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Le poids des mots en football

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  • Le poids des mots en football

    Face aux jeunes supporters d’aujourd’hui, il est plus facile pour un quinquagénaire d’être traité de ringard que de puriste ou de rêveur dès qu’il s’agit d’évoquer la question du football.

    Le football de papa a donc vécu. Il serait toutefois absurde de soutenir le contraire en ce sens que nostalgie et attitude passéiste ne peuvent être la solution dans une discipline en proie à des dysfonctionnements partout dans le monde mais laquelle, signe des temps, et vaille que vaille nécessairement doit évoluer, en fait le mot qualifié est s’adapter au reste des mutations sociologiques et économiques.

    Institutions nationales et internationales, responsables concernés se sont intégrés dans le moule, quitte pour cela à accompagner par concessions ponctuelles… souvent et répression régulée… généralement depuis le drame du stade du Heysel (Bruxelles) en 1985.

    Le problème est, par voie de conséquence, systèmique dans la mesure où tous les acteurs qui forment la sphère de la discipline y contribuent allègrement : joueurs, dirigeants, arbitres, journalistes, public. Cette dérive n’est l’apanage d’aucun pays en particulier sauf que chacun de ces pays a su ou non y faire face. Cette configuration apocalyptique a, par voie de conséquence, enfanté moins qu’un public… une sorte d’engeance clonée dans sa majorité à partir de strates vulnérables de la société qui, par phénomène de contagion, sont à l’origine d’une onde ce choc qui fédère les plus tièdes.

    Mais tout ce beau monde a besoin de s’identifier.

    En Algérie, les groupes de fans se font appeler Kouara (ASK), Chnaoua (MCA), Sanafir (CSC), Criquets (CABBA), Crabes (MOB), Indiens (USB), Hooligans (USM Annaba), etc.

    Nul besoin d’évoquer leurs chants. Sous d’autres cieux, les chants guerriers des galeries, plus particulièrement européennes, sont empruntés ou inspirés de ceux (chants) guerriers, au sens noble, puisés souvent dans la chanson de geste. Une manière comme une autre pour chacun des clans constituant un groupe de fans de délimiter son territoire.

    Tout cela se faisant évidemment dans les limites de la correction… le football restant avant tout un sport d’hommes. Toutefois, des images de tribunes et gradins de stade retransmises via le satellite, il est loisible de remarquer que ces lieux, parce que finalement peuplés de familles entières (ascendants et descendants), sont plus des espaces de convivialité que d’affrontement où le spectateur, toutes proportions gardées, peut tout ressentir sauf le sentiment d’insécurité. Pourtant, que de valeurs baignent la majorité des clubs algériens, notamment ceux nés dans les moments forts et évidement dramatiques de l’occupation coloniale. Ils ont commencé à voir le jour au début même du siècle pour certains même si sous le couvert
    d’association sportive c’était surtout l’idée d’union nationale qui prévalait même exprimée d’une manière éparse à travers le territoire national.

    L’avantage étant notamment dans l’idée de trait d’union d’est en ouest et du nord au sud qu’ils pouvaient constituer entre les Algériens. Nous en donnons pour preuve le Mouloudia de Constantine qui, semble-t-il, aurait vu le jour sur l’insistance de Abdelhamid Benbadis ayant préconisé, à l’époque, que le «O» veuille dire «ouloum» et non olympique tel qu’imposé par l’administration locale. Est-il, en effet, nécessaire d’insister sur l’idée pour des personnalités
    religieuses, intellectuelles, politiques de l’époque de créer et multiplier sous le couvert d’associations sportives des noyaux fédérateurs du peuple d’abord et leur aboutissement de foyers de la résistance ensuite.

    Ce choix avait donné ce qui en était attendu jusqu’à la libération du pays et toutes ses valeurs autrement mues au lendemain de l’indépendance.
    Les clubs de football, et peu importe où ils se situaient sur tout le territoire, continuaient d’être de hauts lieux sociaux dans lesquels s’exprimaient fraternité, solidarité, convivialité, sportivité… En fait, tout ce qui laissait exhumer un sentiment de fierté nationale.

