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L’ultimatum à l’Iran

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  • L’ultimatum à l’Iran

    L’ultimatum à l’Iran

    Hier au sommet de Pittsburgh, les Occidentaux ont mis en garde l’Iran, après avoir découvert l’existence d’un nouveau site nucléaire secret dans le pays d’Ahmadinejad .

    Frédéric Gerschel | 26.09.2009, 07h00

    Ils devaient parler des bonus des traders, des normes comptables, des agences de notations et des fonds propres des banques. Bref, de régulation financière et de la crise économique mondiale. Ils en ont parlé, bien sûr, et sont arrivés à un accord plus ambitieux que prévu. Mais le dossier iranien s’est spectaculairement invité, hier matin, dès l’ouverture du G 20, occultant un peu le reste.

    Costume sombre, cravate rouge, Barack Obama a déboulé dans la salle de presse, à Pittsburgh, flanqué de Nicolas Sarkozy à sa droite et de Gordon Brown à sa gauche pour sermonner Mahmoud Ahmadinejad et son régime après la découverte d’un second site d’enrichissement d’uranium, près de la ville sainte de Qom. « Un défi direct à la communauté internationale », a lancé le président américain d’une voix grave : « L’Iran viole les règles que toutes les nations doivent suivre et menace la sécurité du monde. Il est temps qu’elle agisse immédiatement et respecte ses obligations internationales, a prévenu Barack Obama, qui a refusé cette nuit d’écarter l’option militaire face à l’Iran, tout en assurant privilégier la diplomatie. » Une mise en garde relayée par Nicolas Sarkozy : « Ne laissons pas les dirigeants iraniens gagner du temps pendant que les centrifugeuses tournent. Si d’ici au mois de décembre, il n’y a pas un changement profond de politique, des sanctions devront être prises. Il en va de la paix et de la stabilité. »

    Si cela continue, on va tout droit à la confrontation. »

    En coulisse, les diplomates européens ne se font guère d’illusions et jugent que l’Iran cherchera « comme d’habitude » à gagner du temps. « Ahmadinejad jure qu’il est de bonne foi mais, en réalité, il veut sa bombe, glisse un expert du dossier. Durcir notre position ne changera pas grand-chose. Dans un premier temps, la communauté internationale pourrait décréter un blocus sur les exportations d’essence à destination de l’Iran, décision qui freinerait considérablement l’économie d’un pays qui possède certes des réserves de pétrole, mais n’a qu’une capacité de raffinage limitée.
    Curieusement, c’est Téhéran qui a dévoilé l’existence de ce second site, dont il n’avait jamais été question jusqu’à présent, dans une lettre adressée au directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed Elbaradeï. On estimait jusqu’alors que la République islamique ne possédait qu’un seul site d’enrichissement d’uranium, à Natanz, dans le centre du pays, celui-ci étant ouvert à la surveillance quotidienne des inspecteurs de l’AIEA.
    Mais un responsable iranien aux Nations unies a démenti le caractère secret de cette usine. « Si c’était le cas, nous n’aurions pas informé l’AIEA », a-t-il expliqué hier, en précisant que cette unité était simplement destinée à produire de l’électricité. Le président Ahmadinejad lui-même a réitéré ce démenti. Pourtant, selon des experts américains, le nouveau site, qui serait opérationnel dans quelques mois, pourrait au contraire regrouper jusqu’à 3 000 centrifugeuses, permettant l’enrichissement de l’uranium à des fins civiles ou militaires.
    A la mi-journée, l’Iran, également réprimandé par la Russie et la Chine, deux pays qui lui sont traditionnellement favorables, semblait lâcher un peu de lest en promettant que l’usine de Qom serait ouverte aux inspecteurs internationaux. Pour la première fois depuis un an, Téhéran et le groupe des Six (Etats-Unis, France, Russie, Grande-Bretagne, Chine et Allemagne) doivent se retrouver le 1er octobre à Bruxelles pour un round de discussion sur le programme nucléaire iranien. L’ambiance s’annonce tendue.

    Le Parisien

  • #2
    la communauté internationale pourrait décréter un blocus sur les exportations d’essence à destination de l’Iran,
    incroyable pour l'un des pays les plus riches en ressources pétrolières de ne pas avoir plutôt cherché à se libérer des cette dépendance au lieu de chercher a avoir l'énergie nucléaire que même les pays les plus avancés dans cette technologie craignent que ça leur explose a la figure un jour

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    • #3
      Tous les pays libres ou musulmans devraient saisir l'occasion d'impliquer directement israel.
      Tenir le langage direct "l'iran certes mais israel aussi".Tout ou rien.
      Cependant c'était une blague.Les "dirigeants" musulmans !!!!! Ce sont en trés grande majorité des prostituées politiques.Des lâches et des voleurs de leurs peuples.Des moins que rien.

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      • #4
        Tenir le langage direct "l'iran certes mais israel aussi".Tout ou rien.
        c'est une bonne idée, mais les israeliens ont déjà la bombe (en réalité depuis les années 70), il est donc trop tard...

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        • #5
          les israeliens ont déjà la bombe
          Et ils n'ont pas signé de traité de non prolifération des armes nucléaire comme l'Inde et le Pakistan d'ailleurs

          Commentaire


          • #6
            c'est exact, ils sont malins, les pays qui ne le signent pas le traité TNP, l'AIEA (instance de l'ONU chargé du nucleaire) n'a pas le droit de les controler, seuls les pays ayant signé le TNP sont controlés...

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            • #7
              De toutes les façons l'iran fait bien plus peur aux pays arabes du coin qu'a israel. Non seulement israel a les moyens d'intercepter les missiles iraniens (ce n'est pas des qassam qui décollent de gaza); mais si l'iran tire un seul missile, il en recevra des centaines qu'ils ne pouront pas intercepter. D'autant plus que israel c'est quand même en Palestine ou vivent des palestiniens, c'est même un petit pays qui est entouré de pays arabes. je ne pense pas que les Iraniens possèdent la technologie des frappes chirurgicales. d'ailleurs avec les armes nucléaires, il n'existe pas de frappes chirurgicales

              J'ai bien peur que toutes les gesticulations de ahmadinajad c'est politico-religieux, c'est pour promouvoir le chiisme dans l'opinion musulmane. on le voit bien au Liban
              Dernière modification par oko, 26 septembre 2009, 21h57.

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              • #8
                L'Iran a le droit à la technologie nucléaire et doit aller au bout de sa démarche et s'il y a un pays au monde qui n'a pas le droit de fustiger l'Iran sur son programme nucléaire c'est bien la France qui est à l'origine de l'arsenal atomique sioniste ; les Français sont les premiers responsables de la prolifération nucléaire au Proche-Orient !

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                • #9
                  DZone 26-9-09 à 23h08

                  L'Iran a le droit à la technologie nucléaire et doit aller au bout de sa démarche et s'il y a un pays au monde qui n'a pas le droit de fustiger l'Iran sur son programme nucléaire c'est bien la France qui est à l'origine de l'arsenal atomique sioniste ; les Français sont les premiers responsables de la prolifération nucléaire au Proche-Orient !
                  Faux!


                  L'Algérie veut-elle l'arme atomique?

                  Adama 20-9-09 à 20h28



                  Toutes les avancés économiques, technologiques et militaires acquis par Israel jusqu’à aujourd’hui ne sont pas le fait des Français ou d’autres nations de par le monde d’ailleur. Mais de l’activité minutieuse et incessante jusqu’à présent de la diaspora Juive placé aux postes clefs de l’échiquier mondial éparpiller dans le monde entier. Se qui était une faiblesse avant 1945 et dorénavant toute leur puissance. Et à se qui ne l’ont toujours pas assimilés s’est se qui fait toute leur Force et s’est de bonne guerre. Toute personne doué d’intelligence agiré de la même manière.

