Mastérisation des Concours pour l’Enseignement secondaire : l’épilogue italien - Un aperçu des dérives de la reforme Darcos - par Claudio Murolo (MCF, Centre de Mathématique Informatique Université de Provence)
jeudi 23 avril 2009, parmathieu[/COLOR]
Source : cmi.univ-mrs.
Le modèle de parcours pour le recrutement des professeur du secondaire proposé par X. Darcos est très similaire au modèle en fonction en Italie entre 1980-2000 qui conjuguait Capes et Agrégation en un concours unique (de difficulté intermédiaire) à passer après 4 ou 5 ans d’études universitaires (comme dans la réforme Darcos).
Les conséquences d’un tel système ont donc déjà bien été observées en Italie depuis les années 80 et c’est donc de celles-ci dont on va parler.
Précisons d’abord que la réussite à un concours déjà en 1980 ne débouchait pas forcément sur l’attribution d’un poste d’Enseignant.
Les lauréats du concours n’obtenant pas de poste étaient alors classés dans une liste d’attente dite ‘liste permanente (des profs habilités)’ déposée au Rectorat Agence Nationale de Remplacement[/COLOR prévue par Darcos), le classement se faisantselon un nombre de points calculés (au départ d’après la note finale du Concours et) par la suite en tenant compte des diverses expériences d’enseignement lors de remplacements ou vacations effectuées.
La note du concours étant fixée une fois pour toute, la seule manière d’améliorer son classement était d’effectuer des remplacements ou vacations (de 1 semaine à 9 mois) pendant que d’autres collègues n’en faisaient pas (ou pas assez) ; des raisons de refus peuvent être l’éloignement par rapport au lieu de travail, la durée trop courte proposée …etc
Ce système a entraîné le grossissement des listes permanentes d’ attente et une situation de grande précarité. En voici les dérives les plus marquantes :
La 1ère dérive naturelle a été que la période légale de tenue des concours, initialement prévue tous les deux ans, n’a plus été respectée ; par exemple quand j’ai obtenu mon agrégation en Italie en 1986 le concours ne se tenait pas depuis 9 ans (1977) le concours qui a suivi mon recrutement s’est tenu encore 7 ans après en 1993 .....et ceci malgré la LOI selon laquelle les concours devaient se faire tous les DEUX ans ...
On peut alors imaginer les milliers de candidats, la "confusion" et les irrégularités administratives continues qui entouraient ces concours, qui malgré tout étaient attendus comme des bouffées d’oxygène ....
Malgré la loi, l’orientation ministérielle était la suivante :
« Si on ne veut pas créer de poste, pourquoi faire des concours ? » "Pourquoi financer l’organisation de nouveaux concours quand il y a une longue liste d’attente de "qualifiés reçus précédemment aux concours" prêts à faire des vacations, ce qui coûte alors beaucoup moins cher que des postes stables.... ? "
La règle est alors devenue la précaritéavec à chaque fois un ’’recrutement sous contrat pour un certain nombre d’heures’’ de ’’vacations", ceci pendant que les meilleurs étudiants restaient en attente de concours éventuels pendant des années ou alors finissaient par se diriger vers d’autres carrières.
La 2ème dérive immédiate a été la "régionalisation" du concours et des listes permanentes, due à cette énorme armée de candidats, avec toutes les irrégularités qui peuvent en découler à savoir « népotisme et clientélisme » : les murs du Rectorat étaient régulièrement tapissés de recours déposés par un professeur habilité contre un autre, ce dernier ayant été appelé pour un remplacement alors qu’il possédait moins de points.
La 3ème dérive, (la plus inattendue pour les futurs enseignants mais pas pour les partisans de la concurrence à tout prix) a été que cette situation d’enseignants en attente a favorisé la naissance d’un grand nombre d’écoles privées .... Expliquons dans les détails ce piège infernal.
Il est fréquent qu’un enseignant en attente, après 2-3 ans d’inactivité, pour essayer de mieux se placer dans la liste permanente des habilités, accepte de travailler auprès d’une école privée. L’Ecole privée, bien qu’elle soit en partie financée par l’Etat chaque année, affirme ne pas pouvoir supporter le coût d’un enseignant comme c’est encore le cas pour l’Ecole Publique. Sous prétexte d’offrir des points elle négocie alors le salaire de l’enseignant embauché : la plupart du temps, le privé offre à l’enseignant désespéré un salaire capable à peine de couvrir ses frais de transport école-maison. Ce poste négocié selon la philosophie « Enseignement gratuit (ou presque) contre points » devient finalement un poste d’enseignement reconductible l’année suivante.Cette pratique n’a jamais scandalisé le Ministère ces dernières 20 années
Cette situation a concerné 50% de mes collègues et amis de cours de DEA. Dans un tel climat de désespoir, cette pratique est encore actuelle et contribue à dévaluer totalement le métier d’enseignant. Les enseignants qui refusent de se soumettre à cet asservissement (soit les autres 50%, les mieux classés !) finissent par ne pas enseigner.
jeudi 23 avril 2009, parmathieu[/COLOR]
Source : cmi.univ-mrs.
