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Comment vendre des enfants en Algérie

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    Comment vendre des enfants en Algérie
    par Kamel Daoud
    On a répété qu'en Algérie tout se vend et, mieux encore, tout «s'achète». Il y a donc pire: tout se loue. On peut donc louer un diplôme de pharmacien pour vendre des médicaments alors qu'on n'est pas pharmacien. On peut louer ou acheter un agrément de publication pour éditer un journal alors qu'on est vendeur de plastique ou imam converti en tireur de penalty. On peut même être un vrai chauffeur de taxi louant une licence de taxi à un ancien moudjahid qui n'est pas chauffeur de taxi, paradoxalement. On peut louer une voiture, une robe de mariée, un appartement. On peut louer une «licence» de café maure, un passeport si le loueur vous ressemble un peu et on peut louer une benne-tasseuse, une pioche, un bras, un registre de commerce ou un compte bancaire «devises» gonflé pour obtenir un visa.

    Certains louent même leur arme de service mais ils sont rares et vont être arrêtés. D'autres louent aussi leur licence d'ancien moudjahid sans se sentir gênés par le sens historique morbide et honteux de la chose. Fort heureusement, les Algériens ont encore une liste de choses ou de personnes qu'on ne peut pas louer : on ne loue pas ses sous-vêtements, ni le dentier, ni sa propre femme, ni son fusil de chasse, entre autres.

    La morale nationale est-elle sauve ? Non. Lu hier dans le journal par une lectrice indignée par tant d'immoralisme: «Loue diplôme d'éducatrice d'enfants». Il s'agit donc d'une femme qui a été formée pour éduquer vos enfants et qui donc est autorisée à le faire et à qui vous devez faire confiance en lui laissant la charge de vos enfants parce que l'Etat ou l'institut qui lui a délivré ce diplôme s'en porte garant. Que fait cette femme alors ? Elle fait ce que font beaucoup de gens: elle loue son diplôme à des gens qui ne sont pas formés ni autorisés à garder vos enfants et à qui vous allez laisser vos enfants sans savoir qu'il ne s'agit pas d'elle mais d'un «doubleur».

    Sur la devanture de cette boucherie pédagogique, vous n'avez aucune possibilité de vérifier s'il s'agit de l'éducatrice ou de son client puisque la devanture portera l'enseigne de «crèche». On aurait donc pu se taire s'il s'agissait de nos cheveux (coiffeuse), de nos ongles (esthéticienne) ou de nos vêtements ; mais là il s'agit de nos enfants. Parler donc d'immoralisme ne suffit pas. Sur l'échelle de la culpabilité, cet exercice de rente équivaut au trafic d'organes et à la traite d'esclaves. Il n'y a pas mieux pour qualifier ce crime.

    Les Algériens sont passés maîtres dans ce métier de la rente (se former pour vendre le diplôme de la formation et pas pour exercer). On s'imagine même ce pays, avec ce commerce poussé à l'extrême: un homme est élu et il loue son poste à un autre, un ingénieur est formé et gagne mieux lorsqu'il vend sa licence que lorsqu'il travaille.

    A la fin de la tendance, on se retrouverait avec un pays bizarroïde où tous ceux qui font quelque chose n'ont pas été formés pour le faire mais louent le diplôme qui le leur permettrait en toute légalité; et tout ceux qui ne font rien ont été formés pour faire quelque chose mais préfèrent vendre et louer leurs titres et gagner leur vie avec une retraite qui commence le premier jour de leur recrutement, qui n'aura jamais lieu.

    Va-t-on louer un jour des enfants à des loueurs de diplômes d'éducatrice d'enfants, pour que tout le monde gagne sa vie ? Pourquoi pas. Selon un président occidental, lorsqu'on dépasse les bornes, il n'y a plus de limites.

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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