                  Exemple patent la guerre de six jours de 1967 et les chasseurs révolutionnaires Mirage III dont les plans, et la conception fut livrait par Serge Dassault ingénieur aéronautique de génie, de son vrai nom Serge Bloch ayant échappé miraculeusement au chambre à gaz car d’origine juive ; sans l’autorisation de Charles De Gaulle qui éclata fou de rage lorsqu’il l’apprit. Il fut de même pour le programme nucléaire et etc.… et etc.…


                  De Gaulle et le Proche-Orient - Par Sarah Gavison-Chauveau


                  Premiere Partie :

                  Finalement, « l’accession de De Gaulle au pouvoir se fait dans la légalité, sans coup de force apparent » [27]. A son retour aux Affaires en mai 1958, le général de Gaulle sait que « le rétablissement du rang international de la France implique d’abord de mettre fin à l’hypothèque coloniale » [28]. Néanmoins, son retour ne met pas fin à l’internationalisation du problème algérien, qui continue de peser sur la politique étrangère de la France. La majorité des pays arabes du Proche-Orient ont rompu leurs relations bilatérales avec la France à l’occasion de la crise de Suez, et la tournure prise par la guerre d’Algérie n’incite pas à leur rétablissement. Mais la mise à l’écart de la France n’est pas seulement le fait des Etats arabes : les pays de l’Est, les non-alignés, et une grande partie des Etats du tiers-monde se montrent solidaires de l’Algérie. Le général constate dès son retour au pouvoir la perte de puissance et l’isolement de la France dans les affaires internationales.
                  Alors que dès 1957, la Jordanie, la Syrie et Oman connaissent des troubles internes inspirés par l’idéologie nassérienne, l’Egypte, que Maurice Vaïsse qualifie d’« épicentre de la région » [29], proclame avec la Syrie la création de la République arabe unie (RAU) le 1er février 1958 (rejointes en mars par le Yémen) ; en réponse à cette alliance qui menace ouvertement leur souveraineté, les monarchies hachémites d’Irak et de Jordanie forment le 14 février la Fédération arabe, plus généralement appelée l’Alliance hachémite, respectueuse des identités nationales [30]. L’Arabie saoudite, les émirats de la péninsule, la Libye et le Liban sont également à rattacher au camp occidental dans cette « guerre froide arabe ».
                  La France, du fait de la guerre d’Algérie et de son absence au Proche-Orient arabe, reste à l’écart jusqu’à ce que le Liban, dernier fief arabe de l’influence française, soit atteint par la crise, et que la menace d’une guerre civile amène le président Chamoun à appeler à l’aide les Occidentaux. Le secrétaire d’Etat américain, John Foster Dulles, est en visite à Paris, et Français et Américains décident alors de ne pas intervenir. Mais contre toute attente, la monarchie hachémite irakienne de Nouri el-Saïd est renversée par un coup d’Etat militaire le 14 juillet, qui propulse le général Abd al-Karim Kassem au pouvoir. La Grande-Bretagne veut intervenir en Irak, mais les Américains s’y opposent. En revanche par crainte de voir les derniers alliés de l’Occident subir le même sort, notamment les cousins hachémites jordaniens et le Président Chamoun au Liban, Eisenhower décide de sauver ce qui peut encore l’être. Mais il veut mener seul ces opérations : il redoute que les Britanniques ne profitent de la situation pour intervenir également en Irak, et que la collaboration avec les Français ne crée un amalgame, une identification avec un pays qui a des liens si étroits avec Israël et est empêtré en Algérie dans l’une des dernières guerres coloniales. Au même moment, la Jordanie fait appel à la Grande-Bretagne. L’agacement français est à son comble : la France, une fois encore, n’a pas été admise au rang des puissances influentes au Levant ; mais cette fois c’est le général de Gaulle qui a la responsabilité de la France, et son irritation ne va pas rester lettre morte. Les Français ont été marginalisés par leurs alliés anglo-saxons pour la gestion de ces crises, alors même que le général de Gaulle, tout juste revenu au pouvoir, entend rouvrir les portes de l’Orient à la France. Dès le début des opérations américaines au Liban, sur lesquelles elle n’a pas été consultée, – elle a tout juste été prévenue lors du début de l’intervention [31] –, la France de De Gaulle se doit de répliquer et de faire entendre sa voix… en l’occurrence sa consternation. Un télégramme est adressé à Londres et à Washington le 17 juillet 1958 : Paris s’insurge de n’avoir pas été consulté sur toutes les décisions ; il met en avant les risques encourus par ses propres intérêts en cas d’intervention de l’Union soviétique, d’autant plus que les Américains ont utilisé les moyens logistiques de l’OTAN situés sur le sol français pour mener leur opérations [32].
                  Ainsi de Gaulle, à peine arrivé au pouvoir, voit la première crise internationale – interventions américaine au Liban et britannique en Jordanie – se dérouler sans qu’il soit consulté, ce qui va influencer l’élaboration de sa politique extérieure, notamment proche-orientale. La politique française sera définie en fonction de celle des Etats-Unis, pour s’en démarquer, moyen d’affirmer l’autorité et l’indépendance de la France. La prise d’autonomie de la France par rapport à ses alliés anglo-américains est ébauchée dès septembre 1958 dans les termes du mémorandum qui insiste sur le fait que sans une réforme de l’Alliance atlantique, la France prendra ses distances. Selon Frédéric Bozo, « les crises de l’été 1958, […] donnent [à de Gaulle] l’occasion de mesurer la faiblesse de la position française par rapport à ses partenaires anglo-américains, mais aussi de revendiquer plus d’influence sur les décisions occidentales » [33].

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                  • #10
                    suite 1

                    Citation:

                    Ainsi de Gaulle, à peine arrivé au pouvoir, voit la première crise internationale – interventions américaine au Liban et britannique en Jordanie – se dérouler sans qu’il soit consulté, ce qui va influencer l’élaboration de sa politique extérieure, notamment proche-orientale. La politique française sera définie en fonction de celle des Etats-Unis, pour s’en démarquer, moyen d’affirmer l’autorité et l’indépendance de la France. La prise d’autonomie de la France par rapport à ses alliés anglo-américains est ébauchée dès septembre 1958 dans les termes du mémorandum qui insiste sur le fait que sans une réforme de l’Alliance atlantique, la France prendra ses distances. Selon Frédéric Bozo, « les crises de l’été 1958, […] donnent [à de Gaulle] l’occasion de mesurer la faiblesse de la position française par rapport à ses partenaires anglo-américains, mais aussi de revendiquer plus d’influence sur les décisions occidentales » [33].

                    Le retour aux affaires du général de Gaulle et l’avènement de la Ve République engendrent une redéfinition profonde de la politique étrangère de la France, à l’origine des transformations des relations franco-arabes et franco-israéliennes. Nous allons étudier les années de la présidence du Général en trois tranches chronologiques : la première période est une période charnière, où la définition d’une nouvelle politique proche-orientale se dessine de manière théorique, mais la guerre d’Algérie continue d’entraver son application (A). La deuxième période, de la fin de la guerre d’Algérie au printemps 1967, voit la renaissance d’une politique arabe de la France et une prise de distance par rapport à Israël (cool smiley. Enfin la dernière période marque la politique proche-orientale de la France pour les décennies à venir : l’attitude inattendue du général de Gaulle lors de la guerre des Six jours, favorable aux Etats arabes, va devenir la règle de la politique étrangère de la France (C).

