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Emmanuel Kant au pied d'un feu rouge algérien .

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  • Emmanuel Kant au pied d'un feu rouge algérien .

    Emmanuel Kant au pied d'un feu rouge algérien
    par Kamel Daoud
    Il fait nuit. Vous êtes au volant de votre voiture dans un quartier à peine achevé, dans la périphérie de votre ville. Là où le baril fait pousser le LSP par exemple, et où le ciment arrache les derniers amandiers connus. La route est neuve et il n'y a personne qui vous regarde, sauf un feu rouge. Car le feu est rouge et vous êtes au croisement, et il n'y a personne qui vous surveille. Que feriez-vous? A Copenhague, vous n'oseriez pas le «griller ». On ne sait jamais : les Occidentaux ont des caméras et la peur du colon est encore vive. Mais là, vous êtes en Algérie. La situation résume la base basique de tout ce qui va décider de ce que nous sommes. Le socle de la morale citoyenne qui n'a pas besoin de policier derrière chaque Algérien ou de la menace de l'enfer derrière chaque acte. Généralement, dans ce cas là, on a deux nationalités : celle du conducteur qui s'arrête, aussi absurde que cela l'est, qui respecte l'interdit par respect pour la loi, même s'il n'y a aucun policier en vue. La seconde nationalité est celle de l'autre conducteur derrière vous qui se met à klaxonner, qui vous pousse à «griller » le feu parce qu'il fait nuit et qu'il n'y a personne et qui, à la fin, vous dépasse en vous jetant un regard haineux au spectacle de votre imbécillité qui se prend pour la bonne éducation.

    Le conducteur qui s'est arrêté est, sur l'échelle de la malice nationale, un imbécile et un agresseur en ce sens qu'il rappelle au second qu'il est mal éduqué et donc un être sans morale sauf sous la contrainte. Le conducteur qui grille le feu rouge est un Algérien, biaisé à la naissance, habitué à résister par l'infraction et à manger en courant très vite. Tous les gens qui respectent un feu de rouge la nuit sont jugés stupides et regardés comme des reliquats de l'assimilationnisme. Tous les gens qui ne remarquent même pas le feu tricolore sont considérés comme débrouillards, aptes au bien-vacant. Pourquoi cette longue parabole pédante et très pédagogue ? Pour aboutir à la véritable question d'un système philosophique algérien indépendant de toute subvention ou de toute perspective alimentaire : sur quoi fonder une morale sans avoir besoin ni de la menace de l'enfer ni celle du Policier et du motard ? Et si on sait pourquoi chaque Algérien «grille » le feu rouge allègrement (atavisme des résistances aux colons, incapacité à l'organisation de l'Etat, caractère, influences des accidents géographiques sur les humeurs, rancunes tribales ancestrales et ruses endémiques), les raisons qui le pousseraient à respecter un feu rouge la nuit, dans un quartier vide, sont fascinantes. Il faut absolument les décrypter, les retrouver sous les couches du cynisme collectif, les lister, les mettre dans les manuels scolaires et dans des dépliants et des papillons à distribuer par les airs et les terres. Les plus méchants disent que ces raisons ont été emportées par le dernier colon à son départ précipité ; les plus fins disent qu'elles ont été gommées par le système FLN, la rapine du Régime et les bousculades auprès des Souk El-Fellah qui ne nous ont laissé aucune dignité à transmettre à nos enfants.

    Les derniers expliquent la chose avec plus de sérénité scientifique : l'Algérien, au volant, à pieds et même décédé, a le sens de deux géographies : la sienne et celle de l'Etat. Tout ce qui est ordre est Etat, donc régime donc à enfreindre. Il n'y a aucun rapport entre Bouteflika et un feu rouge, par exemple, mais il y a une sorte de jouissance commune à tenir tête aux deux. Un espace vert au milieu d'une cité d'habitants n'est pas traité comme un espace commun, mais comme une caserne vide, un morceau de beyleck à piétiner ou un morceau de viande à s'accaparer. Dans la conception du cosmos de l'Algérien, il y a deux listes : celle de son nom, ses parents, ses proches, ses réseaux, ses amis, ses voisines, ses intérêts, son pas de porte, sa parabole, sa citerne, sa voiture, sa chaise ; et l'autre liste qui confond sous la rubrique «Dawla» le feu rouge, le policier, l'espace vert, la Présidence, le gendarme, le passage piéton, la cage d'escalier, l'antique cabine téléphonique, le lampadaire, la vitre de l'école, le poteau, le gouvernement, l'administration... etc. La première liste est celle de ses affects et aliments, la seconde est celle de ses ennemis et objets de lapidation. Tant que cette ligne n'a pas été déplacée, le respect d'un feu rouge, la nuit, dans un quartier vide, est pour les idiots, les bêtes et les gens qui se prennent «pour des Occidentaux alors qu'ils viennent à peine de quitter la chèvre pour le micro-onde», explique une insulte qu'on voit dans les yeux du conducteur en colère qui vous dépasse en croyant vous dépasser dans l'échelle de l'évolution. Tant que cette ligne est là, certains peuvent doctement vous expliquer que griller un feu rouge n'a pas été interdit par le Coran.

