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Ath Khrouf, un village où il faisait si bon vivre

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  • Ath Khrouf, un village où il faisait si bon vivre

    Il est des villages kabyles qui, perchés du haut de leurs collines, semblent figés dans le temps. Des hameaux qui, désertés par leurs habitants durant la décennie noire demeurent à l'abandon, sans entretien aucun, face aux rudes conditions climatiques de la région qui érodent saison après saison, année après année les habitations.

    Ath Khrouf est l’un de ces villages parmi tant d'autres, qui a connu un exode massif de sa population. Distant d'une dizaine de kilomètres de la commune de Haïzer, en pleine montagne, le hameau composé à l'époque d'une quarantaine de foyers demeure inhabité à ce jour, malgré les efforts de quelques-uns de ses anciens occupants pour le repeupler.

    C'est justement en leur compagnie que nous avons été à la découverte de cet endroit. Après avoir dépassé Aïn Alouane, sur la RN 33, un petit village d'Ath Khrouf, où nous apercevons quelques personnes affairées à rénover leurs habitations, nous parvenons à destination.

    En arrivant sur les lieux, nous constatons d'emblée ce qui avait dû être auparavant un village où il faisait bon vivre. Ce qui était, il y a quelques années de cela, une zone à vocation agropastorale est devenu un vaste espace, complètement en jachère, où petit à petit, la forêt reprend ses droits. Une bâtisse construite en dur se dresse à l'entrée du village. "C'est l'ancienne école qui est devenue par la suite un dispensaire et qui est maintenant à l'abandon", révélera Slimane, un de nos guides. En avançant dans des allées en pierres Dda Moh, 67 ans, bon pied bon œil, nous montre ce qui était à l'époque son verger. "Avant se dressaient ici figuiers, grenadiers, pêchers et autres arbres fruitiers. Il fut même une époque ou chaque samedi, nous vendions les produits maraîchers de nos récoltes, au marché hebdomadaire de Bouira.

    Aujourd'hui, seuls les oliviers subsistent, enfin ceux épargnés par la neige." Une neige qui a même fini d'achever les quelques ruchers subsistants.

    Des maisons traditionnelles kabyles, construites en terre et en pierre et qui sont partiellement ou entièrement détruites, témoignent d'une époque prospère. "Targa" (canal d'irrigation), qui alimentait jadis le village en eau potable se devine au détour du sentier, malgré les ronces et les broussailles qui l'ont littéralement envahie. "Nous souhaiterions faire renaître le village, mais pour cela il reste beaucoup à faire... pour la réhabilitation de ces lieux, nous avons même sollicité les autorités de la wilaya qui se disent prêtes à nous aider mais pour la réalisation d'habitations groupées.

    Cependant, comme les terrains appartiennent aux privés, ces derniers refusent l'implantation de bâtiments sur leurs propriétés, ils arguent le fait que cela défigurait le site pittoresque... nous ne désespérons pas de voir aboutir nos efforts grâce au FNDRA qui pourrait aider les personnes désirant revenir habiter ici”, confiera Hammouche, un de nos accompagnateurs. Il est vrai que la région réserve de multiples potentialités dans différents domaines aussi bien agricoles, pastorales que touristiques. Eh oui, il faut savoir qu'à une certaine époque des étrangers affluaient en cet endroit de haute montagne, et pour cause, en plus du paysage féerique qui s'offre aux visiteurs, le site possède une attraction touristiques qui, à ce jour, n'a toujours pas révélé ses secrets. Il s'agit de Lalla Mimouna et de ses incroyables légendes.

    La légende deTazrout n’Sidi Ali Bounab

    A la sortie du village d'Ath Khrouf, nous empruntons un sentier abrupt qui nous mène en direction de Lalla Mimouna, une immense falaise qui se dresse au loin, mais avant d'y parvenir, il faut d'abord traverser un oued. En remarquant un gigantesque rocher gisant dans la rivière en furie, nous interrogeons Slimane sur l'origine de ce roc ouvert en deux où coule l'oued. "Ce rocher a toujours suscité la curiosité des visiteurs, la légende veut qu'à une ancienne époque, un berger qui habitait ici a reçu la visite d'un étranger, un saint homme qui s'appelait Sidi Ali Bounab.’Le berger étant très modeste et ignorant à qui il avait à faire, invita son hôte à déjeuner en lui demandant ce qu'il désirait manger. Ce dernier lui répondit qu'il se nourrissait uniquement de cœurs purs. Le berger visiblement prêt à tout pour satisfaire son invité décide d'égorger une de ses bêtes pour lui extraire son cœur. `

    En s'apercevant qu'une chèvre ne suffirait peut-être pas à rassasier l'étranger, il en égorgea une dizaine.

    Le soir venu, l'invité interrogea le berger en découvrant le plat de cœurs spécialement préparé à son intention. Le saint homme lui répondit alors qu'en se nourrissant de cœurs purs, il voulait dire par là qu'il puisait son énergie auprès des âmes charitables, et de ce fait il pouvait se passer de manger. Le lendemain matin, dès l'aube Sidi Ali Bounab demanda au berger ce qu'il lui ferait plaisir, ce dernier toujours aussi humble, lui dit qu'il n'avait besoin de rien et qu'il allait irriguer son jardin comme à l'accoutumée. Mais pour cela il fallait contourner l'immense rocher pour aller chercher de l'eau. En voyant le pauvre berger escalader le rocher et faire des détours éreintants avec ses outres en bandoulière, le saint homme munit de son bâton, frappa à deux reprises sur le rocher qui s’ouvrit en deux. Depuis ce jour, l'eau de l'oued permet aux villageois d'entretenir jardins et vergers." Aujourd'hui encore cet endroit porte le nom de Tazrouts n Sidi Ali Bounab et même si la logique voudrait que ce rocher se soit fendu lors de sa chute dans l'oued, la légende persiste et se transmet de génération en génération.

