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Une diaspora qui recolle les morceaux cassés d’une identité

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  • Une diaspora qui recolle les morceaux cassés d’une identité

    Même si les stades ont généralement mauvaise réputation, ne gâtons pas, pour une fois, le plaisir qu’ils procurent. Certes ils furent parfois des sanctuaires pour le crime politique organisé et des chapelles où se tenaient les immenses messes du fascisme ; cependant, ils demeurent, dans l’imaginaire universel, le synonyme de l’exaltation juvénile. L’espace clos où les communautés rivalisent à travers le ludisme sportif. Leur dictature médiatique est aujourd’hui telle qu’elle en devient douce et aimable aux yeux du plus grand nombre.

    Et c’est notamment au roi-football qu’est due la révérence la plus bruyante. Une allégeance populaire qui n’a rien de comparable dans la mesure où elle est la seule qui soit en mesure de voler au secours d’une identité meurtrie.

    Pour cette raison, au moins, les Algériens, coltinant leur pays comme un fardeau, seraient les patients les mieux disposés à recevoir cette thérapie de substitution.

    En attendant ce dimanche de grande communion, portant en lui un parfum de dignité retrouvée, laissons donc de côté les sujets politiques qui ne fâchent que nos piètres gouvernants.

    Rengainons les couteaux de la polémique habituelle juste pour faire l’éloge de cette espérance suspendue aux talents de onze jeunes hommes. Même si l’on rétorquera, à juste raison d’ailleurs, que l’on justifie courtement cette trêve de la critique du pays réel, il est toujours possible d’en convaincre les plus irascibles.

    Pour cela ne suffit-il pas d’évoquer, à leur intention et avec humeur, ce petit reliquat de pathos patriotique que nous gardons tous au fond de nous-mêmes ? Savoir de temps à autre parler avec lyrisme et même emphase de la passion que nous portons pour la nation imaginée n’est-ce pas dénier à ceux qui, quotidiennement, en font commerce politique, l’exclusivité à son attachement ? Eh ! bien oui, cette trêve du 11 octobre est arrivée à point nommé pour leur signifier qu’ils ne sont d’aucune manière à l’origine de l’engouement des foules. Bien au contraire, si les petites gens dans leur immense solitude vont suivre et applaudir ces garçons en «vert», c’est parce qu’elles ont renoncé à croire à ces porte-drapeaux usurpateurs. Leur préférant les tisserands des oriflammes des stades, elles seront seules, sans partage et sans mots d’ordre démagogiques, à défiler dans les rues après que le succès eut été paraphé à partir de Blida. Il n’y a rien qui doit étonner dans «l’ingratitude» programmée des foules.

    Désabusées depuis longtemps, elles savent bien que ces podiums sportifs ne doivent rien à la bonne administration du pays.

    Dans cet Etat de l’approximation et des improvisations criminelles, le football national porte les mêmes stigmates que le reste. Or tout ce qui nous vaut de satisfactions dans ce domaine nous vient d’ailleurs.

    Une magique diaspora d’Algériens de seconde et troisième génération qu’un certain Saâdane rameuta opportunément afin d’en finir avec le cycle infernal des humiliations sportives. Ces goldenboys, révélés en l’espace de quelques mois ont non seulement réussi à résoudre tous les problèmes sur le terrain mais également fait montre d’un tel caractère et d’un attachement surprenant au pays de leurs parents qu’il est désormais indécent de douter — comme certains ont osé le dire — de leur engagement nationaliste. Un esprit de corps avec le public qui évacue les critiques sur le sujet. Ce sera, par conséquent, grâce à eux que l’Algérie du sport va retrouver une visibilité internationale.

    L’Afrique du Sud est, pour ces garçons venus d’autres contrées, à une coudée. Ce que nous avons vu d’eux depuis les trois derniers matches a fini par convaincre les plus sceptiques. Cette furie qu’ils mettent à gagner et la manière d’y parvenir est exemplaire. Parfaitement !

    Ces purs produits de l’émigration ont du talent et un savoir-faire collectif qui fait déjà parler d’eux dans les mêmes termes élogieux que ceux de 1982. Désormais, il sera vain de s’appesantir sur leur trajectoire individuelle. Le peuple du football, les suivant à la loupe grâce à la télévision, s’est forgé une compétence d’analyse valant bien mieux que celle des esprits chagrins aveuglés par l’esprit de clocher jusqu’à vouloir remettre en cause le choix de certains. Un épisode de plus dans la «culture» nationale du complot dont, cette fois, l’on aurait aimé s’en passer.

    Il est vrai qu’en ces temps déraisonnables, vouloir réanimer la flamme sportive dans le pays apparaît comme une provocation vis-à-vis de ceux qui n’ont rien su faire de leurs responsabilités pour développer l’éducation physique et sportive. Or ce dimanche, quelques garçons, en habits de lumière, s’efforceront de nous réconcilier avec les accents glorieux que nous avions connus il y a un quart de siècle. Ils effaceront ainsi, le temps d’un match, la morosité d’un pays dans la grisaille et ressusciteront pour notre plaisir de grands instants que l’on pensait à jamais effacés.

    Dans l’après-midi de dimanche, il sera possible de renouer avec la joie et l’émotion d’être profondément de ce pays et surtout fiers de ceux qui le représentent dans ce domaine — même s’ils ne sont qu’occasionnellement parmi nous. Il suffira d’un autre succès pour se remettre à croire en des lendemains qui chantent.

    Non, le football n’est pas l’opium de ce peuple, il est sa revanche sur le mépris auquel il a été réduit. Une foule qui occupe la rue après un triomphe sportif n’est dangereuse que pour ceux qui ne peuvent tirer des dividendes politiques.

    Une diaspora qui parvient à recoller les morceaux cassés d’une identité n’est alors la bienvenue que du bout des lèvres. D’ici à ce qu’elle soit qualifiée d’armada de «mercenaires », certains n’hésiteront pas à le faire pour cacher une insigne incompétence mise à nu par la leçon magistrale des bienfaits de la formation !

    Par Boubakeur Hamidechi, Le Soir
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