                    A- 1958-1962 : Une période de transition : du retour du général de Gaulle à la fin de la guerre d’Algérie

                    Le passage de la IVe à la Ve République implique une redéfinition profonde de la politique étrangère : dans la nouvelle Constitution, elle est le domaine réservé du Président, en l’occurrence le général de Gaulle. L’influence du ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, n’est sans doute pas à négliger. Le Quai d’Orsay dirige les opérations, mais les députés n’ont aucun pouvoir dans ce domaine.
                    Le général de Gaulle revient au pouvoir avec « une certaine idée de la France », donc de l’orientation qu’il souhaite lui donner et de la place qu’elle doit occuper sur la scène internationale. Selon lui, le malaise est dû au passage difficile de l’état de grand empire à celui de puissance moyenne, qui affecte le sentiment national : ainsi, comme le rapporte Frédéric Bozo, il souhaite « ‘prendre’, sur la scène internationale et particulièrement dans le monde occidental, ‘une place qui nous soit propre, mener une action qui soit notre action’. Bref, restaurer l’indépendance nationale » [34]. Ce qui, pour de Gaulle, passe par une contestation délibérée du système bipolaire, pour réguler l’hégémonie américaine en Occident, l’emprise soviétique à l’Est, et l’ingérence des deux superpuissances au tiers-monde [35].
                    A cet effet, la France développe dès 1958 une politique d’ouverture vers le tiers-monde, dans laquelle le Proche-Orient occupe une place importante. Dès le 10 juin 1958, l’idée de reprendre pied dans le monde arabe, prônée par le Quai d’Orsay, est approuvée par de Gaulle de s’occuper le plus tôt possible de la restauration des relations diplomatiques avec les Etats arabes. Le choix de Maurice Couve de Murville, ancien ambassadeur au Caire (de 1950 à 1954), comme ministre des Affaires étrangères, augure d’ailleurs de cette volonté de rapprochement avec les pays arabes. Mais l’hostilité de Nasser, dont l’influence ne cesse de croître, est un handicap important : la priorité est donc de régler le contentieux né de la crise de Suez. Le 22 août 1958, des pourparlers aboutissent aux accords de Zurich, prévoyant l’indemnisation des actionnaires de la Compagnie du Canal et des entreprises et personnes dont les biens ont été séquestrés [36]. D’autre part, la France propose une conférence à quatre sur le Moyen-Orient, ce qui représente pour elle le seul moyen d’être considérée comme une puissance à part entière dans cette région, malgré son absence de relation avec les pays arabes du Proche-Orient.
                    Seulement aussi longtemps que durera la guerre d’Algérie, le monde arabe ne sera en aucun cas réceptif à la nouvelle politique française. Le Général en est conscient : « La guerre d’Algérie, confie de Gaulle, est une épine dans le pied de la France qui infecte tout le corps. Ce conflit ridicule empêche la France de tenir sa place dans le monde. […] Il faut ramener la France aux vrais problèmes, ne pas laisser gaspiller outre-mer substance, énergie, et argent » [37]. En effet, malgré le fait que les dirigeants arabes sont sensibles à la personnalité du nouveau président, – lequel, à son arrivée au pouvoir, n’est impliqué ni dans les guerres de décolonisation ni dans l’attaque de Suez –, tous les pays arabes prennent fait et cause pour le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) proclamé par Ferhat Abbas. Si le Bulletin du Service du Levant précise stoïquement que « cette initiative n’est évidemment pas de nature à faciliter l’amélioration de nos rapports avec les pays arabes » [38], c’est en fait un coup dur pour de Gaulle, qui n’admet pas qu’un autre gouvernement que celui de la France soit considéré comme souverain en Algérie. Et il n’entend pas renouer avec les Etats arabes tant que le rapport de forces lui est défavorable. Mais l’idée de l’autodétermination fait son chemin dans la politique française, jusqu’au référendum du 8 janvier 1961 qui recueille 75 % de oui en métropole, et 69 % en Algérie.
                    Pourtant la route est encore longue avant que la France ne retrouve le chemin de l’Orient : les partisans de l’Algérie française mènent une tentative de putsch en avril 1961. De son échec naît l’Organisation armée secrète (OAS), qui, face au FLN et au GPRA – ardemment soutenus par l’Egypte et l’Irak –, redouble d’actions armées [39]. Les préoccupations de la Ligue arabe, généralement focalisées sur l’Etat hébreu, se concentrent sur l’Algérie, et donc alimentent l’hostilité envers la France. Ainsi, selon les termes même du ministre des Affaires étrangères Maurice Couve de Murville, « dans l’intervalle, c’est-à-dire entre 1958 et 1962, il n’était loisible que de marquer des orientations » [40].

                    En revanche, pour préparer le retour de la France en Orient, les relations franco-israéliennes, dont de Gaulle découvre stupéfait l’ampleur et l’intimité, sont problématiques. Son admiration pour Israël est connue : outre qu’il considère l’existence de l’Etat juif comme une « nécessité historique », il était agréablement surpris par son développement. Dans ses Mémoires d’espoir, il écrit que « la grandeur d’une entreprise qui consiste à replacer un peuple juif disposant de lui-même sur une terre marquée par sa fabuleuse Histoire, et qu’il possédait il y a dix-neuf siècles, ne peut manquer de me séduire » [41]. Son estime pour David Ben Gourion est certaine ; mais comme l’explique Samy Cohen, « pour l’homme d’Etat investi de responsabilités – surtout lorsqu’il s’agit, comme pour de Gaulle, d’‘assumer la France’ –, les sentiments pour tel ou tel homme d’Etat pèsent peu. […] Ils cèdent la priorité à l’idée de servir partout les intérêts de la France » [42]. Or ceux-ci conseillent de reprendre son indépendance vis-à-vis d’Israël dans les domaines militaire et nucléaire et de restaurer les relations avec les pays arabes. D’autant que l’excellence des relations franco-israéliennes ne cache pas leur dissymétrie : pour de Gaulle, « Israël représente un pays ami, un peuple courageux qui a droit comme il le dit ‘à la réparation de l’injustice dont il a été victime depuis des siècles’, un client déjà appréciable sur le plan de l’armement, un îlot de civilisation occidentale dans une région dominée par l’Islam. Mais Israël n’est qu’un Etat de 21 000 km2 avec peu ou pas du tout de réserves énergétiques, disposant de faibles atouts sur le plan international » [43].

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                    • #11
                      suite 2

                      Citation:

                      Dès son retour au pouvoir, il s’emploie à « normaliser » [44] les relations franco-israéliennes, et à en atténuer l’éclat : une note du Quai d’Orsay indique qu’« un affichage moindre de notre intimité avec Israël est […] désirable » [45]. Selon Philip Cerny, la volonté de rationaliser les relations franco-israéliennes est directement liée à la conception gaullienne de la grandeur de la France dépourvue de ses colonies, dans un monde dominé par les hégémonies américaine et soviétique : les autres Etats, pour leur indépendance, doivent « mettre tout en œuvre pour coopérer en créant des ensembles plus larges comme la Communauté européenne ». Or la visibilité de l’entente franco-israélienne est perçue comme une entrave à la constitution d’un ensemble incluant la France en Méditerranée et au Proche-Orient [46].
                      Le général de Gaulle a mis au premier plan de ses priorités l’indépendance de la France. Indépendance vis-à-vis des deux blocs, ce qui signifie d’une part un refus du système intégré de l’OTAN et d’une Europe supranationale, mais aussi une parfaite liberté d’action par rapport à d’autres pays, notamment Israël. Il est en effet inconcevable de prolonger la collaboration nucléaire de la France, alors que de Gaulle estime que l’arme atomique « doit devenir la pierre angulaire d’une défense française indépendante » [47]. Aussi exige-t-il dès le mois de juin 1958, l’arrêt des projets de coopération nucléaire avec Israël, l’Allemagne fédérale et l’Italie : il exige qu’« ainsi cesse en particulier le concours prêté par nous à un début, près de Ber-Sheva, d’une usine de transformation d’uranium en plutonium, d’où, un beau jour, pourraient sortir des bombes atomiques » [48].
                      De même, l’étroitesse des relations franco-israéliennes dans les domaines militaire et du renseignement déplaît au Général : tout en maintenant les ventes d’armes à titre onéreux, il affirme vouloir mettre un terme « à d’abusives pratiques de collaboration établies sur le plan militaire, depuis l’expédition de Suez, entre Tel-Aviv et Paris et qui introduisent en permanence des Israéliens à tous les échelons des états-majors et des services français » [49]. Mais les liens tissés sont si solides que le processus de prise de distance, pour les questions nucléaires et militaires ne se fait pas du jour au lendemain.
                      Du point de vue économique, il est notable que de plus en plus d’entreprises françaises cèdent au chantage au boycott de la Ligue arabe. En 1959, la Banque de l’Indochine - Djibouti accepte de montrer patte blanche : « soucieuse de ses intérêts en pays arabes, [elle] a renoncé à traiter toute opération avec Israël », et fournit une liste des propriétaires d’au moins 50 % des actions de l’entreprise sur laquelle ne figure aucun nom juif [50], ce qui revient à faire allégeance non seulement à l’aspect politique anti-israélien du boycott, mais encore à son caractère antisémite. Air France, qui avait prévu une collaboration avec la compagnie israélienne El-Al, se dédit au motif que les termes de ce contrat seraient en contradiction avec un hypothétique accord entre les compagnies d’aviation de l’Union européenne. La régie Renault, pour la signature d’un accord avec certains Etats arabes, accepte de se défaire de ses liens avec l’entreprise israélienne Kaiser-Fraser, en 1959 également.
                      Au niveau diplomatique, le remplacement de Pierre-Etienne Gilbert, qui avait été un fidèle avocat de la cause israélienne au Ministère des Affaires étrangères de 1953 à 1960, par Jean Bourdeillette, témoigne de cette volonté de normalisation. Cette ligne politique est confirmée par une note du Service du Levant, qui souligne le « triple souci de ne pas sacrifier à Israël l’ensemble de nos intérêts aux Moyen-Orient, de ne pas faire, en toutes circonstances, figure de champions de la cause israélienne, et enfin de tenir compte de nos multiples engagements, parfois incompatibles avec les demandes de Tel-Aviv » [51]. La complaisance de la IVe République envers Israël n’est visiblement plus de mise.
                      Dans les instances internationales, les gouvernements français et israélien ne sont plus aussi solidaires qu’auparavant. On discerne une certaine réticence française à soutenir Israël. Jean Bourdeillette ne fait pas mystère des objectifs de la France quant à Israël : « une clarification, une ‘démystification’ des rapports entre les deux pays, voilà ce qui pourrait être en route. […] De sérieux progrès ont donc été faits dans la voie de la normalisation des relations entre les deux pays » [52].

