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Itinéraire d'un vieil immigré algérien, mort après une interpellation musclée

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  • Itinéraire d'un vieil immigré algérien, mort après une interpellation musclée

    Ali Ziri ne sortait jamais sans sa cravate et sa veste sombre. Une petite moustache fine, quelques rares cheveux blancs, le vieil homme, 69 ans, était un "chibani", un de ces immigrés venus en France à la fin des années 1950 pour fournir une main-d'oeuvre bon marché à une économie en pleine croissance. Un de ces "invisibles" qui peuplent les foyers de travailleurs de la banlieue parisienne et qui, après quarante ans de labeur, choisissent de vivre entre leur pays d'adoption, la France, et leur pays d'origine, l'Algérie. Son dernier voyage, Ali Ziri l'a effectué, le 3 septembre, dans un cercueil. Car le vieil homme, marié, père de quatre enfants, est décédé, le 11 juin, à Argenteuil (Val-d'Oise), dans des conditions suspectes, après avoir été interpellé par la police trois jours plus tôt.

    "Tonton Ali", comme l'appelaient affectueusement ses amis, était revenu passer quelques jours à Argenteuil pour préparer le mariage d'un de ses fils. Argenteuil, où il était arrivé en 1959 "à la recherche d'une vie meilleure". Pendant près de vingt-six ans, il avait travaillé dans la même entreprise de transports comme manutentionnaire, faisant vivre sa famille à distance avec son salaire.
    "Ali faisait partie de ces immigrés qui ont vécu loin de leurs enfants, restés au pays avec leur mère. Depuis son départ en préretraite, il y a dix ans, il avait pu faire vraiment leur connaissance en s'installant en Algérie. Il y construisait sa maison", raconte un de ses amis, Arezki Semache, originaire du même village en Kabylie.
    Pendant près de quarante ans, Ali Ziri avait ainsi vécu en célibataire, dans un foyer de travailleurs immigrés. C'est là qu'il dormait lorsqu'il revenait en France s'occuper de sa retraite, de ses papiers, consulter son médecin traitant pour ses problèmes de genou. L'occasion aussi, deux fois par an, de retrouver ses amis restés à Argenteuil.
    Ce 8 juin, alors qu'il fait des courses dans la ville - un de ses fils lui avait commandé un "jean 501" - il rencontre Areski K., 61 ans, qu'il connaît "depuis toujours". Les deux camarades boivent un verre dans un café et jouent au tiercé.
    Puis ils rejoignent la galerie commerciale pour acheter le fameux jean. Il est 14 heures, les deux hommes, rejoints par un neveu, s'arrêtent dans un restaurant. Un steak, des haricots verts, une bouteille de vin, un café, un calva. Un moment festif. "Ali était un type doux, avec une voix presque efféminée. C'était un bon vivant, un monsieur avec beaucoup d'humour", raconte Arezki Semache. Les deux amis repartent, se promènent le long des magasins. Ils s'arrêtent dans plusieurs bars et boivent à nouveau. Ils finissent par repartir en voiture - c'est Arezki K. qui conduit - et traversent une partie de la ville.
    Une patrouille de police repère le véhicule et procède à un contrôle. A ce moment-là, deux versions s'opposent. Celle des policiers qui font état d'insultes et d'un comportement agressif des deux hommes qui les auraient amenés à les interpeller. Celle du témoin survivant, Arezki, handicapé à 60 %, qui raconte avoir été brutalement immobilisé par les policiers, menotté, insulté puis plaqué au sol. Un des fonctionnaires l'aurait maintenu en lui appuyant son pied sur la tête. "J'ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillé, j'étais dans le camion de la police. M. Ziri était allongé à plat ventre dans le camion. Il ne parlait pas", raconte Arezki K.
    Les deux hommes sont conduits à l'hôpital. Arezki K. subit un test d'alcoolémie qui indique 1,91 gramme d'alcool par litre de sang, puis il est placé en garde à vue. L'état de santé d'Ali Ziri se dégrade. Il tombe dans le coma et finit par mourir trois jours plus tard. Une première autopsie conclut à un décès provoqué par une hypertrophie cardiaque et une forte consommation d'alcool (2,4 grammes/litre). Le parquet de Pontoise classe donc cette partie de l'affaire en considérant qu'il n'y avait pas eu de violences policières. Mais, dans le même temps, Arezki K. raconte sa version à ses amis. Des associations se mobilisent, organisent une marche silencieuse et finissent par obtenir une nouvelle expertise médicale dans le cadre d'une instruction précédemment ouverte sur la responsabilité éventuelle de l'hôpital.
    La seconde autopsie a lieu en juillet et donne des conclusions différentes : cette fois-ci, l'expert évoque la présence de nombreux hématomes, 27 au total, dont certains de grande taille. "Ali Ziri a été tué par la police. Nous demandons la justice, à commencer par la suspension des trois policiers impliqués qui sont toujours en fonction au commissariat d'Argenteuil ", soulignent les membres de son comité de soutien, organisateurs d'un rassemblement contre les violences policières le 11 septembre sur la dalle d'Argenteuil. Ali Ziri a été enterré, samedi 5 septembre, dans son village natal, au coeur de la Kabylie. Arezki K., quant à lui, doit comparaître le 17 septembre pour outrages envers les policiers et conduite en état d'ivresse.

