IL Y A 51 ans, le 19 septembre 1958, le GPRA voyait le jour
La proclamation du Gouvernement provisoire de la Révolution algérienne (GPRA ) le 19 septembre 1958 est intervenue trois mois seulement après l’installation de de Gaulle à la tête de la Ve république. Le général avait cru que c’était un coup dirigé contre lui. Pourtant, l’idée, comme le souligne Réda Malek, avait germé bien avant cette date. L’ancien négociateur des accords d’Evian préci se que Aït Ahmed en avait fait un de ses thèmes favoris. De sa prison dans une lettre de février 1957, il pressait le cce de proclamer le gpra dont la création serait une riposte à l’enlèvement du 22 octobre 1956 des principaux dirigeants de la Révolution, dans un avion détourné. Mais le cce tergiversa. Toujours est-il que le gpra jouera un rôle important dans la guerre, car si la force du fln résidait dans son enracinement populaire, il s’imposait aussi dans sa politique d’ouverture sur le plan international « qui lui valent un rayonnement exceptionnel et rare pour un mouvement de libération ». A l’évidence, la délégation extérieure renfermait des hommes rompus à l’exercice de la politique qui constitueront un véritable appareil diplomatique. Ne fallait-il pas exploiter cette voie à travers le gpra pour que la voix de l’Algérie combattante soit entendue de par le monde. Le gpra l’a fait, mais au moment des bilans, il a été supplanté et prié de s’effacer. Avec Zohir Ihadaden, historien, professeur d’université impliqué dans la lutte de libération, nous avons tenté de lever le voile sur certaines zones d’ombre.
Pourquoi le GPRA ?
L’annonce officielle de la constitution du GPRA eut lieu au Caire le 19 septembre 1958. Le même jour fut rendue publique la première déclaration du président du GPRA, Ferhat Abbas, définissant les circonstances de la naissance de celui-ci et les objectifs visés par sa création. Sur le plan international, les négociations ne pouvaient se faire qu’entre deux institutions reconnues. Le gouvernement français refusait de discuter avec le fln, estimant qu’il ne pouvait engager l’avenir d’un pays avec un mouvement politique. C’est en tous cas la position de de Gaulle. Créer un gouvernement du côté algérien, c’est dire aux Français qu’il y a un interlocuteur en face s’ils veulent arriver à la paix. En plus, la Révolution algérienne avait franchi de grandes étapes. Elle avait toutes les caractéristiques, tous les ingrédients d’un Etat souverain doté de son armée, de ses cadres et surtout d’un territoire, car il y avait des zones libérées en Algérie, dans plusieurs régions à travers les 5 Wilayas historiques. En plus du fait que la nuit, l’Algérie appartenait à l’aln. Par conséquent, c’est d’une assise territoriale, politique et militaire dont jouissait le fln. a partir de là, la création d’un gouvernement algérien était nécessaire et indispensable parce qu’il restaurait la souveraineté algérienne détruite par la colonisation française depuis 1830.
En quoi la création du gpra est-elle décisive dans la stratégie du fln ?
Elle est décisive dans la mesure où elle crée une interface, un interlocuteur, car sur le plan juridique international, cette création allait entraîner la reconnaissance de ce gouvernement provisoire par plusieurs pays. Implicitement, la lutte algérienne serait reconnue. Il y avait quelque 36 pays qui ont reconnu le gpra, ce qui représentait presque la moitié des pays membres de l’onu.
Le GPRA a-t-il pu surmonter ses contradictions et fédérer les différents courants qui traversaient la Résistance ?
Ce n’est pas le GPRA qui a pu fédérer les différentes tendances. C’est plutôt le Congrès de la Soummam qui a rassemblé toutes les sensibilités qui existaient en Algérie avant 1954, non seulement les partis politiques, mais aussi les associations sociales, culturelles, économiques. Le GPRA n’a, en somme, fait que continuer ce qui a été fait au Congrès de la Soummam. D’ailleurs, dans la composition du GPRA, on trouve des éléments issus du PPA, de l’UDMA, des Ulémas, de l’UGTA, des étudiants, à l’exclusion du Parti communiste et de la tendance messaliste qui avaient refusé d’intégrer le FLN. Faisons un peu d’histoire. Le Congrès de la Soummam a créé des institutions. Une sorte d’assemblée nationale a travers le Conseil national de la Révolution algérienne, un organe exécutif, le CCE, remplacé par le GPRA en 1958. Par conséquent, le GPRA dépendait du CNRA et comme au sein du GPRA il y a eu des crises, il appartenait au CNRA d’apporter des solutions. Le Conseil apportait des modifications aux structures du GPRA. Des changements de ministres ou même du président du GPRA. Au départ, c’était Ferhat Abbas qui avait présidé aux destinées du gouvernement provisoire. Il y a eu un remaniement sous son égide. C’est ce qu’on appelle le 2e GPRA. Il y a eu un troisième remaniement avec une modification générale du GPRA avec Ben Khedda comme président. Il y a eu donc trois GPRA.
