Mots d’arabe, tenues musulmanes : de plus en plus de gens du voyage veulent se fondre dans le paysage arabo-musulman. Widad décrypte le phénomène.
Il n’y a pas que Fleury Michon et Labeyrie pour qui les Arabo-musulmans constituent un juteux marché. Les Manouches aussi occupent le filon. Ils sont un certain nombre à vouloir se fondre dans la masse maghrébine. Ce jour-là, je me balade sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu, quand l’inconnu vient à moi : « Hey salam, toi, comment ça va ? » Un jeune homme tzigane s’intéresse manifestement à moi.
J’ouvre ici une parenthèse pour demander pardon de mon ignorance : je suis nulle pour différencier les Roms originaires d’Europe orientale des Manouches originaires d’Europe occidentale ou encore des Gitans qui eux, m’a expliqué mon collègue Adrien, sont en général issus de la péninsule ibérique. Le bougre, lui, entend bien faire connaissance et sans doute me berner, car il ajoute : « Hey ça va, sinon, t’es de quelle origine ? Moi je suis marocain. » Ce qu’il ignore, c’est que j’ai grandi avec l’inspecteur Gadget. L’investigation, ça me connaît : « Ah oui, d’où ça, au Maroc ? » fais-je. Trouvaille géographique de l’année, il me répond, tout fier : « Je suis marocain d’Alger. »
Ben ça alors, qui c’est celui-là qui veut piquer leur capitale aux Algériens ? Déjà qu’entre Alger et Rabat, ça coince sur le Sahara occidental, voilà qu’un faux Marocain annexe la capitale algérienne. Non mais ! Je poursuis mon chemin. Ce très court échange éveille en moi des souvenirs gitanesques. Cet homme n’est pas le seul parmi sa communauté à vouloir prendre l’identité d’un Mouloud ou d’une Khadoudj. Nombreux sont ceux qui se font passer pour Arabo-musulmans afin d’amadouer de potentiels mécènes…
L’islam veut que les musulmans s’acquittent de la zakat (l’aumône) envers les nécessiteux. Ainsi peut-on entendre des femmes voilées dans le métro solliciter la générosité des passants, par ce mot : « Fissabillilah (sur le chemin de Dieu). » Prononciation arabe impeccable, accent parfait, ces jeunes femmes sont arrivées tout droit de Damas. Mais il suffit d’entamer d’un mot arabe la conversation avec elles pour se rendre compte du stratagème, qui n’a rien de choquant au demeurant : ces jeunes femmes voilées comme des musulmanes sont des Tziganes.
C’est pas très gai, tout ça. Pensent-elles que les Arabo-musulmans sont à ce point communautaires qu’ils ne donnent de l’argent qu’aux « leurs » ? Ou se disent-elles qu’une petite fille triste et voilée attirera à coup sûr la pitié ? Miroir, qui suis-je ?
Widad Kefti
20 minutes
Il n’y a pas que Fleury Michon et Labeyrie pour qui les Arabo-musulmans constituent un juteux marché. Les Manouches aussi occupent le filon. Ils sont un certain nombre à vouloir se fondre dans la masse maghrébine. Ce jour-là, je me balade sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu, quand l’inconnu vient à moi : « Hey salam, toi, comment ça va ? » Un jeune homme tzigane s’intéresse manifestement à moi.
J’ouvre ici une parenthèse pour demander pardon de mon ignorance : je suis nulle pour différencier les Roms originaires d’Europe orientale des Manouches originaires d’Europe occidentale ou encore des Gitans qui eux, m’a expliqué mon collègue Adrien, sont en général issus de la péninsule ibérique. Le bougre, lui, entend bien faire connaissance et sans doute me berner, car il ajoute : « Hey ça va, sinon, t’es de quelle origine ? Moi je suis marocain. » Ce qu’il ignore, c’est que j’ai grandi avec l’inspecteur Gadget. L’investigation, ça me connaît : « Ah oui, d’où ça, au Maroc ? » fais-je. Trouvaille géographique de l’année, il me répond, tout fier : « Je suis marocain d’Alger. »
Ben ça alors, qui c’est celui-là qui veut piquer leur capitale aux Algériens ? Déjà qu’entre Alger et Rabat, ça coince sur le Sahara occidental, voilà qu’un faux Marocain annexe la capitale algérienne. Non mais ! Je poursuis mon chemin. Ce très court échange éveille en moi des souvenirs gitanesques. Cet homme n’est pas le seul parmi sa communauté à vouloir prendre l’identité d’un Mouloud ou d’une Khadoudj. Nombreux sont ceux qui se font passer pour Arabo-musulmans afin d’amadouer de potentiels mécènes…
L’islam veut que les musulmans s’acquittent de la zakat (l’aumône) envers les nécessiteux. Ainsi peut-on entendre des femmes voilées dans le métro solliciter la générosité des passants, par ce mot : « Fissabillilah (sur le chemin de Dieu). » Prononciation arabe impeccable, accent parfait, ces jeunes femmes sont arrivées tout droit de Damas. Mais il suffit d’entamer d’un mot arabe la conversation avec elles pour se rendre compte du stratagème, qui n’a rien de choquant au demeurant : ces jeunes femmes voilées comme des musulmanes sont des Tziganes.
C’est pas très gai, tout ça. Pensent-elles que les Arabo-musulmans sont à ce point communautaires qu’ils ne donnent de l’argent qu’aux « leurs » ? Ou se disent-elles qu’une petite fille triste et voilée attirera à coup sûr la pitié ? Miroir, qui suis-je ?
Widad Kefti
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