Le modèle de parcours pour le recrutement des professeur du secondaire proposé par X. Darcos est très similaire au modèle en fonction en Italie entre 1980-2000 qui conjuguait Capes et Agrégation en un concours unique (de difficulté intermédiaire) à passer après 4 ou 5 ans d’études universitaires (comme dans la réforme Darcos).
Les conséquences d’un tel système ont donc déjà bien été observées en Italie depuis les années 80 et c’est donc de celles-ci dont on va parler.
Précisons d’abord que la réussite à un concours déjà en 1980 ne débouchait pas forcément sur l’attribution d’un poste d’Enseignant.
Les lauréats du concours n’obtenant pas de poste étaient alors classés dans une liste d’attente dite ‘liste permanente (des profs habilités)’ déposée au Rectorat Agence Nationale de Remplacement[/COLOR prévue par Darcos), le classement se faisantselon un nombre de points calculés (au départ d’après la note finale du Concours et) par la suite en tenant compte des diverses expériences d’enseignement lors de remplacements ou vacations effectuées.
La note du concours étant fixée une fois pour toute, la seule manière d’améliorer son classement était d’effectuer des remplacements ou vacations (de 1 semaine à 9 mois) pendant que d’autres collègues n’en faisaient pas (ou pas assez) ; des raisons de refus peuvent être l’éloignement par rapport au lieu de travail, la durée trop courte proposée …etc
Ce système a entraîné le grossissement des listes permanentes d’ attente et une situation de grande précarité. En voici les dérives les plus marquantes :
La 1ère dérive naturelle a été que la période légale de tenue des concours, initialement prévue tous les deux ans, n’a plus été respectée ; par exemple quand j’ai obtenu mon agrégation en Italie en 1986 le concours ne se tenait pas depuis 9 ans (1977) le concours qui a suivi mon recrutement s’est tenu encore 7 ans après en 1993 .....et ceci malgré la LOI selon laquelle les concours devaient se faire tous les DEUX ans ...
On peut alors imaginer les milliers de candidats, la "confusion" et les irrégularités administratives continues qui entouraient ces concours, qui malgré tout étaient attendus comme des bouffées d’oxygène ....
Malgré la loi, l’orientation ministérielle était la suivante :
« Si on ne veut pas créer de poste, pourquoi faire des concours ? » "Pourquoi financer l’organisation de nouveaux concours quand il y a une longue liste d’attente de "qualifiés reçus précédemment aux concours" prêts à faire des vacations, ce qui coûte alors beaucoup moins cher que des postes stables.... ? "
La règle est alors devenue la précaritéavec à chaque fois un ’’recrutement sous contrat pour un certain nombre d’heures’’ de ’’vacations", ceci pendant que les meilleurs étudiants restaient en attente de concours éventuels pendant des années ou alors finissaient par se diriger vers d’autres carrières.
La 2ème dérive immédiate a été la "régionalisation" du concours et des listes permanentes, due à cette énorme armée de candidats, avec toutes les irrégularités qui peuvent en découler à savoir « népotisme et clientélisme » : les murs du Rectorat étaient régulièrement tapissés de recours déposés par un professeur habilité contre un autre, ce dernier ayant été appelé pour un remplacement alors qu’il possédait moins de points.
La 3ème dérive, (la plus inattendue pour les futurs enseignants mais pas pour les partisans de la concurrence à tout prix) a été que cette situation d’enseignants en attente a favorisé la naissance d’un grand nombre d’écoles privées .... Expliquons dans les détails ce piège infernal.
Il est fréquent qu’un enseignant en attente, après 2-3 ans d’inactivité, pour essayer de mieux se placer dans la liste permanente des habilités, accepte de travailler auprès d’une école privée. L’Ecole privée, bien qu’elle soit en partie financée par l’Etat chaque année, affirme ne pas pouvoir supporter le coût d’un enseignant comme c’est encore le cas pour l’Ecole Publique. Sous prétexte d’offrir des points elle négocie alors le salaire de l’enseignant embauché : la plupart du temps, le privé offre à l’enseignant désespéré un salaire capable à peine de couvrir ses frais de transport école-maison. Ce poste négocié selon la philosophie « Enseignement gratuit (ou presque) contre points » devient finalement un poste d’enseignement reconductible l’année suivante.Cette pratique n’a jamais scandalisé le Ministère ces dernières 20 années
Cette situation a concerné 50% de mes collègues et amis de cours de DEA. Dans un tel climat de désespoir, cette pratique est encore actuelle et contribue à dévaluer totalement le métier d’enseignant. Les enseignants qui refusent de se soumettre à cet asservissement (soit les autres 50%, les mieux classés !) finissent par ne pas enseigner.
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