Après le timide virage des réformes économiques entamées au lendemain des évènements d’octobre 1988, l’Algérie a connu la chute aux enfers du terrorisme islamiste, période pendant laquelle fut négocié l’accord de rééchelonnement de la dette extérieure et mis en place le plan d’ajustement structurel dicté par le Fonds monétaire international en tant que conditionnalité de la procédure de rééchelonnement. À partir de 1999, et à la faveur d’exceptionnelles rentrées en devises dues à l’envolée historique du prix des hydrocarbures, le gouvernement mit en place deux plans successifs d’investissements publics.
Sur le plan de la performance économique basée sur la création d’entreprises, l’esprit de la libre concurrence, l’accroissement constant des postes d’emploi et le développement humain, l’Algérie semble marquer le pas. La mono-exportation pétrolière a installé des réflexes et des tares qu’il est difficile d’évacuer.
En effet, lorsque des responsables en arrivent à penser qu’il est préférable d’acheter des produits de l’étranger, puisque l’argent existe, que de le fabriquer localement (même si toutes les conditions sont réunies pour ce faire), le sommet de l’inconséquence et de l’hérésie économique sont vite atteints. Des actes de sabotages ont été fomentés et des procédures bureaucratiques montées de toutes pièces pour dissuader certains investissements privés (nationaux ou étrangers). D’autres capitaines d’industrie ont dû régler rubis sur l’ongle des commissions à de hauts personnages de l’administration pour pouvoir installer leurs investissements.
C’est, pour beaucoup d’analystes, cette phase cruciale de l’économie algérienne qui est censée porter la deuxième catégorie de réformes, celles postérieures au plan d’ajustement structurel et au terrorisme. Les intérêts claniques, les équilibres au sein du pouvoir politique et les retards culturels ne militent apparemment pas pour la concrétisation d’une telle démarche.
C’est alors du côté de la crise financière internationale que certains observateurs de la scène économique algérienne reluquent pour que ses incidences puissent entraîner les réformes vitales tant attendues mais toujours renvoyées sine die. C’est comme qui dirait ‘’à quelque chose malheur est bon’’. Certes, les choses ne se présentent pas avec une telle facilité ; cependant, il est certain qu’une telle secousse qui réduit les recettes budgétaires de plus de 20 %, la vulnérabilité de l’économie nationale se montre au grand jour. L’une des premières réactions à cette nouvelle situation est la loi de Finances complémentaire 2009 avec ses clauses orientées principalement vers le renforcement de la production et de l’investissement nationaux ainsi que vers la limitation des importations.
Une connectivité à double tranchant
Ce qui s’est passé sur les places financières du monde en 2008 est, avant tout, le résultat d’une mondialisation rampante qui a jeté ses tentacules sur les pays et les continents indépendamment de leurs identités, de leurs langues ou de leurs religions. Une telle connectivité ne pouvait pas manquer de produire le revers de la médaille dès qu’un grain de sable grippe un organe-par exemple une banque en Amérique- ou qu’un mouvement spéculatif en ébranle le fondement.
La forte expansion des échanges qui a touché les économies de plusieurs pays à la fin du 18e et au début lu 19e siècle, sous la forme de commerce colonial et de commerce entre les nations, a préfiguré la forme de globalisation/mondialisation qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Ce phénomène, dont la genèse remonte à plus d’un siècle, a conduit les économistes à dépasser le point de vue mercantiliste de la contradiction des intérêts, et à établir la règle des ‘’avantages comparatifs’’ promise à une belle fortune sémantique et axiologique.
À partir des dernières décennies du 20e siècle, pour plusieurs catégories de produits industrialisés, « les exportations mondiales de composantes croissent plus vite que les exportations de biens finals », souligne Bernard Lassudrie-Duchene dans sa préface à l’ouvrage intitulé ‘’Économie internationale’’ des deux auteurs américains H.Lindert et Ch. P. Kindleberger. Il ajoute : « La multinationalisation des firmes peut être considérée, sous cet aspect, comme la résultante d’une logique puissante qui conduit à mobiliser les capacités différentes de plusieurs groupes nationaux pour obtenir des chaînes d’avantages comparatifs, plus ou moins inégalement répartis entre les firmes et les nations ». L’auteur établit de forts parallèles entre la ‘’croissance des interdépendances productives’’ et l’unification du marché mondial du crédit et des capitaux.