                      Cependant, la France est alors dans un consensus pro-israélien. Elie Barnavi écrit qu’« en France, extrême gauche et extrême droite exceptées, l’opinion publique, la grande presse, l’establishment politique et universitaire, le monde des arts et des lettres, sont dans l’ensemble chaudement pro-israéliens » [53]. D’autant que la guerre d’Algérie continue de faire rage, maintenant Français et Israéliens dans une communauté de combat : on fait le parallèle entre les moudjahiddins en Algérie et les fedayins qui font des incursions en territoire israélien, et leur financier commun, Nasser. Les gaullistes représentent les trois quarts des effectifs de l’Alliance France-Israël, et sont également très nombreux dans l’Association France-Israël [54]. Les difficultés à la remise en ordre des relations franco-israéliennes sont d’ailleurs saisissantes : fruit de la désobéissance de certains ministres, tels Jacques Soustelle, ou des habitudes prises par les états-majors, les liens étaient profondément ancrés et sont difficiles à défaire. Certaines pratiques se perpétuent malgré les directives gouvernementales. C’est le cas notamment pour les coopérations nucléaire et militaire.
                      Enfin, l’accueil que le Général réserve au Premier ministre israélien David Ben Gourion est spectaculaire. Outre le fait qu’il s’agit de la première visite officielle d’un dirigeant israélien en France, l’entente entre ces deux hommes d’envergure est excellente, et l’admiration et l’estime mutuelles sont évidentes : les compliments échangés peuvent difficilement être considérés comme des courtoisies d’usage : « vous, Monsieur Ben Gourion, symbolisez en votre personne la merveilleuse résurrection, la renaissance, la fierté et la prospérité d’Israël ; à mes yeux, vous êtes le plus grand homme d’Etat de ce siècle ». A quoi Ben Gourion répond « c’est vous le plus grand homme d’Etat de notre temps. Je suis reconnaissant à vous et à votre Nation de l’aide magnifique que vous nous avez accordée » [55]. Samy Cohen précise que « la fin des relations privilégiées avec Israël ne signifie pas pour autant la fin des rapports d’amitié ». Mais à la suite de cette rencontre, l’ambassadeur Jean Bourdeillette, ayant appris la teneur de l’entretien entre de Gaulle et Ben Gourion par la presse israélienne, n’en croit pas ses yeux et demande au Quai d’Orsay confirmation [56] : cette attitude est assez révélatrice des directives qu’il a reçues, qui ne correspondent apparemment pas à ce type de déclaration d’amitié.
                      Enfin, la plus importante preuve de sympathie est donnée par le Général en juin 1961, lors de la seconde visite officielle en France de Ben Gourion. L’accueil que de Gaulle lui a réservé est aussi spectaculaire que l’année précédente : « nous tenons à vous assurer de notre solidarité, de notre amitié, et je lève mon verre à Israël, notre ami et notre allié ». Pourtant, les négociations sont en cours entre les représentants français et le FLN et le GPRA [57]. Cette déclaration surprend les Israéliens, compte tenu des alertes données par les premiers signes d’éloignement manifestés depuis 1959 [58].
                      Si les relations franco-israéliennes perdent leur caractère privilégié, elles n’en demeurent pas moins amicales. La France n’a alors aucun intérêt à rompre avec Israël, puisque elle ne peut mener une politique cohérente dans la région tant qu’elle a les mains liées par la guerre d’Algérie – c’est ce conflit, davantage que ses liens avec Israël, qui entrave sa politique. De ce fait, la volonté de prendre une certaine distance vis-à-vis d’Israël peut être attribuée autant à la cohérence de sa politique d’indépendance qu’à une reprise, encore très hypothétique, des relations avec les Etats arabes.

                      Enfin, le 18 mars 1962, les accords d’Evian sont signés, et imposent un cessez-le-feu, en attendant la reconnaissance de l’Algérie indépendante le 3 juillet 1962. C’est une libération pour la politique étrangère de la France, et pour le Quai d’Orsay qui, en temps de guerre, ne pouvait en tenir les rênes. Le retour au calme lui donne une responsabilité nouvelle, qui va lui permettre de renouer avec sa traditionnelle politique musulmane.



                      Deuxieme Partie :

                      B- 1962-1967 : Renaissance d’une politique arabe de la France

                      La perte des départements français d’Algérie est largement compensée par l’ouverture de nouveaux horizons en politique étrangère : de Gaulle peut mettre en pratique une politique de grande envergure, le tiers-monde et les non-alignés étant enfin libérés de leur solidarité inconditionnelle envers l’Algérie.

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                        Citation:

                        Pour sortir du système bipolaire où une puissance moyenne comme la France risquait d’être étouffée, l’offensive lancée par de Gaulle envers le tiers-monde pour créer une zone hors de l’affrontement Est / Ouest peut prendre son envol. C’est cette dimension universaliste de la politique française qui l’aide à reprendre pied dans le monde non-aligné : le général de Gaulle présente la France comme une troisième voie, une alternative aux deux superpuissances, à la fois moins exigeante et moins dangereuse pour leur intégrité, avec comme garants les trois piliers de sa politique : indépendance, paix et coopération [59]. Au-delà de son aspect attractif pour les pays du tiers-monde, la réussite de ce projet instaurerait pour la France une sphère d’influence : « La France, selon de Gaulle, peut rassembler derrière elle, en un grand ensemble, ces nouveaux acteurs de la politique internationale » [60]. D’où la mise en avant de cette notion de « coopération », dont les anciennes colonies françaises bénéficient déjà. Ce programme d’aide au développement implique une rupture avec la conception traditionnelle de l’aide directe aux pays favorablement disposés politiquement, vers une assistance plus infrastructurelle, fondée sur l’envoi d’enseignants et de conseillers techniques pour aider les pays à créer leur propre base de développement [61].
                        Bien qu’à l’origine, cette politique ne s’adresse pas aux Etats du Machrek, et qu’ils n’en bénéficieront jamais dans les mêmes proportions que l’Afrique noire et le Maghreb, la conception de cette notion dispose favorablement l’ensemble des pays arabes envers la France. La coopération représente la posture que la France attendait de pouvoir prendre : dès la fin de la guerre d’Algérie, la décolonisation et la souveraineté des peuples sont présentées comme les constantes de la politique extérieure de la France [62].