Puis, il y a eu le conflit avec l’état-major...
L’une des missions que le GPRA s’est assignées lorsqu’il a été créé, c’est de mettre en place un organisme qui coifferait les Wilayas sur le plan militaire. C’est à ce moment là que le GPRA a fini par créer ce qu’on appelle l’état-major à l’Est et à l’Ouest. Il y a eu par la suite unification à Ghardimaou avec un seul chef en la personne de Boumediène. Les relations entre le GPRA et l’état-major ont connu plusieurs étapes, mais après l’incident de l’avion français abattu par l’ALN et dont le pilote a été capturé et fait prisonnier par l’état-major, les relations avec le GPRA se sont détérioriées. Pourquoi ? Le gouvernement français a réagi auprès de la Tunisie. Il a essayé d’exiger du GPRA la libération de ce pilote. L’état-major était contre et ne voulait rien entendre. Finalement, le prisonnier a été libéré, mais les relations restaient crispées. Il y a eu aussi une autre anicroche. Le gros de l’ALN à l’extérieur était installé des deux côtés de la frontière. Le GPRA avait exigé de faire rentrer cette armée à l’intérieur du pays. L’état-major a fait la sourde oreille. Les rapports entre le GPRA et l’état-major se sont aggravés avec Ben Khedda, entraînant la démission de Boumediène à la tête de l’armée, mais la démission n’a pas été acceptée…
Beaucoup disent que si le GPRA avait continué, l’Algérie aurait connu une autre destinée...
Là, c’est toute la crise de l’été 1962 qu’il faut réécrire. Naturellement, le GPRA était aux yeux des Algériens de la Révolution l’institution légitime qui a négocié l’indépendance et qui devait assumer et poursuivre ses missions dès l’indépendance. Mais cette procédure devait se faire à l’intérieur de l’instance suprême, à savoir le CNRA. Or, à la dernière réunion du Conseil, un conflit a éclaté entre Benbella et ses amis et le GPRA. Ce conflit n’a pas trouvé de solution au sein du CNRA. Il y a eu interruption des débats et dispersion des membres du Conseil. C’est de là qu’est née la crise qui a surtout profité à Benbella et son clan qui ont su l’exploiter à fond…
Par Hamid Tahri. Journal El Watan du 22/09/2009. 1/2
La proclamation du Gouvernement provisoire de la Révolution algérienne (GPRA ) le 19 septembre 1958 est intervenue trois mois seulement après l’installation de de Gaulle à la tête de la Ve république. Le général avait cru que c’était un coup dirigé contre lui. Pourtant, l’idée, comme le souligne Réda Malek, avait germé bien avant cette date. L’ancien négociateur des accords d’Evian préci se que Aït Ahmed en avait fait un de ses thèmes favoris. De sa prison dans une lettre de février 1957, il pressait le cce de proclamer le gpra dont la création serait une riposte à l’enlèvement du 22 octobre 1956 des principaux dirigeants de la Révolution, dans un avion détourné. Mais le cce tergiversa. Toujours est-il que le gpra jouera un rôle important dans la guerre, car si la force du fln résidait dans son enracinement populaire, il s’imposait aussi dans sa politique d’ouverture sur le plan international « qui lui valent un rayonnement exceptionnel et rare pour un mouvement de libération ». A l’évidence, la délégation extérieure renfermait des hommes rompus à l’exercice de la politique qui constitueront un véritable appareil diplomatique. Ne fallait-il pas exploiter cette voie à travers le gpra pour que la voix de l’Algérie combattante soit entendue de par le monde. Le gpra l’a fait, mais au moment des bilans, il a été supplanté et prié de s’effacer. Avec Zohir Ihadaden, historien, professeur d’université impliqué dans la lutte de libération, nous avons tenté de lever le voile sur certaines zones d’ombre.
Pourquoi le GPRA ?
L’annonce officielle de la constitution du GPRA eut lieu au Caire le 19 septembre 1958. Le même jour fut rendue publique la première déclaration du président du GPRA, Ferhat Abbas, définissant les circonstances de la naissance de celui-ci et les objectifs visés par sa création. Sur le plan international, les négociations ne pouvaient se faire qu’entre deux institutions reconnues. Le gouvernement français refusait de discuter avec le fln, estimant qu’il ne pouvait engager l’avenir d’un pays avec un mouvement politique. C’est en tous cas la position de de Gaulle. Créer un gouvernement du côté algérien, c’est dire aux Français qu’il y a un interlocuteur en face s’ils veulent arriver à la paix. En plus, la Révolution algérienne avait franchi de grandes étapes. Elle avait toutes les caractéristiques, tous les ingrédients d’un Etat souverain doté de son armée, de ses cadres et surtout d’un territoire, car il y avait des zones libérées en Algérie, dans plusieurs régions à travers les 5 Wilayas historiques. En plus du fait que la nuit, l’Algérie appartenait à l’aln. Par conséquent, c’est d’une assise territoriale, politique et militaire dont jouissait le fln. a partir de là, la création d’un gouvernement algérien était nécessaire et indispensable parce qu’il restaurait la souveraineté algérienne détruite par la colonisation française depuis 1830.
