La promulgation par le gouvernement algérien, le 29 juillet 2009, d’une série de mesures destinées à réduire les importations de 5% en 2009 a eu un effet immédiat sur le commerce et le transport maritime. La communauté portuaire marseillaise réagit à ces mesures qui risquent d’entraîner des défaillances de PME.
FRANCE / ALGERIE. Un nouveau coup dur vient d’être porté aux bassins Est de Marseille. Après avoir été durement frappés par les grèves des agents portuaires depuis janvier 2009, une loi algérienne, promulguée en pleine torpeur estivale, vient sabrer les trafics de ce port naturellement et historiquement tourné vers Alger.
La loi de finances complémentaire algérienne du 29 juillet 2009 impose désormais aux importateurs algériens le crédit documentaire comme seul moyen de paiement, avec obligation de déposer une garantie à hauteur de 25% du montant de la transaction.
La loi enterre ainsi la remise documentaire et les transferts libres afin de sécuriser les transactions du commerce extérieur et d’enrayer toute une économie parallèle qui « blanchissait les fonds par le biais de la communauté algérienne de France avec des taux de change en dinars indexés sur le marché noir en fonction de l’état de l’offre et de la demande », indique un spécialiste français de l’export sur l’Algérie qui régulièrement voit transiter des « mallettes remplies de liasses de billets ».
Interdiction d'exporter des matériels d'occasion
Officiellement, si ces mesures visent à lutter contre la fraude et moraliser le commerce, on pense dans les milieux d’affaires que ces « décisions arbitraires favorisent les intérêts de certaines filières ». Ainsi, en 2005, en interdisant l’importation de voitures d’occasion, le gouvernement algérien a été accusé de favoriser les constructeurs automobiles qui ont développé leurs concessions dans le pays.
Quatre ans plus tard, la mesure est étendue à tous les biens d’occasion, y compris les engins de travaux publics et pièces de rechange qui ont fait la fortune de la communauté portuaire marseillaise. Le gouvernement algérien va plus loin encore en interdisant aux ménages surendettés de prétendre à un crédit à la consommation. Seuls les crédits immobiliers sont autorisés pour les particuliers.
A Marseille, ces mesures sont palpables. Les quais habituellement envahis de vieux engins de BTP prêts à embarquer sont à présent déserts. Une catastrophe en août, une hécatombe en septembre, mois du ramadan où le commerce est généralement au point mort jusqu’aux fêtes de l’Aïd.
Des PME du secteur portuaire sur le point de mettre la clé sous la porte
L’Union maritime de Marseille-Fos, qui rassemble 300 entreprises du secteur portuaire, a alerté la secrétaire d’Etat française au Commerce, Anne-Marie Idrac, sur le sujet.
En attendant, les exportateurs, surpris par la soudaineté de la mesure, ont leurs marchandises bloquées dans les entrepôts marseillais. Ces derniers n’ont plus de fret à remettre à leurs transitaires dont l’activité coule à pic. Globtrans, Uniport, HBI … : quasiment tous les commissionnaires de transport sont touchés à des degrés divers. Pour ceux qui réalisaient entre 75% et 90% de leur chiffre d’affaires sur l’Algérie, ces décisions sonnent le glas de leur activité.
Jimmy Austen, patron de Traco, spécialisé dans l’expédition de matériels BTP d’occasion, s’apprête à déposer le bilan et à se défaire de ses 15 employés. Côté armatorial, la situation est tout aussi inquiétante. Nisa a restitué l’« East Express » à son armateur, CMA CGM et Marfret, qui exploitent en commun le « Marfret Niolon », ont du mal à remplir ses cales.
De Cnan Med, à Lojinska Plovidba, en passant par la SNCM, toutes les compagnies sont touchées sans exception et les services maritimes sur l’Algérie ont fondu comme neige au soleil de 80 à 20 départs par mois. "Toute la difficulté est venue de la période de promulgation de la loi qui est intervenue à une période peu favorable pour les différents acteurs économiques, avec les vacances et les fêtes religieuses. Le mois d’août est par habitude un mois creux en matière d’importation en Algérie, et nous notons depuis plusieurs années une baisse saisonnière de 50% des imports de marchandises", indique Philippe Borel, directeur central adjoint lignes courtes Nord Afrique chez CMA CGM.
Chute de 15,2% des importations algériennes en juillet
Les agents maritimes sont également les victimes collatérales du législateur algérien avec 20 à 25% d’activité en moins pour Worms. « Les gens ont été surpris pendant les vacances et n’ont pas eu assez de temps pour s’adapter et ouvrir des lettres de crédit », explique Lionel Casanova, chef de la ligne Marseille-Alger chez Worms.
Sur le seul mois de juillet 2009, avant même que les mesures soient entrées en application, les importations algériennes ont chuté de 15,2%, à 3 mds$.
Le phénomène risque de s’accélérer dans les mois à venir. Les trafics vont certainement continuer de chuter, tout comme les investissements directs en Algérie, le pays imposant depuis juillet à tout nouvel investisseur étranger de s’associer à un partenaire algérien qui détiendra au minimum 51% du capital de la structure créée.
