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Nucleaire Iranien : des sanctions qui ne serviront à rien

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  • Nucleaire Iranien : des sanctions qui ne serviront à rien

    Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux semblent décidés à mettre la pression sur Téhéran. Mais, en ne se concentrant que sur le dossier nucléaire, Obama risque d’échouer.

    La France et l’Allemagne se sont affrontées à trois reprises en soixante-dix ans avant que ne leur vienne l’idée brillante d’intégrer leur problème à quelque chose de plus grand : la Communauté européenne. Les Etats-Unis et l’Iran n’ont jamais été en guerre, mais leurs relations sont marquées par une méfiance psychopathologique. Ils n’ont qu’à s’inspirer des Français et des Allemands, en élargissant le contexte de leurs rapports. Les révélations sur une deuxième usine d’enrichissement d’uranium construite en secret par l’Iran ne modifient pas l’équation nucléaire, si cette dernière se mesure à la capacité du pays à fabriquer une bombe. Ce qui a changé, c’est la psychologie du programme nucléaire iranien. La méfiance était déjà profonde, elle est désormais sans fond. Avec l’usine d’enrichissement de Natanz, capable d’accueillir 54 000 centrifugeuses (à peine plus de 8 000 s’y trouveraient), et alors que son unique centrale nucléaire en est encore au stade expérimental, l’Iran n’a manifestement pas 54 000 raisons de creuser dans le flanc d’une montagne près de la ville sainte de Qom pour en installer 3 000 de plus.

    Téhéran veut disposer d’une option nucléaire militaire bien que la réalité suscite autant sa nervosité que son hésitation. Le projet nucléaire de Qom est révélateur de l’état d’esprit qui règne chez les dirigeants iraniens. Le programme d’enrichissement est dorénavant sacré car il symbolise l’indépendance du pays, un peu comme la nationalisation du secteur pétrolier dans les années 1950. Les usines de Natanz et de Qom ont pour effet de précipiter la menace de nouvelles sanctions. Nicolas Sarkozy a évoqué l’idée de les imposer en décembre si aucun “changement en profondeur” n’était constaté. Le président Obama, qui préfère laisser le côté va-t-en-guerre aux Européens, a évité le mot “sanction”, mais s’est montré aussi sévère que possible. Toutefois, plus que les mots, ce sont les absents qui ont pesé lourd. L’Iran se serait immédiatement repris si Obama avait eu à ses côtés les dirigeants de l’Allemagne, de la Russie et de la Chine. Ces trois pays sont les principaux partenaires commerciaux de l’Iran. La chancelière Angela Merkel n’a pas trouvé le temps. La Russie a fait part de ses “inquiétudes sérieuses”. La Chine a grommelé quelque chose à propos du “dialogue”. Un peu faible, en guise de ferme résolution.

    J’ai déjà dit que les sanctions ne marcheront pas. Ray Takeyh, qui a travaillé sur l’Iran avec Dennis Ross au ministère des Affaires étrangères avant de perdre son emploi, en août, m’a expliqué que “les sanctions, c’est la solution pour se donner bonne conscience”. Bonne conscience, parce qu’on a le sentiment d’avoir fait quelque chose, mais cela n’aide guère. Dans cette affaire, les sanctions n’aideront effectivement pas, pour quatre raisons. Un : l’Iran est immunisé contre les sanctions. Il vit avec depuis des années, et Dubaï lui permet d’importer des produits au prix d’une surtaxe tolérable. Deux : la Russie et la Chine ne soutiendront jamais des sanctions autrement que du bout des lèvres. Trois : ce n’est pas en interrompant les ventes d’essence que l’on sape un symbole presque sacré, à savoir la puissance nucléaire. Quatre : les sanctions alimentent le complexe de persécution qui permet au régime iranien de prospérer. “On ne parle jamais vraiment de l’efficacité des sanctions car, dans ce cas, on ne se retrouve qu’avec deux possibilités : une frappe militaire ou un Iran nucléarisé, ce dont personne ne veut. Par conséquent, la réponse est : imposons d’autres sanctions ! C’est un débat biaisé”, affirme d’ailleurs un haut responsable du ministère des Affaires étrangères allemand.

    La malhonnêteté est un élément inévitable du programme nucléaire iranien. Téhéran pratique la dissimulation. Israël, à l’origine de l’ambiguïté nucléaire dans la région, a répété à l’envi depuis le début des années 1990 que les Iraniens étaient sur le point d’avoir la bombe. Or, à en croire les renseignements américains, il leur faudra encore quelques années. Nous avons donc bel et bien le choix : soit nous procédons à une frappe militaire, soit nous acceptons de vivre avec un Iran nucléarisé. Mais qu’est-ce qu’un “Iran nucléarisé” ? Est-ce un Iran qui dispose d’armes atomiques – développement dangereux s’il en est – ou bien un Iran dont les installations d’enrichissement sont supervisées par l’AIEA ? Je pense qu’un enrichissement sous surveillance sur le territoire iranien, au nom de ce qu’Obama a appelé le “droit” de l’Iran à “une énergie nucléaire pacifique”, constitue une base possible pour parvenir à un accord qui mettrait un terme à la militarisation. Zéro enrichissement, aujourd’hui, ce n’est plus envisageable. Pour éviter que ne soient votées des sanctions stériles, les Etats-Unis ne doivent pas oublier qu’il faut élargir le contexte. Le régime iranien est faible. Son désarroi a une fois de plus été patent.

    William Burns, le sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires politiques, qui assiste aux discussions multilatérales avec l’Iran, se doit d’ouvrir en parallèle des négociations directes avec Téhéran, du moins sur l’Afghanistan et l’Irak (où les intérêts des deux pays sont souvent convergents), le Hezbollah et le Hamas (où ce n’est pas le cas), les droits de l’homme, les actifs iraniens bloqués, les relations diplomatiques, les accords de sécurité régionaux, le trafic de drogue, la lutte contre Al-Qaida, les visas et la libre circulation des personnes. Isolées, les discussions sur le nucléaire sont vouées à l’échec ; intégrées à un cadre plus général, peut-être qu’elles ne capoteront pas. L’Iran souffre d’un complexe vis-à-vis de l’Amérique, source de son sentiment d’humiliation. Son programme nucléaire a avant tout pour but de renouer avec son orgueil national. Il faut résoudre ce complexe pour freiner le programme. Il faut trianguler, penser en grand. Penser Union européenne, pas traité de Versailles.
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