Malgré les allégations plus que catégoriques du ministre des Affaires religieuses qui assurait récemment que la pauvreté n’existe pas en Algérie, la réalité est toute autre.
A Bouira
Sur le marché hebdomadaire de Bouira, juste avant sa délocalisation la semaine dernière, il nous avait été donné de constater un phénomène des plus étranges. La vente de carcasse de dinde était devenue un commerce plus que florissant. En interrogeant les différents marchands de dindes, ces derniers avaient été unanimes à déclarer que ce créneau était tout nouveau. “Auparavant, nous jetions systématiquement les carcasses de dindes sur lesquelles nous avions prélevé toute la chaire. Mais depuis le début de l’année, et surtout durant le mois du ramadan, ces carcasses étaient récupérées par des jeunes qui les revendaient à raison de 50 dinars l’unité. De ce fait, nous les revendions nous-mêmes pour des prix plus accessibles entre 20 ou 30 dinars la carcasse”. Ces tas d’os ont été bel et bien vendus à 50 dinars l’unité et d’après les personnes interrogées, qui assumaient ou pas cet achat, les réponses variaient, mais celle qui revenait le plus souvent était : “C’est pour donner plus de goût à la chorba”. Toujours sur ce même marché, il n’était pas anodin de voir des femmes et des enfants en bas âge récupérer les fruits et légumes avariés jetés par les commerçants.
Un bien triste constat qui contredit toutes les belles paroles de certains hauts responsables dont le discours est aux antipodes de la réalité.
A Bouira, comme dans le reste de l’Algérie, la précarité et la pauvreté sont palpables à chaque coin de rue et même dans les villages les plus reculés. Pourtant, cette année, et si l’on s’en tient uniquement aux statistiques établies par la direction de l’action sociale de Bouira, seulement 20 764 personnes ont été répertoriées comme étant nécessiteuses. Un terme qui demeure vague dans l’absolu, car ces familles ont été recensées comme ne bénéficiant d’aucun revenu.
Que dire alors d’un père de famille ayant à sa charge femme et enfants et qui doit subvenir à leurs besoins en ayant qu’un maigre salaire ? Peut-il être considéré comme nécessiteux ? Non, d’après M. Gacem, directeur de l’action sociale de Bouira qui demeure affirmatif. “Seules les familles sans aucun revenu déclaré sont considérées comme nécessiteuses”. Un critère qui laisse perplexe lorsqu’on sait que plusieurs familles ne bénéficiant pas de revenus fixes et n’étant pas déclarées aux assurances jouissent d’une certaine aisance budgétaire émanant de rentes agricoles non négligeables.
Ainsi, entre une famille composée de 8 membres disposant d’un salaire atteignant le Smig et une autre aussi nombreuse mais dont les revenus financiers émaneraient de l’agriculture ou du commerce informel, les services de la DAS recensent automatiquement la famille ne disposant d’aucun revenu justifié ni déclaré, comme étant nécessiteuse.
Une aberration qui devrait être rapidement rectifiée par le département de Djamel Oued Abbès pour éviter tout quiproquo. Cet astigmatisme se remarque d’ailleurs à chaque rentrée scolaire lors de l’attribution de la prime de solidarité de 3 000 DA par élève lorsque des pères de familles nombreuses se voient refuser cette allocation car percevant un salaire de misère avoisinant les 12 000 DA.
Pour toute cette frange de la population, la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté est un anniversaire qui se “commémore” malheureusement chaque jour.
A Béjaïa
La pauvreté fait polémique autant chez la population qu’auprès des représentants du pouvoir. Le ministre des Affaires religieuses a récemment déployé une énergie sans pareille pour réfuter l’existence même de la pauvreté en Algérie. Le gouvernement sait que le phénomène constitue une illustration en soi de l’échec de sa politique sociale et de son incapacité à transformer les revenus de la rente pétrolière en bien-être social.
Pour des raisons différentes, le simple quidam, irrité par l’étendue des sollicitations, se rit de la pauvreté qui tiendrait à se transformer en un corps de métier de plus en plus raffiné. Quémander serait tout bêtement le nouveau gagne-pain des fainéants. Une manière comme une autre sans doute de se donner bonne conscience face à l’irruption en force des demandeurs d’aumône. Des discours à l’emporte-pièce facilités par une sécheresse statistique sans nul doute entretenue.
C’est par effraction que la vérité des chiffres s’impose et singulièrement à l’occasion du mois du ramadan. Là où le pouvoir veut faire une opération de grand seigneur, il est loisible de lire l’étendue de la paupérisation de vastes pans de la société.
Dans la wilaya de Béjaïa, pas moins de 16 089 familles ont été inscrites au panier de la solidarité lors du dernier mois sacré. L’hypothèse de sept membres par famille nous amène à une tranche de population de 112 000 personnes dans une wilaya de près d’un million d’habitants soit près de 12% de nécessiteux. Rompant toute inhibition morale, cette masse considérable de gens n’hésite pas à se déclarer indigente et à quémander la charité. Un chiffre qu’il faut sans doute revoir à la hausse à l’aune d’une tradition sociale qui considère l’indigence comme une situation qu’il ne convient pas de trop exhiber.
D’aucuns estiment, d’autre part, qu’il faut comptabiliser certaines catégories de salariés dans la case des pauvres. La réalité des salaires est telle que beaucoup, de l’enseignant au postier, doivent s’adonner à de petits boulots pour joindre les deux bouts avec tout ce que cela suppose de dévoiement pour le prestige de ces métiers.