    Luc Bronner
    Le Monde
    « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

  • #2
    Vie et mort de "Tonton Ali"

    Par Franck Berteau, publié le 11/09/2009 15:30 l'Express



    Il y a deux mois, un Algérien de 69 ans décédait à la suite d'un contrôle de police. A Argenteuil (Val-d'Oise), ses proches ne croient pas au hasard.

    "Ali Ziri? L'homme qui a été assassiné?" Au foyer pour personnes isolées Adoma d'Argenteuil, le lapsus du concierge trahit le sentiment général. Pour lui, comme pour beaucoup d'autres ici, il n'y a aucun doute: si ce retraité algérien de 69 ans est mort le 11 juin, quelques heures après avoir été placé en garde à vue au commissariat local, c'est la faute de la police.

    Ali Ziri a vécu pendant plus de quarante ans dans ce foyer coincé entre la gare et une bretelle de l'autoroute A 86. Les résidents l'appréciaient, ils le surnommaient "Tonton Ali". "Il n'avait jamais eu affaire à la police", assure Hamali, l'un de ses proches. Marié, père de quatre enfants restés en Kabylie, Ali Ziri avait longtemps travaillé dans une gare de triage. Depuis son départ à la retraite, il multipliait les allers-retours entre l'Algérie et la France. Cette fois, il était venu chercher un cadeau pour son fils aîné, sur le point de se marier.

    Le 9 juin, Tonton Ali fête l'événement avec Arezki Kerfali, 61 ans. Aux alentours de 20h30, ce dernier le raccompagne en voiture au foyer. Les deux hommes ont bu. Une patrouille les intercepte. Très vite, le contrôle aurait dégénéré. "Les trois agents nous ont menottés en nous brutalisant. Ils m'ont plaqué au sol et appuyé la tête contre le bitume", raconte Arezki Kerfali, en montrant les photos de ses hématomes. Selon son témoignage, lui et son ami auraient été victimes de coups et d'insultes racistes dans le fourgon. "Les policiers nous ont battus et traités de sales bougnoules", poursuit-il. Sollicité par L'Express, le commissaire d'Argenteuil n'a pas été autorisé par sa hiérarchie à répondre. "L'interpellation d'individus ivres et outrageants est toujours musclée", précise simplement une source policière.

    Autopsie et contre-autopsie

    Deux heures après son placement en garde à vue, Tonton Ali est victime d'un malaise et conduit à l'hôpital Victor-Dupouy, à Argenteuil, où il doit attendre quarante minutes avant de recevoir des soins. Entre-temps, son état s'est dégradé. Tombé dans le coma, il ne se réveillera plus. Le 11 juin, le décès est constaté. La direction de l'hôpital n'a pas souhaité, elle non plus, s'exprimer sur cette mort, qui fait l'objet d'une enquête.