En quoi la création du gpra est-elle décisive dans la stratégie du fln ?
Elle est décisive dans la mesure où elle crée une interface, un interlocuteur, car sur le plan juridique international, cette création allait entraîner la reconnaissance de ce gouvernement provisoire par plusieurs pays. Implicitement, la lutte algérienne serait reconnue. Il y avait quelque 36 pays qui ont reconnu le gpra, ce qui représentait presque la moitié des pays membres de l’onu.
Le GPRA a-t-il pu surmonter ses contradictions et fédérer les différents courants qui traversaient la Résistance ?
Ce n’est pas le GPRA qui a pu fédérer les différentes tendances. C’est plutôt le Congrès de la Soummam qui a rassemblé toutes les sensibilités qui existaient en Algérie avant 1954, non seulement les partis politiques, mais aussi les associations sociales, culturelles, économiques. Le GPRA n’a, en somme, fait que continuer ce qui a été fait au Congrès de la Soummam. D’ailleurs, dans la composition du GPRA, on trouve des éléments issus du PPA, de l’UDMA, des Ulémas, de l’UGTA, des étudiants, à l’exclusion du Parti communiste et de la tendance messaliste qui avaient refusé d’intégrer le FLN. Faisons un peu d’histoire. Le Congrès de la Soummam a créé des institutions. Une sorte d’assemblée nationale a travers le Conseil national de la Révolution algérienne, un organe exécutif, le CCE, remplacé par le GPRA en 1958. Par conséquent, le GPRA dépendait du CNRA et comme au sein du GPRA il y a eu des crises, il appartenait au CNRA d’apporter des solutions. Le Conseil apportait des modifications aux structures du GPRA. Des changements de ministres ou même du président du GPRA. Au départ, c’était Ferhat Abbas qui avait présidé aux destinées du gouvernement provisoire. Il y a eu un remaniement sous son égide. C’est ce qu’on appelle le 2e GPRA. Il y a eu un troisième remaniement avec une modification générale du GPRA avec Ben Khedda comme président. Il y a eu donc trois GPRA.
Puis, il y a eu le conflit avec l’état-major...
L’une des missions que le GPRA s’est assignées lorsqu’il a été créé, c’est de mettre en place un organisme qui coifferait les Wilayas sur le plan militaire. C’est à ce moment là que le GPRA a fini par créer ce qu’on appelle l’état-major à l’Est et à l’Ouest. Il y a eu par la suite unification à Ghardimaou avec un seul chef en la personne de Boumediène. Les relations entre le GPRA et l’état-major ont connu plusieurs étapes, mais après l’incident de l’avion français abattu par l’ALN et dont le pilote a été capturé et fait prisonnier par l’état-major, les relations avec le GPRA se sont détérioriées. Pourquoi ? Le gouvernement français a réagi auprès de la Tunisie. Il a essayé d’exiger du GPRA la libération de ce pilote. L’état-major était contre et ne voulait rien entendre. Finalement, le prisonnier a été libéré, mais les relations restaient crispées. Il y a eu aussi une autre anicroche. Le gros de l’ALN à l’extérieur était installé des deux côtés de la frontière. Le GPRA avait exigé de faire rentrer cette armée à l’intérieur du pays. L’état-major a fait la sourde oreille. Les rapports entre le GPRA et l’état-major se sont aggravés avec Ben Khedda, entraînant la démission de Boumediène à la tête de l’armée, mais la démission n’a pas été acceptée…
Beaucoup disent que si le GPRA avait continué, l’Algérie aurait connu une autre destinée...
Là, c’est toute la crise de l’été 1962 qu’il faut réécrire. Naturellement, le GPRA était aux yeux des Algériens de la Révolution l’institution légitime qui a négocié l’indépendance et qui devait assumer et poursuivre ses missions dès l’indépendance. Mais cette procédure devait se faire à l’intérieur de l’instance suprême, à savoir le CNRA. Or, à la dernière réunion du Conseil, un conflit a éclaté entre Benbella et ses amis et le GPRA. Ce conflit n’a pas trouvé de solution au sein du CNRA. Il y a eu interruption des débats et dispersion des membres du Conseil. C’est de là qu’est née la crise qui a surtout profité à Benbella et son clan qui ont su l’exploiter à fond…
Par Hamid Tahri. Journal El Watan du 22/09/2009. 1/2
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