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Regard sur la santé publique en Algérie

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  • Regard sur la santé publique en Algérie

    Published on 03 octobre 2009 by Dr. Mustapha Bouziani - Prof de medecine in
    «Il faut tout un village pour élever un enfant et il faut tout un hôpital pour former un médecin» (adage ancien). L’état de santé d’un individu est le résultat de l’équilibre entre les interactions de son capital génétique ou facteurs intrinsèques (la prédisposition à certaines maladies) et de l’environnement dans lequel il évolue. Ces différents éléments sont en fait liés et agissent conjointement dans le déclenchement d’une altération de la santé. Ainsi, l’équilibre des forces qui déterminent l’état de santé d’un individu à un moment donné est de type dynamique.

    Mais, les hommes ont aussi une part de responsabilité individuelle et collective dans l’apparition des maladies. C’est l’homme qui génère les inégalités face à la souffrance et à la maladie. Par ailleurs, on se rend compte de plus en plus que les risques qui menacent la santé de l’homme et des collectivités sont dus beaucoup plus aux imperfections des structures sociales, des comportements et des modes de vie.

    La santé publique caractérisée jadis par des actions socio-sanitaires en faveur des populations défavorisées, est remplacée actuellement par des stratégies en faveur du développement harmonieux des populations, dans un environnement sain.

    Dans notre contexte, en Algérie, l’attitude et le comportement actuel des malades vis à vis des soins de santé publique diffèrent totalement du comportement adopté, il y a quelques décennies. En effet, les patients n’acceptent plus actuellement, avec la même résignation, les souffrances de la maladie et surtout, les inégalités face aux problèmes de santé publique. C’est cette problématique que nous voulons développer pour le lecteur et montrer si la santé publique s’adapte pour autant, à l’heure actuelle, à ces nouvelles exigences des malades dans notre pays.

    Les soins de santé publique en Algérie : quel développement ?

    Le trait dominant et global des soins de santé publique en Algérie a été caractérisé par un élan positif durant les années 70 et 80, puis une stagnation, qui a coïncidé avec la récession économique des années 1990. Auparavant, la Programmation sanitaire nationale, établie en 1968 a permis de dégager des priorités sanitaires nationales, comme par exemple la lutte contre les fléaux sociaux, et la mise en application de grandes actions de prévention (vaccinations et la lutte contre les malnutritions) grâces à des équipes médico-sanitaires mobiles (EMDASM).

    Par la suite, l’introduction de la gratuité des soins dès 1974, dans l’ensemble des structures de santé publique, aura pour conséquence, quelques années après, une forte amélioration d’accessibilité aux soins et une augmentation des besoins en soins de santé publique. Parallèlement, de nombreuses mesures d’accompagnement de type économique et social, mises en application à travers tout le pays, ont permis de relever le niveau de vie des populations urbaines en particulier, et d’améliorer l’accès aux soins et à la prévention des maladies infectieuses et infantiles. Ces actions sanitaires ont été progressivement intégrées dans les activités des soins de base.

    Mais dès la fin des années 1980, la santé publique restée à la charge exclusive des Structures sanitaires, n’était plus en mesure de répondre totalement à de la demande en soins des populations.

    Une médicalisation de tous les maux sociaux s’intensifie, et au fur et à mesure, les collectivités locales et les pouvoirs locaux abandonnent leurs prérogatives dans les domaines de la santé publique. Ce qui se traduit dès cette époque, par une insatisfaction des populations pour les besoins élémentaires : pénuries d’eau potable, absence d’assainissement, habitat insalubre…

    Tout cela, conduit nécessairement à des situations de dégradations des conditions de vie des populations, et à des situations d’endémicité des maladies hydriques et des épidémies meurtrières qui vont caractériser la situation épidémiologique des différentes wilayas du pays.

    La couverture sanitaire et médicale devient insuffisante et de moindre qualité, malgré une densité médicale élevée à l’époque. La réorganisation du système de santé à partir de 1988 a aboutit encore plus à des cloisonnements des structures sanitaires existantes, entre les structures universitaires (des CHU), non universitaires, publiques, parapubliques, privés.

    Cette réorganisation du système de santé a été élaborée sans objectifs de soins de santé publique. Les actions de santé publique de base deviennent ainsi au second plan, et sont sous-budgétisés, par rapport aux activités de spécialités dans les hôpitaux. Ces différentes étapes de dépréciation des soins de santé publique auront peu à peu un impact direct très négatif vis à vis du système de santé national. La crise de confiance des patients dans leur système de santé national, a atteint son apogée, par suite de la crise politique et socio-économique, qui affectera le pays à partir des années 1990. Elle affectera jusqu’à l’heure actuelle le pouvoir d’achat des citoyens, et a réduit de façon dramatique l’accès aux soins pour les populations les défavorisées.

