelles issues des collisions. "Nous en avons profité pour affiner les réglages du détecteur, grâce aux rayons cosmiques qui percutent en permanence la Terre, relate-t-elle. Cette source naturelle et gratuite de particules nous a permis d'enregistrer, en un an, 500 millions de signaux. Ce travail sera très utile pour les futures collisions. Et nos étudiants ont pu se faire la main sur des données réelles et non de simples simulations."

    La chercheuse ne cache pourtant pas son "enthousiasme" à l'idée de passer aux vraies expériences. Dans une première étape, il s'agit de "redécouvrir" le modèle standard de la physique. Celui-ci décrit la totalité du monde que nous connaissons, avec douze particules de matière élémentaires (six quarks et six leptons) qui interagissent par trois forces portées par d'autres particules. Toutes - à l'exception d'une, le boson de Higgs - ont déjà été découvertes et leur masse mesurée avec une grande précision dans la plupart des cas. En les faisant surgir dans les détecteurs, et en comparant les données obtenues avec les mesures de référence, il sera possible de calibrer les instruments.

    Avant de passer à la chasse au boson de Higgs. L'existence de cette "particule divine", comme la surnomment certains physiciens, a été prédite dans les années 1960, mais n'a jamais été observée. C'est elle qui, par un champ de force invisible baignant tout l'Univers, donnerait leur masse aux autres particules, plus ou moins lourdes selon qu'elles sont plus ou moins ralenties par la "viscosité" de ce champ.

    "Les chances de le découvrir sont plus fortes à 14 TeV qu'à 7 TeV", admet Fabiola Gianotti. Mais autant que l'énergie de la machine, c'est la masse du boson de Higgs qui sera déterminante. Des expériences antérieures, dans d'autres accélérateurs, indiquent que sa masse est comprise entre 114 et environ 200 GeV (masse et énergie étant équivalentes selon la formule d'Einstein). "S'il se situe dans le haut de cette fourchette, donc qu'il est plutôt lourd, il sera plus facile à trouver, les mesures étant moins perturbées par le bruit de fond de processus déjà connus, explique la chercheuse. Dans ce cas, nous pourrions en avoir quelques signaux dès 2010. Dans le cas contraire, il faudra plus de temps ."

    Les chercheurs du CERN ont l'espoir de mettre la main sur d'autres objets aussi mystérieux : des particules supersymétriques qui pourraient constituer la "matière noire" de l'Univers. La matière visible - celle que nous connaissons - ne représente en effet que 4 % du cosmos. Le reste est fait pour un quart de matière noire et pour trois quarts d'énergie sombre .

    Seules celles-ci peuvent expliquer pourquoi les galaxies tournent plus vite que ne le laisse prévoir leur masse apparente, et pourquoi l'expansion de l'Univers s'accélère. Mais leur nature reste inconnue. Rolf-Dieter Heuer touche du bois : "Si le LHC faisait la lumière sur la matière noire, ce serait fantastique."

    Par Le Monde



Chargement...
X