Dans l’ouvrage La France et l’impératif mondial, A.Cotta écrit dans le même sillage : « l’ouverture croissante de toutes les économies, quels que soient leur niveau de développement et leur organisation économique et sociale, commence à apparaître, plus que la rapidité de la croissance elle-même, comme le fait majeur d’un après-guerre qui, à cet égard, n’a pas pris fin. »
L’après-guerre dont il est question tire indubitablement son origine de la fin de la première guerre mondiale lorsque l’économie du monde occidental érigea d’étroites passerelles entre les différents systèmes nationaux. Le krach boursier d’octobre 1929 auquel se référent beaucoup d’analystes pour caractériser la crise qui a éclaté au sein du système financier international en 2008 a pu avoir des répercussions une dizaines d’années, et certains historiens sont allés dans leurs diagnostics des conflits mondiaux jusqu’à faire incomber une part importante de responsabilité à cette crise dans la montée en puissance des extrémismes nazi et fasciste à partir des années 1930. En l’espace de trois ans, 9000 banques ont mis la clef sous le paillasson. La production industrielle aux Etats-Unis baissa alors de 50 %, la PIB de un tiers et le chômage monta à 25 % de la population active. Le recul du pouvoir d’achat a fait que des stocks de produits, surtout agricoles, se sont constitués. On parla alors de ‘’crise de surproduction’’. Les marchandises invendues s’accumulent et les usines qui les produisent s’arrêtent les unes après les autres, faute de débouchés. De nombreuses entreprises font faillite. Les agriculteurs n’arrivent plus à commercialiser leurs produits et les prix baissent continuellement. Des millions d’hommes et de femmes rejoignent le camp des chômeurs. La misère s’installe, alors que la surproduction conduit à la destruction des biens invendus.
L’ampleur et surtout la durée de la crise rendent l’intervention de l’État inévitable. Jusqu’alors, les industriels, les commerçants, les banquiers organisent librement leurs activités économiques. L’intervention de l’État a visé d’abord à réduire la production là où est enregistrée une surproduction. Le rôle social de l’État s’accroît ; il intervient pour réduire la violence des affrontements sociaux.
Un ‘’New Deal’’ problématique
Incontestablement, le capitalisme s’expose plus que jamais aux plus virulentes critiques même si les autres alternatives sociales n’ont pas pu s’imposer ou n’ont pas eu le loisir de montrer leur faisabilité sur le terrain. En tout cas, l’espoir dans les mouvements de gauche, longtemps mis en veilleuse, prend, à la faveur de la crise, de nouvelles couleurs et s’alimente en arguments puissants issus de la tension économique qui prend en otage toute la planète. L’intervention de l’État telle qu’elle était mise en branle par le président Roosevelt après la crise de 1929 sous le nom de ‘’New Deal’’ consiste non seulement à enrayer la crise, mais surtout à éviter d’y retomber une nouvelle fois. « Notre tâche est remettre notre peuple au travail (…) Elle peut s’accomplir par embauche directe par le gouvernement, comme en cas de guerre, mais en même temps, en réalisant les travaux les plus nécessaires pour réorganiser l’usage de nos ressources naturelles», a déclaré le président Roosevelt dans un discours en mars 1933.
L’action de l’État pour relancer l’économie par la relance de la consommation et par la politique des investissements publics- quitte à supporter un seuil d’inflation et un déficit budgétaire ‘’tolérable’’- rejoint largement la théorie keynésienne mise en circulation au premier tiers du 20e siècle.
«Pour ma part, je pense que le capitalisme aménagé peut être rendu probablement plus efficient pour atteindre des fins économiques de tout système alternatif envisagé pour l’instant ; mais je pense était, à bien des égards, extrêmement critiquable. Notre problème est d’établir une organisation sociale qui sera aussi efficiente que possible sans pour autant choquer nos notions concernant un mode de vie satisfaisant », écrivait Keynes dans son ‘’Essai de persuasion’’ (1933).
La crise financière et économique qui, presque quatre-vingt ans après le krach boursier de 1929, frappera les établissements bancaires principalement en Amérique et en Europe en 2008, a eu son origine immédiate en 2007 dans la crise subprime, crédits hypothécaires consentis aux ménages américains pour l’acquisition de logements. Devenus insolvables, les ménages n’ont d’autre choix que d’offrir leur logement à leur créancier. Or, il se trouve que les valeurs immobilières ont fortement chuté entre-temps, ce qui donne une valeur de ‘’monnaie de singe’’ au gage que constitue le logement. Il est déclaré stérile sur le marché américain. Il s’ensuivit une chute en cascades de banques, d’abord en Amérique, ensuite en Europe et en Asie du fait que, aussi bien les acquéreurs de crédits hypothécaires que les établissements créanciers ont tissé une toile d’araignée à l’échelle planétaire en matière de demande, d’offre et de prestations.
