Définition du Bouteflikisme en quatre lignes
par Kamel Daoud
Pendant qu'il pleuvait beaucoup partout, l'avocat des droits de l'homme des hommes de l'Etat a introduit l'introduction d'un nouveau projet : l'amnistie totale. Kessentini, le président de la Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l'homme, a donc expliqué, sans que l'on s'y intéresse vraiment, la nouvelle version 2.1 de l'Amnistie nationale prévoyant une Amnistie totale. par Kamel Daoud
Pour ceux qui savent que le régime national ne sait plus quoi faire de son troisième mandat depuis le troisième mandat, tout est clair : l'oisiveté est mère de tous les vices. Le régime national ne trouve rien à dire et il le dit par la bouche de Kessentini. Mais le plus intéressant n'est pas là. Il est dans la définition des missions du Président (de la RADP) par un autre Président (de la CCNPPDH). Jamais en effet la vision de l'Etat de Bouteflika n'a été aussi bien définie que lors de la sortie médiatique de Kessentini et c'est pour ça qu'il faut y revenir aujourd'hui.
En quatre lignes, tout a été dit que Belkhadem et les autres tentent de dire depuis trois mandats : l'Etat c'est Bouteflika, il n'a besoin de personne, l'Algérie est son projet, les Algériens sont ses ralentisseurs, le pays n'a besoin ni d'opposants ni de soutiens mais seulement de hocher la tête. A propos de cette amnistie qui concerne vos morts, vos vies, ceux qui vous tuent et ceux qui vous concernent, Kessentini a dit qu'elle «relève des seules prérogatives du président de la République», et donc pas de vous, vos pensées et vos avis. C'est vous qui êtes morts, survivants, égarés, opposés ou éplorés, mais «C'est lui l'initiateur de la réconciliation nationale et il lui appartient de terminer cette démarche», pas vous.
Kessentini a bien expliqué que la réconciliation nationale «a besoin d'un second souffle, voire de s'étendre à l'amnistie générale, mais à la condition que tous les terroristes encore en activité se rendent ensemble et en même temps, et que le peuple algérien soit de nouveau consulté par voie référendaire». Mais on comprend que ce n'est pas de votre souffle qu'il s'agit et que le référendum sera pareil au premier : vous y serez obligé de pardonner, sinon on vous ne le pardonnera pas.
Plus directe, et encore une fois, cette amnistie ne concerne pas ceux qui ont volé, tué hors du cadre du djihad, violé hors du cadre des raids nocturnes et ceux qui ont détourné pour financer une piscine et pas le maquis. Elle concerne des crimes politiquement moins graves : ceux qui ont tué au nom de Dieu et pas au nom de leur personne. Cette amnistie ne «doit concerner que le volet lié au terrorisme et non les personnes condamnées pour des délits de droit commun».
Pour la question des droits de l'homme, le même annonceur a expliqué qu'il s'agit d'une question de l'Etat et pas des hommes. «L'Etat, incarné par le président de la République, s'est délibérément déterminé à se protéger contre lui-même des abus et autres dépassements de toutes sortes susceptibles d'être perpétrés par l'administration et ses agents, de tous grades, au préjudice des citoyens». C'est-à-dire qu'il s'agit des droits et affaires de l'Etat sur les devoirs et les droits des hommes. Ce qui défendra vos droits contre l'Etat, c'est justement l'Etat et pas les mécanismes régulateurs universels comme les oppositions, les médias indépendants, les leaders, les objecteurs de conscience, les partis libres ou les militants engagés et les ONG. L'Etat n'en a pas besoin pour se défendre contre lui-même pour votre bien. L'Etat est, par vocation et par devoir, le défenseur «le plus efficient» des droits de l'homme, a-t-il ajouté.
On n'a donc jamais défini aussi brillamment le Bouteflikisme : un vrai acte solitaire qui n'a besoin de personne. Pas même de Kessentini.
Le Quotidien d'oran .
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