                        Aussi, le terrain était préparé lorsque les accords d’Evian sont venus couronner l’ouverture de la politique française par leur effet libérateur. Le Quai d’Orsay note qu’immédiatement, « l’atmosphère est totalement modifiée à notre égard dans les capitales arabes » [63]. Les Etats arabes ont même déjà relevé le changement d’attitude de la France, qui ne soutient plus Israël inconditionnellement, et le problème palestinien a repris le devant de la scène, dès la fin de la guerre d’Algérie, supprimant du jour au lendemain la propagande anti-française.
                        La question se pose alors de la stratégie à adopter pour la restauration des relations diplomatiques avec les différents Etats arabes : le général de Gaulle est ferme : « nous n’avons rien à ‘désirer’, et surtout rien à manifester, quant au rétablissement des relations avec les Etats arabes d’Orient. A cet égard, d’ailleurs, nous n’en ‘préférons’ aucun, car tous se sont très mal conduits à notre égard. A mesure qu’ils nous demanderont de reprendre les relations – s’ils le font, ce sera pour leur intérêt – nous examinerons la question cas par cas. […] Plus nous les ferons attendre et plus ils seront anxieux d’être admis » [64]. Ces lignes illustrent toute la philosophie du Général : en aucun cas il ne doute de l’attrait de la France pour les autres Etats, c’est cette certitude autoritaire qui, par contagion, donnera aux autres pays l’assurance de la grandeur de la France. Mais le Quai d’Orsay ne partage pas cet avis : les premiers Etats à manifester leur désir de rétablir des relations avec la France étant la Jordanie, le 2 juillet, et l’Arabie saoudite, oralement le 20 mars et formellement le 13 août, un traitement dans l’ordre des demandes produirait incontestablement un déséquilibre, puisque aucun Etat du camp nationaliste arabe ne s’est manifesté. « Nous paraîtrions ainsi prendre position trop nettement pour l’un des camps entre lesquels se divise le monde arabe et risquerions de compromettre le rétablissement de nos relations avec le pays qui reste la clé du Moyen-Orient – c’est-à-dire l’Egypte » [65]. Il s’agit donc de freiner les impatiences jordaniennes et saoudiennes, en attendant un signe de l’autre camp. Finalement le 1er septembre 1962, la demande officielle syrienne vient régler le problème. La stratégie du Général qui consiste à « se faire désirer » ne s’applique pas : il ne s’agit pas de faire attendre la Syrie, ce qui retarderait d’autant le processus pour la Jordanie et l’Arabie saoudite. Les relations diplomatiques sont restaurées les 9, 10 et 12 septembre, avec une priorité donnée à la Syrie – ce qui trahit tout de même une certaine préférence malgré la volonté affichée d’égalité de traitement entre les deux camps. Le processus prend un peu plus temps pour l’Irak, les relations sont rétablies le 18 janvier 1963. Pour l’Egypte, les négociations sur le règlement du contentieux (issu de la non-application par l’Egypte des accords de Zurich, qui eux-mêmes réglaient le contentieux né de la crise de Suez) retardent l’échéance. Mais la bonne volonté mutuelle aboutit à la reprise des relations diplomatiques le 4 avril 1963.

                        Tout comme les chefs d’Etat arabes, qui ont choisi de renouer avec la France au plus vite, plutôt que de la punir plus longtemps pour Suez et l’Algérie, les dirigeants français souhaitent cette nouvelle phase des relations entre la France et « le monde arabe dans un esprit positif » [66]. D’autant qu’avec l’Algérie française, s’envolent les espoirs de pétrole et de gaz naturel français au Sahara [67] ; l’avenir énergétique de la France doit être assuré par de bons rapports avec les pays producteurs. Aussi de Gaulle commande-t-il à Jean-Marcel Jeanneney un rapport sur la coopération avec les pays en voie de développement. La partie concernant le Moyen-Orient est rédigée par l’ambassadeur Jean Chauvel : il affirme que l’action de la France dans le monde arabe « n’est pas seulement acceptable », mais « désirée » [68].
                        Les diplomates français conservent toutefois quelques réticences vis-à-vis de Nasser. Pourtant l’Egypte représenterait un atout important pour la politique extérieure de la France axée sur le dépassement des blocs : sa stratégie d’ouverture envers l’Est, confortée par la perte de prestige de l’Union soviétique dans le sillage des crises de Berlin et de Cuba, et vers les non-alignés et le tiers-monde, est incohérente sans relations avec l’Egypte. Principal pays arabe par la taille, l’influence, et la position géographique entre l’Afrique et l’Asie, l’Egypte et le nassérisme sont à leur apogée. Le chargé d’Affaires français en RAU, Henri Froment-Meurice, l’indique d’ailleurs dès la fin de l’année 1963 : l’Egypte n’est pas une puissance mondiale, mais elle a la capacité de nuire aux intérêts de la France, notamment en Afrique et dans le monde arabe, deux cibles du discours gaulliste anti-blocs. Il souligne également que la France « possède une vocation privilégiée » pour combler les espoirs de l’Egypte d’accéder à la civilisation industrielle et intellectuelle du XXe siècle, sans être exploitée par l’Occident [69].
                        Auprès de la France, les Etats arabes jouent la carte de la diplomatie politique : le général de Gaulle reçoit à Paris un défilé de dirigeants arabes. Le roi Hussein de Jordanie ouvre la marche en septembre 1963, couronnant ainsi le rétablissement des relations entre la France et le monde arabe, comme l’affirme de Gaulle : cette visite est « la preuve de cette tendance réciproque de la France et du monde arabe de l’Orient à renouer entre eux les rapports particuliers étroits […] et amicaux […] que tout commande aujourd’hui de rétablir et de développer » [70]. C’est ensuite le général Hafez, président syrien, reçu par de Gaulle le 11 novembre 1964, qui ne prône ni plus ni moins que la destruction d’Israël, « le retour à l’état antérieur » dans le langage diplomatique. Pour toute réponse, de Gaulle se contente de répéter son discours habituel aux chefs d’Etats arabes, indiquant que la France n’a aucune responsabilité dans la création d’Israël, qu’il est un fait accompli, et que « la France ne l’aide pas et ne lui fait pas de cadeau » [71]. Quelques jours plus tard, Hussein est à nouveau reçu par le Général, auprès duquel il atténue le discours syrien par sa modération qu’il présente comme la voix de la majorité des Etats arabes [72]. En mai 1965, c’est le président Hélou du Liban qui est accueilli à Paris. De Gaulle l’invite à ne pas chercher le conflit avec Israël autour du projet arabe de détourner les eaux des affluents du Jourdain, dans le but avoué d’empêcher Israël d’en bénéficier [73]. Puis à la suite du sommet arabe de Casablanca de septembre 1965, le roi Hussein se rend à nouveau à Paris, confirmant ainsi son rôle tacite de temporisateur entre l’Occident et les Etats arabes.
                        Enfin, les diplomates français étant de plus en plus sensibles à la personnalité du Raïs égyptien, le maréchal Abdel Hakim Amer, Vice-Président de la République arabe unie et gendre du colonel Gamal Abd el-Nasser, devient, en octobre 1965, le premier homme d’Etat égyptien invité en France depuis près de dix ans. Cette visite est un symbole fort, que Robert Grant décrit « comme la consécration de la fin du contentieux franco-arabe, [et qui] devient le départ d’une politique arabe française plus agressive et orientée vers les pays arabes ‘progressistes’ » [74]. A l’occasion de cette visite, de Gaulle réitère son habituel discours sur Israël : « la France n’a pas créé Israël. Ce sont les Soviets, les Anglais et les Américains » ; mais « Israël est devenu un Etat et cet Etat travaille et progresse ». Il insiste sur le fait qu’« Israël ne doit pas exagérer » [75]. Le discours d’Amer est plus modéré que celui que Ahmed Fawzi sert à Maurice Couve de Murville. Le Vice-Président chargé des Affaires étrangères reproche à la France l’aide procurée à Israël dans le domaine nucléaire à la fin des années cinquante. [76]. Cette visite marque un tournant dans la politique arabe de la France. L’Egypte assume désormais une place centrale dans la politique française au Proche-Orient. André Malraux, ministre de la Culture, s’y rend en mars 1966 pour signer un accord de collaboration culturelle, et Hervé Alphand, Secrétaire général du Quai d’Orsay, s’attarde quatre jours au Caire lors de sa tournée proche-orientale, en 1966. Il en profite pour souligner que la France entretient des « relations normales avec l’Etat hébreu », qui n’entravent pas l’amitié franco-arabe. On envisage même un échange de visites de Nasser à Paris et de De Gaulle au Caire [77]. Les bonnes relations franco-égyptiennes sont très utiles à l’ensemble de la politique extérieure de la France : l’Egypte est la première puissance arabe, et elle maintient des relations étroites avec le tiers-monde et le bloc soviétique, deux cibles du discours français sur l’indépendance nationale.