La flambée des prix de produits de première nécessité et la cherté de la vie, aggravées par l’absence d’un système social efficace, jettent des catégories salariales entières dans la pauvreté.
A Bouira
Sur le marché hebdomadaire de Bouira, juste avant sa délocalisation la semaine dernière, il nous avait été donné de constater un phénomène des plus étranges. La vente de carcasse de dinde était devenue un commerce plus que florissant. En interrogeant les différents marchands de dindes, ces derniers avaient été unanimes à déclarer que ce créneau était tout nouveau. “Auparavant, nous jetions systématiquement les carcasses de dindes sur lesquelles nous avions prélevé toute la chaire. Mais depuis le début de l’année, et surtout durant le mois du ramadan, ces carcasses étaient récupérées par des jeunes qui les revendaient à raison de 50 dinars l’unité. De ce fait, nous les revendions nous-mêmes pour des prix plus accessibles entre 20 ou 30 dinars la carcasse”. Ces tas d’os ont été bel et bien vendus à 50 dinars l’unité et d’après les personnes interrogées, qui assumaient ou pas cet achat, les réponses variaient, mais celle qui revenait le plus souvent était : “C’est pour donner plus de goût à la chorba”. Toujours sur ce même marché, il n’était pas anodin de voir des femmes et des enfants en bas âge récupérer les fruits et légumes avariés jetés par les commerçants.
Un bien triste constat qui contredit toutes les belles paroles de certains hauts responsables dont le discours est aux antipodes de la réalité.
A Bouira, comme dans le reste de l’Algérie, la précarité et la pauvreté sont palpables à chaque coin de rue et même dans les villages les plus reculés. Pourtant, cette année, et si l’on s’en tient uniquement aux statistiques établies par la direction de l’action sociale de Bouira, seulement 20 764 personnes ont été répertoriées comme étant nécessiteuses. Un terme qui demeure vague dans l’absolu, car ces familles ont été recensées comme ne bénéficiant d’aucun revenu.
Que dire alors d’un père de famille ayant à sa charge femme et enfants et qui doit subvenir à leurs besoins en ayant qu’un maigre salaire ? Peut-il être considéré comme nécessiteux ? Non, d’après M. Gacem, directeur de l’action sociale de Bouira qui demeure affirmatif. “Seules les familles sans aucun revenu déclaré sont considérées comme nécessiteuses”. Un critère qui laisse perplexe lorsqu’on sait que plusieurs familles ne bénéficiant pas de revenus fixes et n’étant pas déclarées aux assurances jouissent d’une certaine aisance budgétaire émanant de rentes agricoles non négligeables.
Ainsi, entre une famille composée de 8 membres disposant d’un salaire atteignant le Smig et une autre aussi nombreuse mais dont les revenus financiers émaneraient de l’agriculture ou du commerce informel, les services de la DAS recensent automatiquement la famille ne disposant d’aucun revenu justifié ni déclaré, comme étant nécessiteuse.
Une aberration qui devrait être rapidement rectifiée par le département de Djamel Oued Abbès pour éviter tout quiproquo. Cet astigmatisme se remarque d’ailleurs à chaque rentrée scolaire lors de l’attribution de la prime de solidarité de 3 000 DA par élève lorsque des pères de familles nombreuses se voient refuser cette allocation car percevant un salaire de misère avoisinant les 12 000 DA.
Pour toute cette frange de la population, la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté est un anniversaire qui se “commémore” malheureusement chaque jour.
A Béjaïa
La pauvreté fait polémique autant chez la population qu’auprès des représentants du pouvoir. Le ministre des Affaires religieuses a récemment déployé une énergie sans pareille pour réfuter l’existence même de la pauvreté en Algérie. Le gouvernement sait que le phénomène constitue une illustration en soi de l’échec de sa politique sociale et de son incapacité à transformer les revenus de la rente pétrolière en bien-être social.
Pour des raisons différentes, le simple quidam, irrité par l’étendue des sollicitations, se rit de la pauvreté qui tiendrait à se transformer en un corps de métier de plus en plus raffiné. Quémander serait tout bêtement le nouveau gagne-pain des fainéants. Une manière comme une autre sans doute de se donner bonne conscience face à l’irruption en force des demandeurs d’aumône. Des discours à l’emporte-pièce facilités par une sécheresse statistique sans nul doute entretenue.
C’est par effraction que la vérité des chiffres s’impose et singulièrement à l’occasion du mois du ramadan. Là où le pouvoir veut faire une opération de grand seigneur, il est loisible de lire l’étendue de la paupérisation de vastes pans de la société.
Dans la wilaya de Béjaïa, pas moins de 16 089 familles ont été inscrites au panier de la solidarité lors du dernier mois sacré. L’hypothèse de sept membres par famille nous amène à une tranche de population de 112 000 personnes dans une wilaya de près d’un million d’habitants soit près de 12% de nécessiteux. Rompant toute inhibition morale, cette masse considérable de gens n’hésite pas à se déclarer indigente et à quémander la charité. Un chiffre qu’il faut sans doute revoir à la hausse à l’aune d’une tradition sociale qui considère l’indigence comme une situation qu’il ne convient pas de trop exhiber.
D’aucuns estiment, d’autre part, qu’il faut comptabiliser certaines catégories de salariés dans la case des pauvres. La réalité des salaires est telle que beaucoup, de l’enseignant au postier, doivent s’adonner à de petits boulots pour joindre les deux bouts avec tout ce que cela suppose de dévoiement pour le prestige de ces métiers.
La flambée des prix de produits de première nécessité et la cherté de la vie, aggravées par l’absence d’un système social efficace, jettent des catégories salariales entières dans la pauvreté.
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