    La santé publique, une gestion centralisée

    Les actions de santé publique, avec toutes leurs diversités et leur pluridisciplinarité, relèvent encore du seul Ministère de la santé et de la population, qui persiste dans une gestion très centralisée du système de santé, par des administrations centrales (exclusivement), notamment pour les affectations budgétaires, les nominations des personnels, la mise en place des programmes de santé …

    Les priorités de santé publique restent encore à ce jour “ dictées ” par le Ministère de la santé pour toutes les régions du pays, cela, quelles que soient leurs spécificités régionales. Cette gestion centralisée a des conséquences directes sur la productivité des personnels qui, ne se sentant pas consultés dans les prises de décisions en santé publique et exercent plutôt par « routine », avec peu d’engouement et de motivation. Il arrive par exemple, que des spécialistes chirurgiens envoyés, dans le cadre du service civil, n’exercent aucune activité dans leur spécialité, dans des établissements d’accueil du Sud du pays, faute de moyens d’accompagnement.

    L‘absence de valorisation des professionnels de la santé a eu par ailleurs, un impact direct sur leur stabilité et leur carrière. Les réformes du système de santé, n’ayant pas entraîné de valorisation de leur statut, ont obligé un grand nombre d’entre eux, en particulier les spécialistes, à quitter les hôpitaux, vers le privé, ou à émigrer en Europe par dépit. Certains, pour des motivations d’ordre financier, préférant exercer parfois même illégalement dans le secteur libéral, pour pouvoir garder un niveau de vie décent.

    La gestion de la santé publique sur le terrain reste inopérante. Les administrations sanitaires locales sont réduites à de simple relais, les mairies et les wilayas ignorent totalement leurs rôles dans la promotion de la santé publique et ne se sentent pas concernées par les actions de santé publique, jugées non prioritaires probablement. En amont, les autres Ministères à l’échelon périphérique ou central, ne sont nullement impliqués dans la promotion de la santé publique.

    A titre d’exemple, pour les graves épidémies meurtrières dues aux intoxications alimentaires par consommation de produits alimentaires frauduleux et dont ont été victimes plusieurs centaines de malades, durant ces dernières années, la responsabilité des élus locaux et des Directions de contrôle du Commerce n’a nullement été engagée.

    D’autres besoins socio-sanitaires latents, comme les maladies par manque d’hygiène, les pathologies civilisationnelles, les stress et les maladies sociales n’impliquent aucune stratégie concrète de prise en charge, par les Institutions concernées et les autorités locales. Par rapport aux besoins émergents, comme l’hostilité de l’environnement, la mal vie de l’adolescence, les phénomènes psychosomatiques et dépressifs (les nombreux cas de suicide), la sexualité et la toxicomanie, aucun programme de prévention n’est envisagé ni à l’échelon local ni au niveau des Ministères concernés. Pire encore, la généralisation des HLM dans les grandes villes du pays, et l’anarchie du logement social aggravent irrémédiablement ces phénomènes. Certaines Associations d’aide aux malades, tentent, non sans difficulté, d’apporter une aide humanitaire à certains patients démunis, sans plus.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Les actions de santé publique sur le terrain

    A partir des années 80, l’augmentation de la demande en soins, après l’avènement de la gratuité des soins a modifié nécessairement le volume, la structure et les objectifs des actions de santé de santé publique sur le terrain. Les programmes de santé nationaux très efficaces quelques années après leur application, ont connu peu à peu un essoufflement. En effet, les stratégies mises en place, dans le cadre de ses programmes de santé, sont restées figées pendant plus d’une décennie. Dix ans après leur lancement, les Programmes de santé sont restés centralisés, hiérarchisés, sous budgétisés et ne suscitant aucune motivation de la part des professionnels de la santé sur le terrain.

    Les méthodes d’évaluation des actions de santé publique sont restées depuis de nombreuses années à leur plus simple expression, sans pertinence et sans efficience et sans gestion comptable. L’évaluation des actions de santé publique sur le terrain est basée essentiellement sur le dénombrement de type administratif des activités et sur un système de surveillance épidémiologique passif orienté encore seulement vers les maladies dites à déclaration obligatoire.

    Les résultats de la sous-gestion de la santé publique, durant les dernières décennies, ont marqué de façon indélébile, notre système de santé national. Les résultats actuels sont en deçà des investissements engagés depuis des décennies, et l’ensemble des indicateurs sanitaires de morbidité sont en stagnation à l’heure actuelle. Certaines maladies ayant un impact direct en santé publique et très coûteux, ne bénéficient d’aucune stratégie de prévention et de prise en charge en santé publique, c’est le cas de plusieurs maladies chroniques et métaboliques comme l’hypertension artérielle, les coronaropathies, les cancers, les maladies mentales…


    Dans les Structures de soins du secteur public, la prise en charge des malades se caractérise par des discordances entre d’une part une offre de soins réduite parfois à sa plus simple expression, par manque de motivation et de moyens adéquats, et d’autre part, les besoins des usagers qui se multiplient et se développent rapidement, avec l’amélioration du niveau de vie. Ainsi, dans le domaine des analyses médicales et des explorations, certaines structures publiques sont devenues quasiment dépendantes des structures privées. Celles-ci monnaient lourdement des prestations qui ne vont bénéficier que d’un « remboursement dérisoire » de la part des Caisses de l’(in)sécurité sociale. Face à ce déséquilibre programmé, les relations soignants/soignés se fragilisent, et les malades se sentent de plus en plus, pris en otage.