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                          Le général de Gaulle reçoit encore M. Pachachi, ministre des Affaires étrangères irakien, en juillet 1966, puis de nouveau le roi Hussein de Jordanie en août de la même année, et enfin le nouveau Président syrien Makhos, qui a renversé le général Hafez. Le dirigeant syrien est toujours le plus virulent à l’encontre d’Israël. De Gaulle lui tient le laïus usuel sur le fait que ce n’est pas la France qui a créé Israël, « nous n’y sommes pour rien et la France était dans une telle situation à l’époque qu’elle ne pouvait jouer un rôle actif dans cette affaire ». Il ajoute en outre que « ce sont les Anglais, les Américains et les Russes qui ont constitué cet Etat » [78], alors que les Anglais se sont abstenus sur le vote du plan de partage contrairement aux Français qui ont finalement voté pour, – sans doute fait-il allusion à la déclaration Balfour, mais dans le contexte de la situation de la France à la fin de la Deuxième guerre mondiale, c’est un raccourci un peu rapide. Par ailleurs, sur le fait que la France n’aide pas Israël, quand la majorité, – voire la totalité – de l’armement israélien est d’origine française, est également une manière de réécrire l’histoire, qui semble ne gêner en rien le chef de l’Etat français.

                          Peu à peu, et avec plus ou moins de diplomatie et d’insistance, « les Arabes veulent faire de l’abandon de l’Etat hébreu la condition de la reprise de la coopération avec la France », nous dit Maurice Vaïsse. Il insiste sur le fait qu’au fur et à mesure que les relations franco-arabes s’améliorent puis se développent, « l’alliance franco-israélienne se desserre » [79]. Or dans la perspective globale de la politique étrangère de la France, Israël sert beaucoup moins les ambitions françaises – s’il ne les handicape pas –, que les Etats arabes : ces derniers sont en effet un vecteur essentiel de la politique de coopération que Paris compte développer en direction du tiers-monde [80].
                          Dans les sphères gouvernementales, la tendance pro-israélienne est progressivement écartée : parfois ses partisans étaient également des défenseurs de l’Algérie française, comme Jacques Soustelle, éloigné en février 196o ; mais d’autres sont évincés sans raison apparente, comme Pierre-Etienne Gilbert, remplacé en octobre 1959 par Jean Bourdeillette. Sur le plan militaire également, le renouvellement des cadres permet la séparation effective des états-majors français et israélien, là où les ordres n’avaient pas suffi. De Gaulle doit cependant s’insurger contre ces habitudes pour les faire cesser : en mai 1963, il affirme que « nous ne devons pas non plus laisser notre état-major s’entretenir de cette hypothèse avec l’état-major ou les attachés militaires israéliens. Ces entretiens créent des équivoques et ne présentent aucun avantage » [81]. Quelques jours plus tard, le 4 juin, il laisse parler sa colère : « Ces conversations d’états-majors, qui ont lieu comme si la France était engagée à quelque chose, sont inadmissibles et doivent cesser immédiatement » [82].
                          A la même époque, le rapport Jeanneney est sévère quant aux relations franco-israéliennes : elles « hypothèquent » l’action française dans le monde arabe et « ne servent en aucune façon le crédit de la France en Arabie ». La coopération avec l’Etat hébreu doit être reconsidérée, « tant en raison du degré de développement très marqué de ce pays, que de son caractère hétérogène par rapport à l’ensemble qui l’entoure » [83]. Il faut souligner le caractère subjectif de ces propos : il paraît difficile, en pleine guerre froide arabe, d’admettre l’homogénéité du Proche-Orient arabe que Chauvel suggère. C’est une négation de leurs différences, qu’ils revendiquent pourtant dès qu’il ne s’agit pas de la question israélienne, et un encouragement à leur unique point commun, l’hostilité envers l’Etat juif. Mais le point de vue est explicite : il trahit la détermination du gouvernement à mettre un terme aux relations privilégiées avec Israël. Mais à part le Quai d’Orsay, qui dans l’ensemble ne cache pas sa volonté de prendre ses distances, personne n’envisage un « refroidissement » franco-israélien. Pour les ventes d’armes, lorsque le Quai se prononce contre une transaction, il n’est pas rare que de Gaulle tranche en faveur d’Israël, comme pour les quatre formations de 18 Mirage III (soit 72 pièces) en 1961, vente à laquelle le Quai et Maurice Couve de Murville lui-même s’étaient opposés, mais que le Général a autorisée [84]. De Gaulle était particulièrement sensible au lobby de l’industrie militaire, lequel coïncidait souvent avec les intérêts israéliens [85]. La différence principale est que ces contrats d’armement sont à présent tenus secrets, et que les relations, notamment dans le domaine militaire, prennent un tour plus discret et revêtent parfois « la forme d’une alliance sournoise » [86].
                          Néanmoins, le nouveau Premier ministre israélien, Levi Eshkol, est reçu à sa demande à l’Elysée en juin 1964. Bien que le Premier ministre Georges Pompidou lui explique que la France ne vendra dorénavant à Israël que des armes défensives [87], le général de Gaulle le reçoit très cordialement, et lui réaffirme qu’Israël est « l’ami et l’allié de la France » [88]. Mais il s’agit de la dernière marque d’amitié de la France envers Israël au niveau diplomatique. Paris ne reçoit plus d’Israélien, ni n’envoie en visite des représentants du gouvernement ; rien n’est prévu même pour compenser la multiplication des visites d’officiels arabes, au point que le nouvel ambassadeur français à Tel-Aviv, Bertrand de la Sablière, s’en inquiète : « il me paraît évident que l’opinion espère et attend d’ici quelques mois un échange de bons procédés qui mettrait, à ses yeux, vis-à-vis de nous, Israël sur le même plan que ses adversaires arabes. Il serait peut-être opportun de satisfaire, même discrètement, ces modestes désirs » [89].
                          Pourtant le Quai d’Orsay a peu à peu repris la conduite des affaires extérieures au Proche-Orient, ce qui contribue à donner à l’orientation de la politique française une tendance pro-arabe qui « affectait négativement les relations avec Israël », selon Samir Kassir et Farouk Mardam-Bey [90]. Cette orientation n’est pas rendue publique : elle est décelable par les Israéliens, prompts à repérer le moindre geste français en faveur de leurs ennemis, par certains membres du gouvernement, et au fil des archives diplomatiques. Les relations sont peu à peu réduites aux transactions de matériel militaire, ce qui continue de faire illusion. Il est certain que ce sont des critères commerciaux et stratégiques, au moins autant que politiques, qui dirigent cet aspect de la politique française ; c’est aussi conforme aux intérêts diplomatiques : la France compte servir un jour de médiateur au conflit israélo-arabe ; elle doit conserver une influence sur les deux parties, et il est évident que sans les ventes d’armes, la France n’aurait plus aucune influence sur l’Etat hébreu.

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                            Citation:

                            Le général de Gaulle reçoit encore M. Pachachi, ministre des Affaires étrangères irakien, en juillet 1966, puis de nouveau le roi Hussein de Jordanie en août de la même année, et enfin le nouveau Président syrien Makhos, qui a renversé le général Hafez. Le dirigeant syrien est toujours le plus virulent à l’encontre d’Israël. De Gaulle lui tient le laïus usuel sur le fait que ce n’est pas la France qui a créé Israël, « nous n’y sommes pour rien et la France était dans une telle situation à l’époque qu’elle ne pouvait jouer un rôle actif dans cette affaire ». Il ajoute en outre que « ce sont les Anglais, les Américains et les Russes qui ont constitué cet Etat » [78], alors que les Anglais se sont abstenus sur le vote du plan de partage contrairement aux Français qui ont finalement voté pour, – sans doute fait-il allusion à la déclaration Balfour, mais dans le contexte de la situation de la France à la fin de la Deuxième guerre mondiale, c’est un raccourci un peu rapide. Par ailleurs, sur le fait que la France n’aide pas Israël, quand la majorité, – voire la totalité – de l’armement israélien est d’origine française, est également une manière de réécrire l’histoire, qui semble ne gêner en rien le chef de l’Etat français.

