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Mitterrand et les «mauvais Allemands»

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  • Mitterrand et les «mauvais Allemands»

    Des archives britanniques révèlent l'ampleur de l'hostilité du président français et de Margaret Thatcher à la réunification.

    Vingt ans après la chute du mur de Berlin, le chancelier de la réunification, Helmut Kohl, reste pour les Allemands celui qui a précipité leur destin dans le bon sens. Comme François Mitterrand demeure à leurs yeux un président français qui n'avait pas compris le vent de l'histoire. Les réticences de cet ami de l'Allemagne provoquées par la réunification sont de notoriété publique outre-Rhin. Cependant, quelque 600 pages d'archives britanniques déclassifiées vendredi jettent une lumière plus accablante encore sur le jugement de Mitterrand.

    Les notes déclassifiées de Charles Powell, conseiller en politique étrangère de Margaret Thatcher à l'époque, montrent les réticences et les inquiétudes que par­tageaient Mitterrand et la Dame de fer à propos de la réunification allemande. «L'Allemagne n'a jamais trouvé ses frontières. Le peuple allemand a constamment été en mouvement. Et il l'est aujourd'hui», aurait dit Mitterrand lors d'une rencontre avec Thatcher le 8 décembre 1989, selon Powell. Il ajoute que le président français aurait émis de sévères critiques à l'égard de Kohl, jugeant notamment que le chancelier n'avait aucune compréhension pour les «sensibilités des autres nations» et qu'il exploitait le sentiment national allemand.

    «Plus étendue que sous Hitler»

    Quelques jours plus tôt, le 28 novembre 1989, Kohl avait présenté un programme en dix points pour la réunification de la RFA et de la RDA. Sans consulter ses alliés européens. Ni les membres de la coalition au pouvoir à Bonn. La réunification à marche accélérée envisagée par Kohl avait provoqué une franche colère de Mitterrand.

    Le 20 janvier, lors d'une nouvelle réunion avec le premier ministre britannique, Mitterrand enfonce le clou. «La perspective de la réunification a provoqué un choc mental chez les Allemands», aurait-il dit, toujours selon Charles Powell. Choc qui aurait eu pour effet de les «faire redevenir les mauvais Allemands qu'ils étaient». «L'Allemagne peut se réunifier et même reprendre des territoires qu'elle a perdus pendant la guerre, aurait-il ajouté. Elle peut même être plus étendue que sous Hitler».

    Mitterrand dira ses craintes de voir la réunification allemande déstabiliser le chef de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev. Pourtant féru d'histoire, Mitterrand ne comprendra pas que l'État est-allemand n'a survécu qu'en raison du Mur, qui symbolisait la volonté soviétique de la voir exister dans son orbite. Fin 1989, le président français se rendra en Allemagne de l'Est célébrer le 40e anniversaire de la RDA apportant sa caution aux caciques d'un régime en déconfiture. Hier, les médias allemands ne cachaient pas leur amertume. «En public, Mitterrand célébrait l'amitié franco-allemande comme son amitié avec Kohl. Derrière les portes closes, il parlait en mal du chancelier», déplore le quotidien de centre gauche Süddeutsche.

    Cependant, les archives du Foreign Office, le ministère britannique des Affaires étrangères, révèlent que contrairement à Thatcher, le président français n'a jamais cru possible d'empêcher la réunification, qu'il jugeait inéluctable. Son ambition fut d'ancrer cette Allemagne élargie encore plus solidement dans l'Europe, notamment grâce à l'Union monétaire. Celle-ci poussera par la suite les Allemands à renoncer au seul symbole de fierté nationale, le deutschemark, au profit de l'euro. Mitterrand avait aussi une obsession : fixer définitivement la frontière germano-polonaise sur la ligne de démarcation Oder-Neisse.

    «Rendez-vous raté»

    Hubert Védrine, qui était à l'époque conseiller diplomatique de Mitterrand conteste la portée historique des archives britanniques : «Ce serait une grave erreur de penser que Mitterrand et Thatcher partageaient la même position. La réunification inquiétait ré­ellement Thatcher. Pas Mitterrand. Il voulait s'assurer qu'elle soit bien gérée, démocratique, qu'elle ferait avancer l'intégration européenne et qu'elle ne précipiterait pas la chute de Gorbatchev. Thatcher ne pouvait pas accepter davantage d'intégration européenne».

    Ministre des Affaires européennes, Pierre Lellouche, juge que les réticences de Mitterrand ont jeté un trouble dans la relation franco-allemande. «Le doute s'est installé à ce moment-là. Nous n'avons jamais rebâti totalement la confiance», affirme-t-il. Lellouche dit travailler pour faire en sorte que «le rendez-vous raté entre Mitterrand et Kohl il y a vingt ans devienne un rendez-vous réussi entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel», à l'occasion des célébrations de la chute du Mur.

    Le Figaro
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