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Des travailleurs marocains exploités et logés dans une étable

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  • Des travailleurs marocains exploités et logés dans une étable

    leurs employeurs devant la justice

    JUSTICE - «C’est l’exploitation d’une misère plus grande que la leur». Cette observation de Christelle Jouteau, l’avocate des parties civiles résume bien le comportement des douze exploitants agricoles qui comparaissaient hier devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour «prêt illicite de main d’œuvre, travail dissimulé et emploi d’étrangers» notamment. Ces agriculteurs, des viticulteurs pour la plupart sont accusés d’avoir employé au début de l’année 2003, via une société écran basée en Espagne, des travailleurs marocains en situation illégale, et sous-payés.

    Emile Van Lierde. Son nom revient sans cesse au cours de l’audience. Mais le principal accusé dans cette affaire n’a pas daigné faire le déplacement jusqu’au tribunal. Il faudra se contenter de ses déclarations devant le juge d’instruction lues par le Président. Ce Belge est accusé d’avoir monté une société de droit espagnol, Agriganda, pour faire travailler des salariés en France à moindre coût. Installé à cheval entre l’Espagne et la France, Emile Van Lierde recrutait par le biais de petites annonces des travailleurs marocains dans la région de Huelva en leur faisant miroiter un bon travail en France, bien payé, avec un logement sur place. Arrivés en Gironde, les malheureux qui avaient répondu à l’annonce ont découvert une réalité bien différente. «Dès le premier jour, j’ai été frappé par le logement» raconte Abdelatif Azirar à la barre, «mais je n’avais pas assez d’argent pour retourner en Espagne, alors je suis resté travailler.» Abdelatif est en effet logé avec d’autres employés dans une dépendance de la maison d’Emile Van Lierde. Il s’agit en réalité d’une ancienne étable, pas isolée, sans chauffage (au mois de janvier), et équipée d’une installation électrique plus que précaire.

    En l’absence de son fondateur, le président interroge Jean-Paul Bougès, un des «clients» d’Agriganda, sur la société. Ce viticulteur a fait travailler 11 personnes par le biais de l’entreprise d’Emile Van Lierde. Il raconte qu’il a fait la connaissance du Belge en 2000. Il l’employait alors pour des travaux saisonniers dans son exploitation. Pour faire face à la pénurie de main d’œuvre, celui-ci lui aurait ensuite proposé de faire venir des travailleurs d’Espagne, par le biais d’une société de droit espagnol. Van Lierde a prétendu pour sa part, lors de ses interrogatoires que l’idée lui avait été suggérée par Jean-Paul Bougès. «Même si vous n’êtes pas à l’origine de cette société, questionne le Président, ce montage proposé par Mr Van Lierd ne vous a pas paru bizarre ? Si Monsieur van Lierd était un grand juriste, il n’aurait pas besoin de venir faire les saisons chez vous. »

    Le viticulteur plaide la bonne foi et explique avoir signé les contrats sans trop regarder. Ses co-accusés choisissent le même mode de défense et affirment tous qu’ils pensaient que la société Agriganda était parfaitement légale. Emile Van Lierde leur avait affirmé que les salariés coûtaient moins cher car il payait ses charges sociales en Espagne. Tous ont semble-t-il adhéré à ce discours qui les arrangeait bien. Comme le précise Denis Chassériaud, ancien maraîcher, «si j’avais su ce qui allait se passer par la suite, j’aurais pas pris le risque de faire travailler cette entreprise pour économiser 100 euros.» Son exploitation a été liquidée fin 2003, il est aujourd’hui chauffeur agricole pour 1100 euros par mois. Les autres accusés n’ont pas des revenus supérieurs. Ce sont tous des petits exploitants acculés à faire des économies sur tous les postes. Dans ses réquisitions, le procureur a demandé 3 ans de prison dont 2 avec sursis à l’encontre d’Emile Van Lierde, de 3 à 6 mois de prison avec sursis pour les autres accusés et une amende de 1000 euros par salarié exploité. Le jugement a été mis en délibéré au 12 octobre.

    Stéphanie Lacaze
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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