Dans un tel contexte, où l’emploi, le niveau de vie et le potentiel industriel se trouvent menacés, l’État a volé au secours du secteur bancaire privé. C’est un peu le paradoxe du capitalisme mondial arrivé à une maturité stressante et qui réclame de nouvelles alternatives sociales.
Sur le plan de la performance économique basée sur la création d’entreprises, l’esprit de la libre concurrence, l’accroissement constant des postes d’emploi et le développement humain, l’Algérie semble marquer le pas. La mono-exportation pétrolière a installé des réflexes et des tares qu’il est difficile d’évacuer.
En effet, lorsque des responsables en arrivent à penser qu’il est préférable d’acheter des produits de l’étranger, puisque l’argent existe, que de le fabriquer localement (même si toutes les conditions sont réunies pour ce faire), le sommet de l’inconséquence et de l’hérésie économique sont vite atteints. Des actes de sabotages ont été fomentés et des procédures bureaucratiques montées de toutes pièces pour dissuader certains investissements privés (nationaux ou étrangers). D’autres capitaines d’industrie ont dû régler rubis sur l’ongle des commissions à de hauts personnages de l’administration pour pouvoir installer leurs investissements.
C’est, pour beaucoup d’analystes, cette phase cruciale de l’économie algérienne qui est censée porter la deuxième catégorie de réformes, celles postérieures au plan d’ajustement structurel et au terrorisme. Les intérêts claniques, les équilibres au sein du pouvoir politique et les retards culturels ne militent apparemment pas pour la concrétisation d’une telle démarche.
C’est alors du côté de la crise financière internationale que certains observateurs de la scène économique algérienne reluquent pour que ses incidences puissent entraîner les réformes vitales tant attendues mais toujours renvoyées sine die. C’est comme qui dirait ‘’à quelque chose malheur est bon’’. Certes, les choses ne se présentent pas avec une telle facilité ; cependant, il est certain qu’une telle secousse qui réduit les recettes budgétaires de plus de 20 %, la vulnérabilité de l’économie nationale se montre au grand jour. L’une des premières réactions à cette nouvelle situation est la loi de Finances complémentaire 2009 avec ses clauses orientées principalement vers le renforcement de la production et de l’investissement nationaux ainsi que vers la limitation des importations.
Une connectivité à double tranchant
Ce qui s’est passé sur les places financières du monde en 2008 est, avant tout, le résultat d’une mondialisation rampante qui a jeté ses tentacules sur les pays et les continents indépendamment de leurs identités, de leurs langues ou de leurs religions. Une telle connectivité ne pouvait pas manquer de produire le revers de la médaille dès qu’un grain de sable grippe un organe-par exemple une banque en Amérique- ou qu’un mouvement spéculatif en ébranle le fondement.
La forte expansion des échanges qui a touché les économies de plusieurs pays à la fin du 18e et au début lu 19e siècle, sous la forme de commerce colonial et de commerce entre les nations, a préfiguré la forme de globalisation/mondialisation qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Ce phénomène, dont la genèse remonte à plus d’un siècle, a conduit les économistes à dépasser le point de vue mercantiliste de la contradiction des intérêts, et à établir la règle des ‘’avantages comparatifs’’ promise à une belle fortune sémantique et axiologique.
À partir des dernières décennies du 20e siècle, pour plusieurs catégories de produits industrialisés, « les exportations mondiales de composantes croissent plus vite que les exportations de biens finals », souligne Bernard Lassudrie-Duchene dans sa préface à l’ouvrage intitulé ‘’Économie internationale’’ des deux auteurs américains H.Lindert et Ch. P. Kindleberger. Il ajoute : « La multinationalisation des firmes peut être considérée, sous cet aspect, comme la résultante d’une logique puissante qui conduit à mobiliser les capacités différentes de plusieurs groupes nationaux pour obtenir des chaînes d’avantages comparatifs, plus ou moins inégalement répartis entre les firmes et les nations ». L’auteur établit de forts parallèles entre la ‘’croissance des interdépendances productives’’ et l’unification du marché mondial du crédit et des capitaux.
