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ElBaradei: La question iranienne a été mal gérée

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  • ElBaradei: La question iranienne a été mal gérée

    Dans une interview exclusive accordée à LEXPRESS, le directeur général de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, analyse les implications politiques du projet d'accord entre l'Iran et les puissances nucléaires élaboré cette semaine à Vienne (Autriche), au siège de l'organisation.

    Mohamed ElBaradei lève le voile, aussi, sur les deux jours et demi d'intenses négociations. Les discussions ont parfois été menées dans son bureau, avec l'appui de Barack Obama. L'agence onusienne attend ce vendredi la réponse de Téhéran à son offre de faire enrichir à l'étranger, pour un usage civil, les trois quarts de l'uranium iranien, soit 1200kg. La proposition a été formellement approuvée dans la matinée par Moscou, et son approbation par Washington et Paris paraît acquise. Le délai fixé par l'AIEA expire à minuit. Mais des retards, à Téhéran, ne seraient guère surprenants.

    Le stock d'uranium iranien a été faiblement enrichi, à moins de 5%, malgré l'opposition du Conseil de sécurité de l'Onu. D'après le projet d'accord présenté mercredi 21 octobre, la Russie aurait la responsabilité d'un enrichissement à 19,75% de cet uranium, hors des frontières de l'Iran. La France interviendrait ensuite comme sous-traitant, afin de produire le combustible pour un réacteur de recherche de Téhéran; cette étape, qui consisterait à fabriquer des coeurs nucléaires, rendrait impossible ou presque un usage militaire. Par ce montage d'apparence technique, les uns et les autres tentent de réduire la tension et d'instaurer un climat de confiance : dès lors que les trois quarts du stock d'uranium iranien auraient quitté le territoire de la république islamique, la quantité restant sur place – entre 300 et 500kg – serait insuffisante pour produire, après un éventuel enrichissement ultérieur, une bombe atomique.
    (L'Express publiera prochainement un entretien avec Mohamed ElBaradei. Nommé directeur général il y a une douzaine d'années, à une époque où l'AIEA était une agence à compétence technique, pour l'essentiel, cette personnalité hors du commun, d'origine égyptienne, a su transformer son organisation en un acteur politique de premier plan. Lauréat du prix Nobel de la paix en 2005, son mandat prend fin le 30 novembre prochain.)

    L'Express:Etes-vous confiant que l'Iran ratifiera le projet d'accord?

    Mohamed ElBaradei: J'ai bon espoir mais nous devons attendre le feu vert définitif de Téhéran. Depuis plusieurs jours, tous les signaux convergent: l'Iran veut vraiment aller de l'avant. Le président Ahmadinejad me l'a clairement indiqué, il y a quinze jours, lors de ma visite à Téhéran. Il veut normaliser les relations de son pays avec les Etats-Unis et avec les pays occidentaux, ainsi qu'avec la communauté internationale en général. Ce n'est pas qu'un morceau du puzzle qui l'intéresse, c'est l'ensemble. Sur les modalités de l'accord élaboré cette semaine à Vienne, il restera peut-être des détails à régler. Nous verrons bien.
    (1) Allusion au contentieux d'Eurodif. En 1974, le Shah avait signé un accord avec Paris pour détenir 10% des parts de l'usine d'enrichissement d'uranium d'Eurodif et obtenir de l'uranium enrichi. Mais après la révolution islamique, Paris a refusé de le livrer à l'Iran.

    C'est une question de confiance, naturellement. Le représentant iranien a souligné que son pays avait déjà eu une mauvaise expérience avec la France, en particulier, qui n'a pas honoré, après la révolution islamique, des livraisons d'uranium enrichi pourtant prévues (1). Encore une fois, c'est une question de confiance, de la part des Iraniens comme de la part de leurs interlocuteurs.

    A quoi attribuez-vous le changement de tonalité à Téhéran?


