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L'ouvrage collectif “Islam et identité nationale”

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    L'ouvrage collectif “Islam et identité nationale”

    Par : NOUREDDINE TOUALBI-THAÂLIBI (*)

    Islam et Identité nationale est le titre d’un livre récemment paru chez l’Harmattan à la demande de l’association française Islam et laïcité. Cet ouvrage collectif, dont les textes ont été rassemblés par Louis Weber, comprend une douzaine de contributions d’auteurs réputés être des spécialistes des questions identitaires, en particulier celles liées à la notion d’identité nationale saisie à travers des contextes socioculturels différents.
    Le livre prend prétexte de la création récente en France d’un “ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire” pour protester contre la tentation des autorités françaises de cristalliser les angoisses collectives autour d’un faux débat lié à la sécurité et à son corollaire supposé, les dangers de l’immigration.
    Par ce livre, y est-il écrit en quatrième de couverture, l’association Islam et Laïcité entend manifester son désaccord profond avec une telle approche, historiquement erronée et totalement étrangère à ce qu’est aujourd’hui la nation française dans sa diversité. Et apporter ainsi sa contribution au renouvellement de la réflexion sur les conditions du “vivre ensemble” en France. Plusieurs problématiques d’actualité cuisante fondent l’économie de ce travail collectif : les conditions historiques de l’émergence de l’identité française, les voies de dépassement du poids des héritages coloniaux et post-coloniaux, la difficulté grandissante de la société française à admettre la place de l’Islam et des musulmans et beaucoup d’autres sujets qui mettent en garde contre les dangers de tous les barricadements identitaires et des stratégies politiques de stigmatisation de la différence. Concernant mon propre texte dans ce livre, celui-ci interroge plus volontiers la notion d’identité nationale dans un contexte post-colonial.
    J’y reviens naturellement dans le cas de l’Algérie dont les populations urbaines notamment étaient, au lendemain de l’Indépendance nationale, fortement saturées par ce que je nomme des “facteurs acculturatifs” résultant de la longue présence coloniale dans le pays. L’incidence psychologique de ces facteurs sera telle que la majorité des acteurs politiques de l’Algérie indépendante fut de tout temps partagée entre deux impératifs simultanément vécus : celui, d’une part, d’assurer rapidement le développement économique de la société par l’emprunt à l’ancienne puissance coloniale de ses modèles culturels et technologiques et par l’obligation de construire, d’autre part, une identité nationale conçue sur un modèle ontologique, c’est-à-dire sur les valeurs sacralisées de la tradition culturelle et religieuse. Je considère donc que c’est cette ambivalence originelle qui allait être constitutive de l’indétermination permanente de l’élite politique algérienne à concevoir un projet de société clair et cohérent, un projet résolument intégratif des catégories de la modernité intellectuelle et sociale. L’option ou plutôt “l’obsession authenticitaire” dont étaient particulièrement férus les premiers dirigeants algériens avait sans aucun doute un certain rapport avec le grave déficit de légitimité démocratique qui caractérisait leur gestion des affaires publiques.
    Quoi qu’il en fut, il me semble que c’est à partir de ce sentiment, par ailleurs jamais avoué, que les orientations politiques à caractère plutôt syncrétique, les choix stratégiques de société ou même l’organisation des missions de l’école algérienne, allaient être constamment marqués par les traces et résurgences de cette ambivalence structurelle. L’enjeu de l’équation pour un pays alors exsangue n’était-il pas de réaliser une synthèse finalement impossible entre tradition et modernité ? Aujourd’hui encore n’est-ce pas pour n’avoir pas à sacrifier à la représentation traditionnelle de la société que le gouvernement – pressé par ailleurs de réaliser de meilleures performances économiques – vient, malencontreusement, d’opter pour un repos hebdomadaire situé à mi-chemin du sacré et du profane ? Or, c’est précisément cet “entre-deux culturel” que traduit parfaitement le choix de mots officiels tel que celui ambigu de “semi-universel” qui semble avoir été, inconsciemment, érigé en modalité psychologique de gouvernance. Toutes ces combinaisons trahissent, à n’en pas douter, la persistance de l’ambivalence. Mais elles expliquent surtout une bonne part de l’immobilisme d’une société qui, bien que se trouvant à l’aune d’un nouveau siècle dont tout indique qu’il risque d’être ravageur pour les nations faibles, ne parvient toujours pas à sortir de sa léthargie pour se projeter dans le lointain. On pourrait même ajouter qu’en termes de représentation politique, l’Algérie contemporaine se situe exactement au beau milieu de ce chemin circulaire – et forcément fermé – dont parlait déjà Mostefa Lacheraf dans son livre L’Algérie, nation et société ( Maspéro, 1965). Encore me fallait-il insister, dans mon texte, sur la responsabilité de la puissance coloniale quant à l’origine et à la persistance de ce stigmate psychologique – l’ambivalence – dans le système de représentation culturel collectif. Sans aller jusqu’à concevoir celui-ci comme la conséquence d’un “génocide identitaire” – ainsi que devait le déclarer en son temps le chef de l’État algérien lui-même –, je me suis tout de même posé la question de savoir si son héritage de l’acculturation française ne constitue pas une violence pérenne – même si dans ce cas symbolique – involontairement imposée au peuple algérien ?
    Aussi me suis-je autorisé, en fin d’écriture, cette réflexion un peu provocatrice : “Puisqu’on en est aujourd’hui à psalmodier, comme dans une litanie religieuse, le devoir de mémoire, n’est-il pas venu le temps où l’écriture de l’histoire de la colonisation française en Algérie gagnerait aussi à prendre en compte l’analyse méthodologique de ce qu’il convient de nommer les résidus psychologiques de la colonisation ? Autre contentieux s’il en fut dans les relations déjà bien tumultueuses entre l’Algérie et la France.” (2009, p. 96). Ne voilà-il pas, pour terminer, un nouvel objet d’épistémologie pouvant, accessoirement, consacrer la fonction de la variable psychologique dans la recherche historique ?
    N. T.
    (*) Ancien recteur de l’université d’Alger
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