Lundi 07 Septembre 2009
Nathalie Bureau du Colombier
eco nostrum
FRANCE / ALGERIE. Un nouveau coup dur vient d’être porté aux bassins Est de Marseille. Après avoir été durement frappés par les grèves des agents portuaires depuis janvier 2009, une loi algérienne, promulguée en pleine torpeur estivale, vient sabrer les trafics de ce port naturellement et historiquement tourné vers Alger.
La loi de finances complémentaire algérienne du 29 juillet 2009 impose désormais aux importateurs algériens le crédit documentaire comme seul moyen de paiement, avec obligation de déposer une garantie à hauteur de 25% du montant de la transaction.
La loi enterre ainsi la remise documentaire et les transferts libres afin de sécuriser les transactions du commerce extérieur et d’enrayer toute une économie parallèle qui « blanchissait les fonds par le biais de la communauté algérienne de France avec des taux de change en dinars indexés sur le marché noir en fonction de l’état de l’offre et de la demande », indique un spécialiste français de l’export sur l’Algérie qui régulièrement voit transiter des « mallettes remplies de liasses de billets ».
Interdiction d'exporter des matériels d'occasion
Officiellement, si ces mesures visent à lutter contre la fraude et moraliser le commerce, on pense dans les milieux d’affaires que ces « décisions arbitraires favorisent les intérêts de certaines filières ». Ainsi, en 2005, en interdisant l’importation de voitures d’occasion, le gouvernement algérien a été accusé de favoriser les constructeurs automobiles qui ont développé leurs concessions dans le pays.
Quatre ans plus tard, la mesure est étendue à tous les biens d’occasion, y compris les engins de travaux publics et pièces de rechange qui ont fait la fortune de la communauté portuaire marseillaise. Le gouvernement algérien va plus loin encore en interdisant aux ménages surendettés de prétendre à un crédit à la consommation. Seuls les crédits immobiliers sont autorisés pour les particuliers.
A Marseille, ces mesures sont palpables. Les quais habituellement envahis de vieux engins de BTP prêts à embarquer sont à présent déserts. Une catastrophe en août, une hécatombe en septembre, mois du ramadan où le commerce est généralement au point mort jusqu’aux fêtes de l’Aïd.
Des PME du secteur portuaire sur le point de mettre la clé sous la porte
L’Union maritime de Marseille-Fos, qui rassemble 300 entreprises du secteur portuaire, a alerté la secrétaire d’Etat française au Commerce, Anne-Marie Idrac, sur le sujet.
En attendant, les exportateurs, surpris par la soudaineté de la mesure, ont leurs marchandises bloquées dans les entrepôts marseillais. Ces derniers n’ont plus de fret à remettre à leurs transitaires dont l’activité coule à pic. Globtrans, Uniport, HBI … : quasiment tous les commissionnaires de transport sont touchés à des degrés divers. Pour ceux qui réalisaient entre 75% et 90% de leur chiffre d’affaires sur l’Algérie, ces décisions sonnent le glas de leur activité.
Jimmy Austen, patron de Traco, spécialisé dans l’expédition de matériels BTP d’occasion, s’apprête à déposer le bilan et à se défaire de ses 15 employés. Côté armatorial, la situation est tout aussi inquiétante. Nisa a restitué l’« East Express » à son armateur, CMA CGM et Marfret, qui exploitent en commun le « Marfret Niolon », ont du mal à remplir ses cales.
De Cnan Med, à Lojinska Plovidba, en passant par la SNCM, toutes les compagnies sont touchées sans exception et les services maritimes sur l’Algérie ont fondu comme neige au soleil de 80 à 20 départs par mois. "Toute la difficulté est venue de la période de promulgation de la loi qui est intervenue à une période peu favorable pour les différents acteurs économiques, avec les vacances et les fêtes religieuses. Le mois d’août est par habitude un mois creux en matière d’importation en Algérie, et nous notons depuis plusieurs années une baisse saisonnière de 50% des imports de marchandises", indique Philippe Borel, directeur central adjoint lignes courtes Nord Afrique chez CMA CGM.
Chute de 15,2% des importations algériennes en juillet
Les agents maritimes sont également les victimes collatérales du législateur algérien avec 20 à 25% d’activité en moins pour Worms. « Les gens ont été surpris pendant les vacances et n’ont pas eu assez de temps pour s’adapter et ouvrir des lettres de crédit », explique Lionel Casanova, chef de la ligne Marseille-Alger chez Worms.
Sur le seul mois de juillet 2009, avant même que les mesures soient entrées en application, les importations algériennes ont chuté de 15,2%, à 3 mds$.
Le phénomène risque de s’accélérer dans les mois à venir. Les trafics vont certainement continuer de chuter, tout comme les investissements directs en Algérie, le pays imposant depuis juillet à tout nouvel investisseur étranger de s’associer à un partenaire algérien qui détiendra au minimum 51% du capital de la structure créée.
Lundi 07 Septembre 2009
Nathalie Bureau du Colombier
eco nostrum
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