L’état-civil kabyle a été le fait de l’administration coloniale. Il a été établi suite à un recensement général de la population de la Kabylie en 1895.
Jusque-là, les Kabyles n’éprouvaient pas le besoin de se compter ou d’établir un état-civil. Les denses relations qui encadraient les individus à travers les familles, les clans, les çofs, les villages, les fédérations et confédérations… étaient suffisantes pour établir l’identité de chacun. La Kabylie avait une telle organisation sociale que la traçabilité des familles était aisée pour qu’entre elles des contrats et des alliances se concluent en toute sérénité. Ce peuple qui n’avait jamais estimé bon de construire des prisons, la criminalité y était si rare, se passait aisément d’une police et de sa propension à ficher chaque individu. L’état-civil est avant tout un outil de contrôle des personnes et des groupes. C’est la liste d’appel dans une prison à ciel ouvert. C’est le besoin de prévenir d’autres insurrections kabyles, comme celle de 1871, qui avait poussé les militaires français à établir vers 1895 un recensement des villages et des populations qui n’aurait aucun sens sans un état-civil. En Kabylie l’état-civil est une étape supérieure de la victoire des forces militaires coloniales sur la société kabyle. Il est la marque et le témoin de la défaite des Indigènes. C’est le trophée narcissique du vainqueur. Le scalp d’un peuple ornant la ceinture du guerrier colonialiste français.
L’acte était en soi suffisant. Avoir un état-civil des Kabyles était presque une fin en soi. C’était une obsession qui trainait depuis 1837, du temps où la Kabylie n’était pas encore défaite. En effet, un décret de cette année-là interdisait, dans l’Algérois, d’embaucher des Kabyles qui ne se faisaient pas recenser auprès de l’administration coloniale. Mais une fois la victoire acquise sur la Kabylie (1857 et 1871), pour connaitre approximativement le nombre de rebelles potentiels auxquels ils pourraient avoir à faire, les années à venir, les militaires chargèrent des Administrateurs de recenser les Kabyles qui s’avérèrent tourner alors autour de deux millions d’âmes.
Ces administrateurs, dans l’exécution de leur tâche, ne montrèrent aucun respect pour les recensés qui se retrouvèrent, un par un et du jour au lendemain, attifés d’un nouveau nom qui peu à peu va supplanter (sans parvenir à l’effacer) leur véritable identité. Comme nous sommes au lendemain du rêve de Napoléon III de créer un « royaume arabe », les noms des Kabyles furent tous arabisés par les « Bureaux arabes ». Les Aït, At qui sont les préfixes patronymiques kabyles, sont remplacés par les Ben Bou, Ibn, Beni, Ould… arabes. Par ailleurs, pour distinguer les prénoms homnymes dans une même famille, il a été décidé de fonder des lignées distinctes à partir de chaque membre mâle d’une même fratrie. Ainsi, on se retrouve dans une même famille avec trois à quatre noms différents, sans aucun rapport avec eux. Mais comme en Algérie fraîchement colonisée la situation s’est répétée un peu partout, et qu’en plus l’Administrateur était à court de noms, il donna le même nom un peu partout en Algérie à des familles qui n’ont jusqu’ici aucun lien de parenté. On se retrouve dans cette étrange situation qui donne des noms différents à des membres d’une même famille tandis qu’on partage le même nom avec des étrangers.
L’Etat algérien, en décidant d’arabiser l’état-civil kabyle a amené, par la graphie arabe, sa part de distorsion des noms légués par la colonisation sans pour autant les remettre en cause.