    M. Kerfali affirme que les policiers ont refusé de prendre sa déposition quand, certificat médical à l'appui, il a voulu porter plainte pour violences. Me Sami Skander, l'avocat de la famille Ziri, estime, quant à lui, que ce dossier est une "mascarade". "Nous avons eu le sentiment que le parquet avait tenté d'étouffer l'affaire", assure-t-il. Début juillet, celle-ci avait d'abord été classée sans suite, la première autopsie ayant attribué le décès à des problèmes cardiaques sur fond d'alcoolisme aigu. Mais un juge d'instruction avait ensuite été saisi et une contre-autopsie réalisée. "Les résultats partiels de cette expertise mentionnent davantage d'hématomes, confirme le parquet. Mais, pour l'instant, aucun lien direct n'est établi entre le décès et ces traumatismes." Des proches du défunt, venus voir Tonton Ali à l'hôpital, se souviennent, eux, qu'"il avait des bleus un peu partout".

    Des examens complémentaires seraient en cours. Et les policiers mis en cause devraient être entendus prochainement. En attendant, l'émotion et la colère restent vives dans le Val-d'Oise. Un collectif de soutien Vérité et justice pour Ali Ziri a été créé par le biais de l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF). Plusieurs marches ont été organisées. Enfin, un rassemblement est prévu ce vendredi, à Argenteuil, pour "que la lumière soit faite et que justice soit rendue".

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    • #3
      Affaire Ziri: la piste de la bavure policière relancée


      Affaire Ziri: la piste de la bavure policière relancée


      Ils étaient une cinquantaine hier devant la sous-préfecture d'Argenteuil.


      EXCLUSIF - Une contre-autopsie sur le corps du retraité algérien décédé à Argenteuil après une interpellation révèle la présence de plusieurs hématomes...
      Troublante affaire… Ali Ziri est-il mort des suites de son interpellation musclée le 11 juin dernier à Argenteuil? Ce retraité algérien de 62 ans avait été arrêté deux jours plus tôt dans un véhicule par des policiers. Comme le confirmera la première autopsie, il était alcoolisé, visiblement comme son ami qui conduisait, Arezki K., 61 ans. Les deux hommes ne se laissent pas faire et le contrôle se passe plutôt mal. Des insultes fusent, ainsi que des coups. Les policiers décident alors de les emmener à l’hôtel de police. Au commissariat, la santé d’Ali Ziri se dégrade. Après un premier malaise, il est conduit à l’hôpital d’Argenteuil, où il arrive inconscient. Son décès est prononcé deux jours plus tard.

      Le parquet de Pontoise fait alors diligenter une enquête, mais classée sans suite car «l’autopsie [montrait] que la cause du décès [n’était] pas d’origine traumatique, mais liée à des problèmes cardiaques et pulmonaires de longue date», explique-t-on à l’époque au cabinet du procureur.

      Les amis et la famille d’Ali Ziri finissent tout de même par obtenir une «contre-autopsie» effectuée par un expert désigné par le juge d’instruction. «Ils ont retrouvé plusieurs hématomes de 12 à 17 millimètres sur son corps, ce qui nous donne raison. Il s’est fait tabasser par les policiers», affirme à «20 Minutes» un membre du collectif de soutien d’Ali Ziri.

      Rassemblement mercredi à Argenteuil

      Au parquet de Pontoise, le discours est toutefois nuancé. «Les experts nommés par le juge d’instruction ont effectivement retrouvé des traces d’hématomes mais ils attendent les résultats complémentaires qui devraient arriver prochainement pour déterminer la cause du décès», a-t-on précisé au secrétariat du procureur de la République.

      Mercredi, un rassemblement des proches du retraité est prévu à 18h au croisement de la rue Jeanne-d’Arc et du boulevard Léon-Feix, à quelques mètres de la mairie d’Argenteuil. «Nous voulons que toute la vérité finisse par se savoir», conclut un proche de la victime.

      William Molinié

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