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Mohamed Boussadi, La Descente aux enfers

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  • Mohamed Boussadi, La Descente aux enfers

    Dans un style incisif et imagé, Mohamed Boussadi nous fait revivre les années postindépendance les plus sanglantes qu’ait connues l’Algérie. Il n’y a pas de dates qui situent les événements graves relatés dans le temps.

    La Descente aux enfers s’inspire, donc, même s’il y a une part de fiction comme dans tous les romans les plus réalistes, à la forme d’une chronique des années de braise, avec cette différence par rapport au film de Lakhdar Hamina qu’il s’agit de braises ardentes et insensées. La course au pouvoir en a été la cause. Une deuxième révolution, cette fois-ci islamique et vécue dans la douleur, s’est greffée à la première dans un pays qui, à peine sorti d’un sous-développement dans lequel l’ont plongé des occupants étrangers, se retrouve en état de régression à cause d’une guerre dont les camps ennemis sont des Algériens.

    Un roman incontestablement réaliste

    La Descente aux enfers, dont la majorité silencieuse est la principale victime, nous plonge dans les années noires quatre-vingt--dix à deux mille. Les personnages choisis sont largement représentatifs des acteurs qui ont fait les événements ayant entraîné dans la mort les plus démunis et sans défense.
    L’auteur a retracé avec la plus grande fidélité le processus qui a conduit aux attaques meurtrières : phase préparatoire au cours de laquelle on voit évoluer Salah, Nazih, Keltoum, Mériem, Khaled ; les élections démocratiques qui font triompher les antidémocrates d’un parti religieux largement majoritaire, l’annulation des élections, les arrestations, les discours, les affrontements armés entre Algériens et contre les civils. Une guerre dont on ne voit pas la fin, s’est déclenchée.

    Le peuple algérien de la Guerre de libération nationale et les vrais combattants de l’ALN et vrais moudjahidine, n’auraient jamais imaginé la situation dans laquelle a été plongée l’Algérie de 1992 à nos jours. La guerre qui s’éternise, change de stratégie. Aujourd’hui, il y a les faux barrages contre les civils, les embuscades, les bombes.

    Dans les années quatre-vingt-dix que nous ont fait revivre les personnages cités ci-dessus en jouant à la perfection leurs rôles d’acteurs, il y a eu les grosses bombes, les massacres et les assassinats des personnalités gênantes et les têtes pensantes.

    Le livre relate les scènes de violence à la Place des Martyrs qui a vu tomber d’autres martyrs de la nouvelle génération.

    Comme dans la réalité, beaucoup de jeunes sont des jusqu’aux boutistes purs et durs sous le couvert du Coran. Ils meurent et s’ils sont blessés, ils se font soigner pour recommencer.

    Les discours religieux des chouyoukhs, maîtres des mosquées et stades ont véhiculé une idéologie qui a charrié au passage des milliers de jeunes, devenus barbus pour la circonstance et prêts à tout. Mais, à cette histoire nationale grave, s’est greffée une histoire sentimentale, celle de Nazih-Keltoum qui s’aiment au point de penser sérieusement à un mariage.

    Nazih est, cependant, tiraillé entre le devoir de combattre et son avenir. Il a l’esprit rationnel et le cœur pur. D’ailleurs, il se garde de toucher Keltoum pour ne pas commettre de péché impardonnable. Contrairement aux islamistes extrémistes qui sèment la mort et la terreur, il doute de la justesse du djihad mené. Nazih est un jeune étudiant plein de sagesse qui a très tôt compris le sens du djihad en tant que guerre juste ou d’ijtihad qui est l’effort de réflexion ayant pour but d’aider les autres à mieux comprendre le monde, la vie, pour mieux surmonter les difficultés.

    Nazih comme Khaled n’arrive pas à comprendre les propos de Lounès Laâmech qui dit à chacun d’eux : «Tous ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous», ou «Tu épouses la version des communistes.».
    Le roman se termine par l’adhésion de Nazih à la cause des islamistes parce qu’il y a trouvé une thérapie à ses déceptions, voire à son état désespéré : il a perdu celles qu’il a aimées : Keltoum et sa mère.

    Que lui reste-il ? Sa sœur Meriem et son père qui ont essayé de le raisonner, mais en vain. Il s’est engagé pour le meilleur et pour le pire. Imaginez la suite.
    Bien écrit, ce livre rappelle ce qu’il y a de plus triste dans le vécu collectif à ceux qui ont oublié. Il a toute la structure d’une parfaite tragédie que nous souhaitons voir jouer sur la place publique lorsque les beaux jours reviendront.

    Elle donnera aux vivants l’envie de voir les drames antiques et le Cadavre encerclé de Kateb Yacine.


    Mohamed Boussadi, La Descente aux enfers, éd. Yamcom, Alger 2009, 190 pages

    Par la Nouvelle Republique
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