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La Norvège légifère pour imposer les femmes dans les CA

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  • La Norvège légifère pour imposer les femmes dans les CA

    Considéré comme étant l'un des pays les plus égalitaires de la planète, la Norvège entend accélérer le processus en adoptant une loi qui impose aux conseils d'administration des entreprises d'avoir au moins 40% de femmes.

    Une petite minorité s'y oppose, mais le train est en marche et les entreprises qui refuseront d'appliquer la loi payeront des fortes amendes et risque le démantèlement.

    Constat accablant pour les croyants du monde entier : les pays nordiques, les moins religieux de la planète, sont les champions de l'égalité entre les deux sexes!

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    En Norvège, des femmes de tête ou le bâton

    Après plusieurs ultimatums, le gouvernement norvégien a décidé de mettre ses menaces à exécution. Depuis hier, seules les entreprises disposant d'un conseil d'administration (CA) composé d'au moins 40 % de femmes pourront s'inscrire au registre des sociétés anonymes. Les 504 compagnies qui y sont déjà listées auront deux ans pour se mettre en règle, avant d'être passibles de sanctions qui pourront aller jusqu'au démantèlement de l'entreprise. «Nous espérons ne pas en arriver là, car ce serait embarrassant pour les patrons qui refuseraient d'utiliser les compétences à leur disposition», précise Arni Hole, directrice générale au ministère de la Famille, à Oslo. Environ 600 administratrices devront être recrutées.

    En décembre 2003, la Norvège a été le premier pays au monde à adopter une telle législation. Le texte, proposé par le gouvernement libéral de l'époque, a été voté par une large majorité des députés. Mais si les compagnies publiques ont été soumises à la loi dès le 1er janvier 2004, son application a été retardée pour le privé. «Puisque les patrons promettaient depuis dix ans au moins de diversifier leurs conseils d'administration, nous leur avons donné deux ans», explique Laila Dåløy. Ministre démocrate-chrétienne de la Famille jusqu'en octobre 2005, elle est à l'origine du projet de loi concocté avec son collègue conservateur de l'Industrie, Ansgar Gabrielsen.

    Quotas. Deux ans plus tard, «la menace a porté ses fruits», observe la sociologue Marit Hoel, directrice du Centre pour la diversité en entreprise. Si les Norvégiennes ne comptaient que pour 7,3 % des membres des CA des sociétés anonymes en juillet 2003, elles représentent aujourd'hui 17,2 % des administrateurs de ces comités très fermés. Un progrès, certes, mais les entreprises publiques ont fait beaucoup mieux, avec 45,7 % de femmes au sein de leurs CA. Pour Laila Dåløy, «c'est bien la preuve qu'avec un peu de volonté on peut faire changer les choses». Mais selon elle, les quotas restent «nécessaires afin que les patrons commencent à puiser dans l'énorme réservoir de compétences que constituent les femmes».

    Début décembre, Karita Bekkemellem, sa successeure travailliste au ministère de la Famille, a annoncé que la loi entrerait en vigueur le 1er janvier 2006. «Il n'y a plus de retour en arrière possible, déclare-t-elle. C'est une question de partage de pouvoir et d'influence.» Contrairement aux intentions du gouvernement libéral, qui prévoyait de démanteler les compagnies récalcitrantes, Karita Bekkemellem envisage des exceptions, pour «limiter les effets économiques et sociaux» suivant la fermeture d'une entreprise.

    Amendes. Certaines sociétés ont déjà fait savoir qu'elles étaient prêtes à payer de lourdes amendes plutôt que de se soumettre. Mais Arni Hole n'est pas convaincue : «Environ la moitié des thésards et 60 % des étudiants dans nos écoles et universités sont des femmes.» Ne pas en profiter ne serait pas seulement «contre-productif». Ce serait aussi se soumettre à l'opprobre général, dans un pays considéré comme l'un des plus égalitaires au monde. Or, si le droit norvégien fixe déjà une dizaine de conditions à la formation d'un CA, «aucune entreprise n'a jamais refusé de respecter la loi au risque d'être démantelée», remarque Arni Hole.

    A Oslo, l'organisation patronale NHO compte 16 000 adhérents. Opposée aux quotas, Sigrun Vågeng, la directrice de la politique de l'emploi, estime qu'«un candidat devrait être recruté pour ses compétences et non parce qu'il est un homme ou une femme». Elle se prépare néanmoins à l'entrée en vigueur de la loi. En 2003, NHO a mis en place un programme, Female Future, destiné à former de potentielles administratrices. Plus de 300 CV de Norvégiennes ont déjà été regroupés dans une base de données à destination des patrons. Un quart d'entre elles ont été recrutées, depuis, pour siéger dans des CA. Katherine Støvring, 40 ans, attend toujours. Diplômée en droit et en économie, cette directrice de la compagnie pétrolière Statoil, rodée à l'international, est confiante : «Peu importe que je sois recrutée à cause des quotas ou non, je sais que je suis aussi qualifiée que mes collègues masculins.» Pense-t-elle qu'une loi était nécessaire ? «Non, mais alors il aurait fallu attendre cinquante ans avant que la parité devienne une réalité dans les entreprises privées», affirme-t-elle.

    Par Libération
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