                            Peu à peu, et avec plus ou moins de diplomatie et d’insistance, « les Arabes veulent faire de l’abandon de l’Etat hébreu la condition de la reprise de la coopération avec la France », nous dit Maurice Vaïsse. Il insiste sur le fait qu’au fur et à mesure que les relations franco-arabes s’améliorent puis se développent, « l’alliance franco-israélienne se desserre » [79]. Or dans la perspective globale de la politique étrangère de la France, Israël sert beaucoup moins les ambitions françaises – s’il ne les handicape pas –, que les Etats arabes : ces derniers sont en effet un vecteur essentiel de la politique de coopération que Paris compte développer en direction du tiers-monde [80].
                            Dans les sphères gouvernementales, la tendance pro-israélienne est progressivement écartée : parfois ses partisans étaient également des défenseurs de l’Algérie française, comme Jacques Soustelle, éloigné en février 196o ; mais d’autres sont évincés sans raison apparente, comme Pierre-Etienne Gilbert, remplacé en octobre 1959 par Jean Bourdeillette. Sur le plan militaire également, le renouvellement des cadres permet la séparation effective des états-majors français et israélien, là où les ordres n’avaient pas suffi. De Gaulle doit cependant s’insurger contre ces habitudes pour les faire cesser : en mai 1963, il affirme que « nous ne devons pas non plus laisser notre état-major s’entretenir de cette hypothèse avec l’état-major ou les attachés militaires israéliens. Ces entretiens créent des équivoques et ne présentent aucun avantage » [81]. Quelques jours plus tard, le 4 juin, il laisse parler sa colère : « Ces conversations d’états-majors, qui ont lieu comme si la France était engagée à quelque chose, sont inadmissibles et doivent cesser immédiatement » [82].
                            A la même époque, le rapport Jeanneney est sévère quant aux relations franco-israéliennes : elles « hypothèquent » l’action française dans le monde arabe et « ne servent en aucune façon le crédit de la France en Arabie ». La coopération avec l’Etat hébreu doit être reconsidérée, « tant en raison du degré de développement très marqué de ce pays, que de son caractère hétérogène par rapport à l’ensemble qui l’entoure » [83]. Il faut souligner le caractère subjectif de ces propos : il paraît difficile, en pleine guerre froide arabe, d’admettre l’homogénéité du Proche-Orient arabe que Chauvel suggère. C’est une négation de leurs différences, qu’ils revendiquent pourtant dès qu’il ne s’agit pas de la question israélienne, et un encouragement à leur unique point commun, l’hostilité envers l’Etat juif. Mais le point de vue est explicite : il trahit la détermination du gouvernement à mettre un terme aux relations privilégiées avec Israël. Mais à part le Quai d’Orsay, qui dans l’ensemble ne cache pas sa volonté de prendre ses distances, personne n’envisage un « refroidissement » franco-israélien. Pour les ventes d’armes, lorsque le Quai se prononce contre une transaction, il n’est pas rare que de Gaulle tranche en faveur d’Israël, comme pour les quatre formations de 18 Mirage III (soit 72 pièces) en 1961, vente à laquelle le Quai et Maurice Couve de Murville lui-même s’étaient opposés, mais que le Général a autorisée [84]. De Gaulle était particulièrement sensible au lobby de l’industrie militaire, lequel coïncidait souvent avec les intérêts israéliens [85]. La différence principale est que ces contrats d’armement sont à présent tenus secrets, et que les relations, notamment dans le domaine militaire, prennent un tour plus discret et revêtent parfois « la forme d’une alliance sournoise » [86].
                            Néanmoins, le nouveau Premier ministre israélien, Levi Eshkol, est reçu à sa demande à l’Elysée en juin 1964. Bien que le Premier ministre Georges Pompidou lui explique que la France ne vendra dorénavant à Israël que des armes défensives [87], le général de Gaulle le reçoit très cordialement, et lui réaffirme qu’Israël est « l’ami et l’allié de la France » [88]. Mais il s’agit de la dernière marque d’amitié de la France envers Israël au niveau diplomatique. Paris ne reçoit plus d’Israélien, ni n’envoie en visite des représentants du gouvernement ; rien n’est prévu même pour compenser la multiplication des visites d’officiels arabes, au point que le nouvel ambassadeur français à Tel-Aviv, Bertrand de la Sablière, s’en inquiète : « il me paraît évident que l’opinion espère et attend d’ici quelques mois un échange de bons procédés qui mettrait, à ses yeux, vis-à-vis de nous, Israël sur le même plan que ses adversaires arabes. Il serait peut-être opportun de satisfaire, même discrètement, ces modestes désirs » [89].
                            Pourtant le Quai d’Orsay a peu à peu repris la conduite des affaires extérieures au Proche-Orient, ce qui contribue à donner à l’orientation de la politique française une tendance pro-arabe qui « affectait négativement les relations avec Israël », selon Samir Kassir et Farouk Mardam-Bey [90]. Cette orientation n’est pas rendue publique : elle est décelable par les Israéliens, prompts à repérer le moindre geste français en faveur de leurs ennemis, par certains membres du gouvernement, et au fil des archives diplomatiques. Les relations sont peu à peu réduites aux transactions de matériel militaire, ce qui continue de faire illusion. Il est certain que ce sont des critères commerciaux et stratégiques, au moins autant que politiques, qui dirigent cet aspect de la politique française ; c’est aussi conforme aux intérêts diplomatiques : la France compte servir un jour de médiateur au conflit israélo-arabe ; elle doit conserver une influence sur les deux parties, et il est évident que sans les ventes d’armes, la France n’aurait plus aucune influence sur l’Etat hébreu.
                            Les raisons profondes de la nouvelle orientation de la politique française se trouvent à différents niveaux : du point de vue économique d’abord, Jacques Frémaux explique que la France est amenée à « tenir compte des réalités démographiques et des perspectives économiques, deux domaines dont les chiffres parlent d’eux-mêmes, et sont particulièrement défavorables à Israël » [91]. Du point de vue diplomatique, le soutien arabe est plus avantageux pour la France que le soutien israélien. De plus, cette politique régionale sert l’orientation générale de la politique étrangère de la France : sa volonté d’indépendance, qui atteint son paroxysme en 1966 lors de la spectaculaire sortie de l’OTAN, accrédite l’idée que l’heure de la détente avec l’Union soviétique est venue, permettant enfin le dépassement des blocs. Comme le souligne Samy Cohen, « de Gaulle est d’autant plus populaire dans les pays du tiers-monde que sa lutte contre ‘les hégémonies’ tend de plus en plus à se cristalliser contre la seule ‘hégémonie’ américaine » [92].