    La question iranienne a été mal gérée depuis six ans. Entre 2003 et 2006, l'administration Bush était opposée à toute discussion avec l'Iran, désigné comme membre d'un "Axe du Mal". Pour ma part, je ne vois pas comment conclure un accord avec des interlocuteurs que l'on refuse de rencontrer... Dans un deuxième temps, Washington a imposé des conditions préalables au dialogue. En principe, une négociation sert à obtenir des choses ; les conditions préalables ne servent à rien. C'est l'arrivée au pouvoir de Barack Obama qui a tout changé.

    Il me semble, quant à moi, que les Iraniens cherchent depuis longtemps à engager le dialogue.

    Si les relations entre Washington et Téhéran ont été "mal gérées", selon votre expression, ce serait donc la faute exclusive des Américains?


    (Il marque une pause) Tout le monde est responsable. Mais les Américains n'ont pas facilité le dialogue. Les Européens se sont alignés sur la stratégie de Washington. Puis, à partir de 2006, les Européens, au nom de l'unité transatlantique, ont accepté le principe des conditions préalables. Mais il est vrai que les Iraniens, aussi, n'ont pas été clairs quant aux objectifs qu'ils poursuivent. En cherchant à limiter l'accès des inspecteurs de l'AIEA, par exemple, Téhéran s'est tiré une balle dans le pied. Nous avons tous perdu beaucoup de temps.

    L'accord prévoit l'exportation de 1200kg d'uranium. La totalité de ce stock doit-il avoir quitté le territoire iranien avant la fin de l'année?

    C'est important, absolument. Notre objectif est de réduire la tension et de créer un climat de confiance. Evacuer ce matériau donnerait un an pour négocier dans le calme. Cela permettrait aux Iraniens de montrer qu'ils disent vrai, si c'est le cas, et qu'ils enrichissent bien leur uranium à des fins pacifiques. C'est pour cela qu'il est important que les 1200kg soient bien transférés dans les délais prévus. La réunion de cette semaine était en principe d'ordre technique. En cas d'accord, toutefois, ses conséquences politiques seraient immenses. C'est ce qui explique l'engagement actif des chefs d'Etat: Barack Obama lui-même est intervenu et m'a joint au téléphone. Il n'arrive pas souvent que des réunions "techniques" soient suivies, minute par minute, par des chefs d'Etat...

    Qui a élaboré ce plan?

    Tout a commencé quand les Iraniens nous ont demandé du combustible pour un réacteur de recherche [civil, NDLR]. J'ai compris qu'à l'occasion d'un accord d'apparence technique, nous pourrions conclure un texte aux conséquences politiques fondamentales. Si nous obtenons cet accord, en effet, tout devient possible. A terme, l'Iran pourrait enfin normaliser ses relations avec la communauté internationale et exercer une influence positive en Afghanistan, en Irak, en Syrie , au Liban, dans les territoires palestiniens... L'Iran a besoin d'investissements étrangers. Chacune des parties dépend de l'autre, au fond. Et le plus important, de mon point de vue, est de se jeter à l'eau.

    Vers 23 heures, mercredi soir, vous avez réuni dans votre bureau les représentants de l'Iran et des Etats-Unis. Que s'est-il passé?

    Cette rencontre entre le secrétaire adjoint de l'énergie aux Etats-Unis, Daniel Poneman, et l'ambassadeur de l'Iran à l'AIEA, Ali Asghar Soltaniyeh, est seulement le deuxième face-à-face de ce genre depuis trente ans.

    Nous étions tous les trois assis ici, dans mon bureau. Il était important de briser la glace et de les amener à constater qu'ils peuvent, de fait, discuter ensemble et avancer. Dan Poneman a été très affable et expliqué les implications politiques de cet accord qui permettrait, s'il est ratifié, de bâtir une relation de confiance. A terme, a-t-il expliqué, Washington pourrait venir en aide à Téhéran.

    Par l'Express
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