Dans l’ouvrage La France et l’impératif mondial, A.Cotta écrit dans le même sillage : « l’ouverture croissante de toutes les économies, quels que soient leur niveau de développement et leur organisation économique et sociale, commence à apparaître, plus que la rapidité de la croissance elle-même, comme le fait majeur d’un après-guerre qui, à cet égard, n’a pas pris fin. »
L’après-guerre dont il est question tire indubitablement son origine de la fin de la première guerre mondiale lorsque l’économie du monde occidental érigea d’étroites passerelles entre les différents systèmes nationaux. Le krach boursier d’octobre 1929 auquel se référent beaucoup d’analystes pour caractériser la crise qui a éclaté au sein du système financier international en 2008 a pu avoir des répercussions une dizaines d’années, et certains historiens sont allés dans leurs diagnostics des conflits mondiaux jusqu’à faire incomber une part importante de responsabilité à cette crise dans la montée en puissance des extrémismes nazi et fasciste à partir des années 1930. En l’espace de trois ans, 9000 banques ont mis la clef sous le paillasson. La production industrielle aux Etats-Unis baissa alors de 50 %, la PIB de un tiers et le chômage monta à 25 % de la population active. Le recul du pouvoir d’achat a fait que des stocks de produits, surtout agricoles, se sont constitués. On parla alors de ‘’crise de surproduction’’. Les marchandises invendues s’accumulent et les usines qui les produisent s’arrêtent les unes après les autres, faute de débouchés. De nombreuses entreprises font faillite. Les agriculteurs n’arrivent plus à commercialiser leurs produits et les prix baissent continuellement. Des millions d’hommes et de femmes rejoignent le camp des chômeurs. La misère s’installe, alors que la surproduction conduit à la destruction des biens invendus.
L’ampleur et surtout la durée de la crise rendent l’intervention de l’État inévitable. Jusqu’alors, les industriels, les commerçants, les banquiers organisent librement leurs activités économiques. L’intervention de l’État a visé d’abord à réduire la production là où est enregistrée une surproduction. Le rôle social de l’État s’accroît ; il intervient pour réduire la violence des affrontements sociaux.
Un ‘’New Deal’’ problématique
Incontestablement, le capitalisme s’expose plus que jamais aux plus virulentes critiques même si les autres alternatives sociales n’ont pas pu s’imposer ou n’ont pas eu le loisir de montrer leur faisabilité sur le terrain. En tout cas, l’espoir dans les mouvements de gauche, longtemps mis en veilleuse, prend, à la faveur de la crise, de nouvelles couleurs et s’alimente en arguments puissants issus de la tension économique qui prend en otage toute la planète. L’intervention de l’État telle qu’elle était mise en branle par le président Roosevelt après la crise de 1929 sous le nom de ‘’New Deal’’ consiste non seulement à enrayer la crise, mais surtout à éviter d’y retomber une nouvelle fois. « Notre tâche est remettre notre peuple au travail (…) Elle peut s’accomplir par embauche directe par le gouvernement, comme en cas de guerre, mais en même temps, en réalisant les travaux les plus nécessaires pour réorganiser l’usage de nos ressources naturelles», a déclaré le président Roosevelt dans un discours en mars 1933.
L’action de l’État pour relancer l’économie par la relance de la consommation et par la politique des investissements publics- quitte à supporter un seuil d’inflation et un déficit budgétaire ‘’tolérable’’- rejoint largement la théorie keynésienne mise en circulation au premier tiers du 20e siècle.
«Pour ma part, je pense que le capitalisme aménagé peut être rendu probablement plus efficient pour atteindre des fins économiques de tout système alternatif envisagé pour l’instant ; mais je pense était, à bien des égards, extrêmement critiquable. Notre problème est d’établir une organisation sociale qui sera aussi efficiente que possible sans pour autant choquer nos notions concernant un mode de vie satisfaisant », écrivait Keynes dans son ‘’Essai de persuasion’’ (1933).
La crise financière et économique qui, presque quatre-vingt ans après le krach boursier de 1929, frappera les établissements bancaires principalement en Amérique et en Europe en 2008, a eu son origine immédiate en 2007 dans la crise subprime, crédits hypothécaires consentis aux ménages américains pour l’acquisition de logements. Devenus insolvables, les ménages n’ont d’autre choix que d’offrir leur logement à leur créancier. Or, il se trouve que les valeurs immobilières ont fortement chuté entre-temps, ce qui donne une valeur de ‘’monnaie de singe’’ au gage que constitue le logement. Il est déclaré stérile sur le marché américain. Il s’ensuivit une chute en cascades de banques, d’abord en Amérique, ensuite en Europe et en Asie du fait que, aussi bien les acquéreurs de crédits hypothécaires que les établissements créanciers ont tissé une toile d’araignée à l’échelle planétaire en matière de demande, d’offre et de prestations.
Dans un tel contexte, où l’emploi, le niveau de vie et le potentiel industriel se trouvent menacés, l’État a volé au secours du secteur bancaire privé. C’est un peu le paradoxe du capitalisme mondial arrivé à une maturité stressante et qui réclame de nouvelles alternatives sociales.
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