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                              Citation:

                              Cette politique consiste à se ranger systématiquement aux côtés des Etats non-alignés et du tiers-monde. Des voyages en Amérique latine au discours de Phnom Pehn, l’hostilité à la politique américaine, en particulier à son engagement au Viêt-nam, est au cœur de la politique du Général, parfois teintée de démagogie vis-à-vis du tiers-monde. Dans ce contexte de rapprochement avec l’Est, l’extrême Est, et les pays non-alignés, le soutien à Israël devient un handicap pour la politique française. Les cibles prioritaires du discours français sont résolument anti-israéliennes, et Israël est chaque jour davantage identifié aux Etats-Unis, et donc considéré par les régimes dits progressistes comme un symbole du néo-impérialisme. La France, par souci de cohérence dans sa politique internationale, et pour ne pas mettre en péril les rapprochements engagés, se voit souvent obligée, quelle que soit son opinion profonde, sinon de s’aligner sur eux, du moins de se désolidariser de ses alliés occidentaux et israélien.
                              Les rapports avec Israël sont ainsi devenus secondaires en comparaison des relations franco-arabes, dans presque tous les domaines, et le passé récent, quand les liens franco-israéliens étaient excessifs et les relations franco-arabes inexistantes, rend le contraste encore plus cinglant. Lorsque Abba Eban, qui a remplacé Golda Meïr aux Affaires étrangères, est envoyé à Paris en janvier 1966 pour faire part des inquiétudes de l’Etat hébreu quant à la politique proche-orientale de la France, il constate que la distance instaurée par la France est définitive. Selon Samuel Séguev, son homologue français Maurice Couve de Murville aurait répondu à ces angoisses par une phrase qui témoigne à la fois de son irritation à l’égard de l’Etat hébreu, et du caractère désormais commun des relations franco-israéliennes : « le caractère des liens entre Israël et la France ne justifie pas que le général de Gaulle vous tape sans cesse sur l’épaule pour vous rassurer » [93].

                              Des discours successifs de De Gaulle aux dirigeants arabes, il ressort la volonté de leur faire comprendre qu’Israël existe et que la France l’admet, sans cependant l’avoir voulu. Il n’autorise pas les Arabes à se mêler des relations franco-israéliennes, – sans doute parce qu’il considère que le refroidissement effectué par rapport à la IVe République est un geste suffisamment important pour que les Etats arabes n’en demandent davantage. L’importance du maintien de la paix revient de façon récurrente dans son discours : la France ne veut pas avoir à choisir entre les deux camps. Un Etat d’importance, comme la France, ne pourra rester en retrait. La neutralité prête le flanc aux critiques de toutes les parties en cause, et la France souhaite au contraire être l’acteur d’une future réconciliation. En cas de guerre, la majorité des Français choisirait Israël contre les Etats arabes, alors qu’on peut déjà pressentir que si la situation l’obligeait à choisir, le gouvernement pencherait plus naturellement vers les Etats arabes, pour garantir et consolider les avantages acquis au long de ces dernières années. Le général de Gaulle souhaite maintenir une situation qui lui permette de développer les relations franco-arabes, du point de vue politique et économique, et d’avoir des rapports équilibrés avec les deux parties, sans sacrifier Israël. Le maintien de la paix est essentiel à la réalisation de ses objectifs.



                              Troisieme Partie :


                              C- 1967-1969 : Le choix de la France lors de la guerre des Six jours et ses conséquences

                              Aussi, face à la montée des tensions provoquée par la querelle sur le partage des eaux du Jourdain et les incursions de fedayins qui se multiplient en territoire israélien entre 1964 et 1967, la France garde le silence [94]. Les Israéliens répondent par des opérations militaires ponctuelles contre les camps de réfugiés qui abritent les terroristes, souvent en Cisjordanie, bien que la plupart viennent de Syrie et ne font que transiter par la Jordanie. Mais ces représailles contribuent à fragiliser le voisin le plus conciliant d’Israël, le roi Hussein. Finalement, suite aux attaques syriennes, un combat frontalier explose le 7 avril 1967 à la frontière israélo-syrienne. Les deux parties clament victoire. Pourtant la réaction française place Israël en accusation, montrant ainsi sa propension à soutenir les Arabes même lorsqu’ils ne le demandent pas : Maurice Couve de Murville parle d’une « riposte […] intense et excessive » [95]. Il impute à ce combat le début de l’escalade qui aboutit à la guerre des Six jours. Les semaines suivantes, les attaques terroristes se multiplient ; l’armée syrienne, et plus seulement les fedayins, est impliquée [96]. Les discussions d’Hervé Alphand avec les autorités égyptiennes et syriennes trahissent le fait que les Français sont moins prompts à mettre en garde les Etats arabes qu’Israël [97].
                              La situation devient vraiment critique le 15 mai, lorsque Nasser, volant au secours de la Syrie, met ses forces en alerte. Le 16, le général Fawzi, fait un discours menaçant dans lequel il demande aux Arabes de se tenir prêts à attaquer Israël. L’Egypte réclame ensuite le retrait des troupes UNEF (United Nations Emergency Forces), les Casques bleus postés à la frontière israélo-égyptienne de Gaza et à Charm el-Cheikh depuis mars 1957. Cette demande est légale, mais Dag Hammarskjöld, le prédécesseur de Sithu U Thant au secrétariat général de l’ONU, s’était engagé à en parler aux Israéliens avant tout retrait. Les Occidentaux s’étonnent d’ailleurs de la précipitation avec laquelle U Thant obtempère aux exigences de Nasser, sans la moindre tentative de négociation. Le 17 mai, les forces égyptiennes sont mobilisées dans le Sinaï, et le 20, elles « prennent le contrôle de Charm el-Cheikh et imposent le blocus du golfe d’Akaba, interdisant à tout navire israélien et à tout vaisseau transportant des produits stratégiques – dont le pétrole – d’accéder au port israélien d’Eilat » [98]. Pour les Israéliens c’est un casus belli. Le golfe d’Akaba, dont ils avaient obtenu la libre circulation à l’issue de la crise de Suez, est devenu vital à l’économie israélienne ; sa fermeture « altère fondamentalement les dimensions géopolitiques du conflit israélo-arabe, et menace l’existence même d’Israël », selon Abba Eban [99]. D’autre part, la propagande arabe annonce l’imminence de la destruction d’Israël, l’obligeant à mobiliser en urgence.

                              Compte tenu du déséquilibre des forces, qualitativement favorables aux Israéliens – qui l’admettent eux-mêmes [100] –, les gestes de Nasser semblent inconsidérés. Mais l’Egypte est au bord de la faillite, et brandir la lutte contre Israël a toujours été un bon moyen de calmer les autres revendications intérieures. Il pourrait trouver également un soutien financier auprès des autres pays arabes, puisqu’il est le seul à pouvoir prétendre combattre Israël militairement. Par ailleurs, son autorité politique serait mise en doute s’il ne répondait pas aux appels syriens. Il semblerait également que la propagande des Saoudiens et des Jordaniens, opposés à l’Egypte dans la guerre froide arabe et notamment dans la crise yéménite qui dure depuis 1962, soit un déclencheur de l’attitude franc-tireur de Nasser. Celui-ci pourrait vouloir attiser la solidarité arabe, et trouver un prétexte pour retirer ses troupes du Yémen. Mais il a été trop loin dans les provocations. Selon les archives américaines [101], une semaine avant la guerre on pouvait douter du fait que Nasser cherche réellement le conflit avec l’Etat hébreu, mais pas du fait qu’il aurait été heureux de le trouver.
                              Les Israéliens sont partagés en deux tendances : les partisans d’une attaque préventive, notamment le général Rabin et Moshé Dayan, souhaitent montrer aux Arabes la supériorité militaire israélienne, pour les obliger à respecter son droit et accepter son existence [102]. Mais le Premier ministre Eshkol, et le ministre des Affaires étrangères Eban, craignent l’isolement diplomatique d’Israël s’il attaque le premier. Ils sont cependant tenus par des éléments stratégiques et économiques : face à la menace de guerre, Israël doit rester en mobilisation partielle. Or l’armée israélienne est une armée de réservistes : mobilisation est synonyme de crise économique et de paralysie du pays. D’autre part, la fermeture du golfe d’Akaba finira par freiner l’approvisionnement en pétrole [103]. On peut d’ailleurs soupçonner la stratégie égyptienne de chercher à étrangler Israël par l’économie, plutôt que par un affrontement dont l’issue est plus qu’hasardeuse pour les Arabes. De plus, l’évaluation des forces montre que si un conflit est inévitable, il vaut mieux ne pas laisser aux troupes arabes le temps de s’organiser. Il est évident qu’une attaque arabe visera les centres urbains – Tel-Aviv n’est qu’à quatre minutes de Damas ou d’Amman en avion supersonique –et les « bruits de bottes » aux frontières, et particulièrement côté égyptien, ne font pas de mystère de la préparation d’une guerre : moins il y aura d’hommes en armes prêts au combat dans le Sinaï, plus les affrontements seront aisés et rapides pour Israël, et les pertes réduites.

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