    Après avoir franchi l'oued, nous grimpons une pente raide, avant de parvenir sur le site de Lalla Mimouna. Une fois arrivés, nous ne regrettons pas d'être au sommet. A perte de vue des paysages magnifiques s'étalent aux pieds des visiteurs.

    Le barrage de Tilesdit, dans la commune de Bechloul, pourtant grandiose, apparaît au loin comme une vulgaire flaque d'eau. Nous questionnons nos guides sur l'origine du nom Lalla Mimouna, et c'est Dda Moh qui nous répond : "Cette femme étrangère à la région accomplissait des miracles, et son origine remonte au XVIe siècle”. L'immense falaise de granit qui s'élève devant nos yeux recèle bon nombre de cavités et autres grottes. Cependant, l'une d'entre elles attirera particulièrement notre attention. Surélevée à quelques mètres du sol, une excavation naturelle, à l'intérieur une statue en pierre représentant un personnage tout droit sorti de la mythologie. Tsseryel (ogresse) nous indique Slimane, visiblement très branché légendes et autres récits merveilleux. Avec une tête d'ogresse, telle que l'on peut l'apercevoir dans des contes illustrés pour enfants, et un corps d'un mammifère, la statue de pierre semble veiller sur la tranquillité des lieux. "A l'époque, on raconte que de nombreuses personnes avaient investi l'endroit à la recherche d'or, Lalla Mimouna a fait apparaître une créature pour décourager les prospecteurs et mettre un terme à cette ruée vers l'or", raconte Slimane. Pour Dda Moh qui connaît le site depuis son enfance, l'endroit est magique : "Regarde ces deux rondins de bois qui obstruent l'entrée de la grotte, les anciens les ont toujours vus et depuis le début du XIXe siècle, ces bouts de bois n'ont même pas pourri".

  • #2
    Des grottes magiques

    A quelques mètres de là, d'autres petites cavités où, auparavant se nichaient des essaims d'abeilles, nous affirme notre interlocuteur. "... C'était le bon vieux temps...." Arrivés dans ce qui semble être les entrailles de la falaise de granit, une rivière surgit de l'intérieur et laisse s'écouler une eau claire et limpide. Une légère halte s'impose le temps pour Slimane, Hammouche, Ali et Dda Moh de se désaltérer et de nous expliquer les rituels propres aux croyances de Lalla Mimouna. "Ici se trouvent deux tunnels, un pour les hommes, l'autre pour les femmes.”

    Ces embouchures paraissent de faibles diamètres, mais pourtant, elles permettent à des personnes de fortes constitutions physiques de s'engouffrer à l'intérieur. Toutefois, si des personnes malfaisantes, même minces, veulent se livrer à cet exercice, elles resteront coincées, tandis que d'autres personnes obèses, si elles ont le cœur pur et la foi, pourront pratiquer cette ziara. Pour prouver ses dires, Dda Moh joindra le geste à la parole, et se prêtera à une démonstration digne d'un véritable exercice de contorsionniste.

    Une ziara à laquelle s'adonnaient et s'adonnent encore aujourd'hui de nombreux visiteurs en quête de guérison. De même pour l'embouchure réservée aux femmes stériles et, qui paraît-il, après le passage sept fois de suite dans ce boyau, retrouvent le pouvoir d'enfanter. Des lambeaux de tissus accrochés sur les parois ainsi que des bougies témoignent des us et coutumes pratiqués ici depuis des siècles.

    Dans une grotte plus spacieuse que les précédentes, de l'eau s'écoule de la voûte. "C'est de l'eau aux vertus miraculeuses, ceux qui sont atteints d'acnée et autres tumeurs dermatologiques guérissent au contact de cette eau", nous dira Slimane.

    En sortant de cette galerie "magique", nous apercevons une autre anfractuosité appelée Ifri vou tqelalt où un rocher de forme ovoïde semble suspendu à la voûte par on ne sait quel miracle. Un figuier, pourtant, pousse allégrement entre cette coupole et le rocher qui menace de tomber sur le sol à n'importe quel moment.

    "A maintes reprises, des personnes ont tenté de faire tomber ce rocher en vain, même à l'époque coloniale des militaires français ont essayé à l’aide de grenades et des tirs de roquettes sans y parvenir", dira Slimane d'un air mystérieux.

    A l'extérieur, la journée est radieuse, ce qui accentue la beauté du site. Des aigles et des émouchets effectuent des vols planés au-dessus de nos têtes. En face, Taddart Inedjaren, un hameau déserté par ses habitants. Ali nous révèle qu'un projet doit voir le jour incessamment. "Le Parc national du Djurdjura s'est engagé à réaliser une route pour faciliter l'accès en cet endroit et nous n'avons de cesse de solliciter les différents responsables pour réhabiliter les lieux.

    Une route avait commencé à être aménagée par les Français durant l'ère coloniale, mais au lendemain du déclenchement de la Révolution les travaux avaient été interrompus et n'ont jamais repris.” Sur de nombreuses parois, des crochets d'alpinistes témoignent d'une époque où l'escalade et les sports d'ascension faisaient le bonheur des étrangers en mal de sensations fortes. Pourtant un site pareil mériterait d'être connu du grand public, pour peu que les autorités concernées prennent conscience de la nécessité d'investir dans ce joyau touristique.

    En attendant un signe positif des services publics, nos guides ont créé une association pour l'environnement et comptent bien remettre une note d'optimisme dans cette région abandonnée même par ses anciens habitants.

    Par la Dépêche de Kabylie

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