Nous profitons de ce stand de la Kabylie à la Fête de l’Humanité 2009 à La Courneuve pour soumettre à débat entre Kabyles sur ce crime culturel commis contre notre véritable identité et poser la question de savoir si le moment ne serait pas venu de tenter d’en limiter les dégâts dans un premier temps et, dans un second temps d’en réparer les torts. Ne devrait-on pas, sous l’autorité d’une institution neutre à mettre sur pied, établir à titre symbolique une CARTE D’IDENTITE NATIONALE KABYLE pour ceux qui en feraient la demande et permettre ainsi à chacun de réhabiliter le nom de ses ancêtres ? Bien sûr, pour la traçabilité des noms, il sera fait référence sur la nouvelle carte à l’identité imposée par l’administration coloniale. La question épineuse de la nationalité des Kabyles pourrait être résolue par la citoyenneté. Aujourd’hui, tous les Kabyles se sentent appartenir à la nation kabyle. Donc il y aurait lieu d’indiquer sur cette carte symbolique pour chaque intéressé, la citoyenneté qui, pour d’aucuns serait canadienne, voire québécoise, américaine, pour d’autres française, allemande, suédoise, anglaise, hollandaise, norvégienne…
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Conférence de Ferhat Mehenni le 12/09/2009 à la « Fête de l’Huma »
Jusque-là, les Kabyles n’éprouvaient pas le besoin de se compter ou d’établir un état-civil. Les denses relations qui encadraient les individus à travers les familles, les clans, les çofs, les villages, les fédérations et confédérations… étaient suffisantes pour établir l’identité de chacun. La Kabylie avait une telle organisation sociale que la traçabilité des familles était aisée pour qu’entre elles des contrats et des alliances se concluent en toute sérénité. Ce peuple qui n’avait jamais estimé bon de construire des prisons, la criminalité y était si rare, se passait aisément d’une police et de sa propension à ficher chaque individu. L’état-civil est avant tout un outil de contrôle des personnes et des groupes. C’est la liste d’appel dans une prison à ciel ouvert. C’est le besoin de prévenir d’autres insurrections kabyles, comme celle de 1871, qui avait poussé les militaires français à établir vers 1895 un recensement des villages et des populations qui n’aurait aucun sens sans un état-civil. En Kabylie l’état-civil est une étape supérieure de la victoire des forces militaires coloniales sur la société kabyle. Il est la marque et le témoin de la défaite des Indigènes. C’est le trophée narcissique du vainqueur. Le scalp d’un peuple ornant la ceinture du guerrier colonialiste français.
L’acte était en soi suffisant. Avoir un état-civil des Kabyles était presque une fin en soi. C’était une obsession qui trainait depuis 1837, du temps où la Kabylie n’était pas encore défaite. En effet, un décret de cette année-là interdisait, dans l’Algérois, d’embaucher des Kabyles qui ne se faisaient pas recenser auprès de l’administration coloniale. Mais une fois la victoire acquise sur la Kabylie (1857 et 1871), pour connaitre approximativement le nombre de rebelles potentiels auxquels ils pourraient avoir à faire, les années à venir, les militaires chargèrent des Administrateurs de recenser les Kabyles qui s’avérèrent tourner alors autour de deux millions d’âmes.
Ces administrateurs, dans l’exécution de leur tâche, ne montrèrent aucun respect pour les recensés qui se retrouvèrent, un par un et du jour au lendemain, attifés d’un nouveau nom qui peu à peu va supplanter (sans parvenir à l’effacer) leur véritable identité. Comme nous sommes au lendemain du rêve de Napoléon III de créer un « royaume arabe », les noms des Kabyles furent tous arabisés par les « Bureaux arabes ». Les Aït, At qui sont les préfixes patronymiques kabyles, sont remplacés par les Ben Bou, Ibn, Beni, Ould… arabes. Par ailleurs, pour distinguer les prénoms homnymes dans une même famille, il a été décidé de fonder des lignées distinctes à partir de chaque membre mâle d’une même fratrie. Ainsi, on se retrouve dans une même famille avec trois à quatre noms différents, sans aucun rapport avec eux. Mais comme en Algérie fraîchement colonisée la situation s’est répétée un peu partout, et qu’en plus l’Administrateur était à court de noms, il donna le même nom un peu partout en Algérie à des familles qui n’ont jusqu’ici aucun lien de parenté. On se retrouve dans cette étrange situation qui donne des noms différents à des membres d’une même famille tandis qu’on partage le même nom avec des étrangers.
L’Etat algérien, en décidant d’arabiser l’état-civil kabyle a amené, par la graphie arabe, sa part de distorsion des noms légués par la colonisation sans pour autant les remettre en cause.
Nous profitons de ce stand de la Kabylie à la Fête de l’Humanité 2009 à La Courneuve pour soumettre à débat entre Kabyles sur ce crime culturel commis contre notre véritable identité et poser la question de savoir si le moment ne serait pas venu de tenter d’en limiter les dégâts dans un premier temps et, dans un second temps d’en réparer les torts. Ne devrait-on pas, sous l’autorité d’une institution neutre à mettre sur pied, établir à titre symbolique une CARTE D’IDENTITE NATIONALE KABYLE pour ceux qui en feraient la demande et permettre ainsi à chacun de réhabiliter le nom de ses ancêtres ? Bien sûr, pour la traçabilité des noms, il sera fait référence sur la nouvelle carte à l’identité imposée par l’administration coloniale. La question épineuse de la nationalité des Kabyles pourrait être résolue par la citoyenneté. Aujourd’hui, tous les Kabyles se sentent appartenir à la nation kabyle. Donc il y aurait lieu d’indiquer sur cette carte symbolique pour chaque intéressé, la citoyenneté qui, pour d’aucuns serait canadienne, voire québécoise, américaine, pour d’autres française, allemande, suédoise, anglaise, hollandaise, norvégienne…
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Conférence de Ferhat Mehenni le 12/09/2009 à la « Fête de l’Huma »
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