    La santé publique : sans formation ni recherche

    La santé publique est restée en Algérie, une pratique et une expérience du terrain, mais qui s’est peu à peu dévalorisée. Contrairement à certains pays, qui ont ouvert le champ de la santé publique dans la plupart des Ecoles de Médecine, dans notre pays, la santé publique, en tant que discipline médicale spécialisée, n’est toujours pas enseignée, ni dans l’enseignement gradué, ni en post-graduation.

    Le médecin en formation, ne bénéficie que de quelques cours rudimentaires de santé publique, dans le module de Médecine sociale. La plupart des praticiens en fin de cursus, ignorent même l’existence de certains Programmes de santé publique.

    L’Institut National de Santé Publique d’Alger a perdu son caractère d’établissement de formation, et en l’absence de cadre institutionnel de formation, (hormis l’ENSP, pour les cadres gestionnaires), la santé publique est assimilée au secteur de soins dit non universitaire.

    On préconise l’appellation de professionnel de santé publique, par opposition aux personnels hospitalo-universitaires. Il s’agit en fait d’une carrière qui se caractérise pour les professionnels dits de santé publique, par une stagnation professionnelle définitive. Ainsi, les praticiens dits de santé publique n’ont aucune projection d’avenir, pour leur formation, ni aucune progression universitaire. D’ailleurs, les passerelles pour les praticiens exerçant dans les structures dites de santé publique, vers l’Université, n’existent pas.

    En 2004, il a été interdit, à l’Université d’Oran, à un médecin de santé publique exerçant dans un Bureau d’hygiène, de préparer un Magister en santé environnementale (sous prétexte d’une réglementation datant des années 70).

    Aucune tentative faite par ce médecin « de santé publique », auprès des tutelles locales et ministérielles, n’a aboutit.

    L’absence de pool universitaire dans les structures sanitaires dites de santé publique, fait que la préoccupation de recherche en santé n’est nullement envisagée dans ces structures, hormis certaines exceptions pour les équipes pluridisciplinaires constituées de façon informelle.

    La santé publique : de nombreux défis à relever

    La promotion de la santé publique dans notre pays doit passer nécessairement par une réforme de fond, qui doit relever de nombreux défis. Il s’agit d’abord de redéfinir les objectifs de la santé publique, à savoir des objectifs opérationnels, en terme de réduction de la morbidité, toutes pathologies confondues, par de larges mesures préventives d’abord.

    L’introduction de nouvelles visions dans la gestion des problèmes de santé publique, devient une nécessité urgente qui devra impliquer les différents acteurs de la société, les secteurs économiques (les entreprises et les assurances) et politique (les décideurs). Avec des plans communaux de développement, les élus locaux doivent être impliqués dans la gestion des problèmes de santé dans leur commune, et y répondre.

    Il est urgent de mettre en place d’une politique sanitaire basée sur des concepts modernes nouveaux de santé publique et sur une redéfinition des besoins en santé qui introduit la notion de bien être social, avec un élargissement de la notion de prévention aux autres phénomènes de santé et aux autres secteurs d’activités.

    La modernisation des services de santé, avec une recherche de l’efficacité est un des défis à relever. Elle devra s’accompagner de programmes de formation obligatoire et de réévaluation des conditions d’exercices des professionnels de la santé.

    En définitive

    Les nouveaux enjeux pour la promotion de la santé publique dans notre pays, impliquent l’urgence d’une réforme des objectifs du système de santé en général. Une réforme qui doit échapper à la centralisation et aux monopoles de la décision, qui devra permettre d’améliorer l’efficacité des soins sur le terrain et une réhabilitation organisationnelle, fonctionnelle et dynamique des structures de soins, tous secteurs confondus.

    La santé publique doit rejoindre l’Université et doit être guidée par la revalorisation de la Science et des connaissances médico-sanitaires, au profit de toute la population et des malades en particulier. Ne dit-on pas que la puissance et le degré de civilisation d’une société se mesure aux connaissances qu’elle met à la disposition de ses membres les plus fragiles !

    Mustapha Bouziani, Professeur à la faculté de Médecine d’Oran

    Références :

    A. Ouchfoun – Réflexions sur la formation en santé publique – Santé publique et Sciences sociales N° 4 – décembre 1999

    A. Khiat : La démarche en soins infirmiers en Algérie – Santé publique et Sciences sociales N° 2 – décembre 1998M.

    M. Bouziani : Les concepts de la santé, état des lieux – Séminaire national : Sciences sociales et santé – ITSP – Oran – décembre 1997

    M. Mebtoul, M. Bouziani : Une Médecine sans malade – Séminaire national : Sciences sociales et santé – ITSP – Oran – décembre 1997
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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