    Valoriser le quartier… «el houma»


    Ceux qui faisaient partie de ce milieu œuvraient d’arrache-pied pour valoriser un quartier, «el houma (le qualificatif est plus fidèle), la ville à laquelle il appartient et, enfin, tout le pays. Or, ceux qui ne connaissent rien au football ironisent au sujet du Paradou Athletic Club (PAC) en qualifiant ce club d’«équipe de quartier», alors qu’en réalité c’est ce concept qui devrait être défendu au motif de ce qui a été précédemment évoqué. La seule rivalité qui pouvait opposer les dirigeants d’association était celle qui prenait essor à partir d’un smic… d’éducation et, finalement, non pas à partir de résultats comptables pour lesquels ils n’avaient aucune propension et encore moins de raisons de s’entre-déchirer.

    Au jour d’aujourd’hui, telle qu’elle est appréhendée, telle qu’est est organisée et telle qu’elle est acceptée par ceux (les footballeurs) qui en vivent, du fait qu’elle constitue leur gagne-pain, leur sens des affaires, voire de l’affairisme (les dirigeants), qui en sont passionnellement imbus (le public) et par ceux qui la tolèrent (les responsables à tous les niveaux du secteur), la discipline a été promue comme l’élément d’atomisation par excellence des populations, de ségrégation entre les régions, de motif de discorde, toutes natures, confondues, d’incitation à la violence, de perte des valeurs morales, de défiance de l’autorité de l’Etat, de raisons d’enrichissement rapide incontrôlé et incontrôlable. En somme, de la dilution de toutes les règles qui font d’une société une société… stable.

    Un club est, comme dans la chanson de Michel Sardou, adulé de sept à soixante-dix-sept ans. Des enfants de la hauteur d’une pomme, parfois âgés de moins de dix ans, fans notamment du MCA et de l’USMH effectuent des déplacements de près de 500 km dans des conditions draconiennes (resquille de moyens comme le train avec tous les risques possibles) aidés par la bienveillance douteuse d’adultes. Sanafir, Criquets, Chnaoua, Crabes, hooligans… se déplacent en masse parce qu’ils atteignent leur nirvana dans la montée d’adrénaline. Ils leur importe peu qu’il y ait du bon ou du mauvais football sur l’aire de jeu et restent plus proches de leurs joueurs quand ils jouent à baston plutôt qu’au… football. Quant aux gradins, tribunes et périphéries du stade, leur territoire… ils s’en occupent.

    Si Chnaoua, selon Mustapha Manceri son ancien patron, est le sobriquet né de la plume d’un journaliste du défunt hebdo El Hadef (ne pas confondre avec son homonyme… le buteur), Sanafir est plutôt à mettre sur le compte des milliers de supporters du CSC lesquels, apparentement d’époque oblige et phénomène de société incontestable, ont comparé, en raison de leur taille (ils étaient tous petits), leur caractère grognon et surtout la hargne de leurs joueurs aux fameux lutins (Schtroumpfs) des dessins animés post-synchronisés en version arabe en raison du succès mondial suscité.
    Quant aux Crabes, pour le site du MOB, exception faite des pinces du fameux crustacé, il s’agirait plutôt d’un retournement à son avantage d’une raillerie exprimée par les fans de la JSMB qui voyaient en leurs adversaires des… crapauds, pour des raisons qu’il serait malheureusement trop long et fastidieux d’expliquer.

    En conclusion, le football cette passion qui prenait aux tripes des dizaines de milliers d’Algériens, n’a plus l’attrait qu’il lui sierait en toute logique. les stades devenant des lieux d’expression de la haine, l’invective et de la rancœur.
    Malheureusement même l’Etat semble s’en contenter et certaines de ses institutions s’y…complaire.

    Seule la sélection nationale sauve les meubles. Rien que pour Fennecs, son appelation mascotte, elle mériterait d’être aimée.

    Par A. Lemili
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