    Le Quotidien d'Oran .
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

  • #2
    magnifique!

    comme d'hab...il est egal a lui meme ce mec! bravo!

    Le conducteur qui s'est arrêté est, sur l'échelle de la malice nationale, un imbécile et un agresseur en ce sens qu'il rappelle au second qu'il est mal éduqué et donc un être sans morale sauf sous la contrainte. Le conducteur qui grille le feu rouge est un Algérien, biaisé à la naissance, habitué à résister par l'infraction et à manger en courant très vite. Tous les gens qui respectent un feu de rouge la nuit sont jugés stupides et regardés comme des reliquats de l'assimilationnisme. Tous les gens qui ne remarquent même pas le feu tricolore sont considérés comme débrouillards, aptes au bien-vacant.
    ca resume l'Algerie sur toutes ces coutures, classe politique, opposition, societe, economie...etc! que du vrai la dedans!

    l'Algérien, au volant, à pieds et même décédé, a le sens de deux géographies : la sienne et celle de l'Etat. Tout ce qui est ordre est Etat, donc régime donc à enfreindre.
    l'idee qui gangrene et qu'il faut absolument faire amputer des tetes des jeunes!

    Tant que cette ligne est là, certains peuvent doctement vous expliquer que griller un feu rouge n'a pas été interdit par le Coran.
    oui ces derniers temps, par je ne sais quelle magie, la fibre religieuse est sur toutes les langues.....meme celui qui te cede la patate a 100 DA, le poulet a 350 DA le kilo.....ou qui te mets le batton sur la tete pour payer les droits de parking sur voie pulique, a chaque coin de rue!
    ....If you're not writting, you're not thinking!

    The Dice Man.

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    • #3
      La suite




      Circulation à Haï Chouhada (Castors) : Le boulevard des folies meurtrières


      Les feux tricolores peuvent afficher la couleur qu’ils veulent, les panneaux peuvent indiquer ce que bon leur semble, certains délinquants de la route au volant du bolide de papa, mais surtout les conducteurs d’autobus, roulent comme s’ils n’avaient jamais entendu parler du code de la route.



      Sur le grand boulevard du quartier de haï Chouhada (ex-Castors) – qui relie le rond-point de la gare routière à celui de Dar Beida – la signalisation verticale existe depuis bien longtemps, et l’on s’est récemment décidé de rafraichir les lignes blanches délimitant les couloirs à emprunter par les conducteurs selon la direction choisie. Mais cela n’est que théorique. Car, dans la pratique de tous les jours, et les nuits aussi, bien naïf est celui qui croit qu’ils inspirent le moindre respect. Il risque fort de le regretter. Les feux tricolores peuvent afficher la couleur qu’ils veulent, les panneaux peuvent indiquer ce que bon leur semble, certains délinquants de la route au volant du bolide de papa, mais surtout les conducteurs d’autobus, roulent comme s’ils n’avaient jamais entendu parler du code de la route ou qu’il n’est pas fait, mettant gravement en danger leur vie et celle des autres. Des chocs plus moins violents se produisent trop souvent sur une artère où toutes les conditions semblent réunies pour éviter le moindre incident.
      l y a lieu de préciser que ce boulevard connaît un grand mouvement de voyageurs en provenance des localités d’Arzew, Gdyel, etc. etc. qu’il est traversé par des dizaines d’élèves d’écoles primaires, du CEM Benzerdjeb et de quelque 1.800 lycéens de l’établissement secondaire Mustapha Haddam qui s’ouvre sur ce même boulevard. Passer d’un trottoir à l’autre est une véritable aventure pour tous ces malheureux piétons que même le passage protégé qu’ils empruntent très docilement n’est pas respecté. Surtout par les conducteurs d’autobus qui se livrent à une course acharnée dans une chasse furieuse au client. Certains riverains estiment que les services concernés devraient envisager la mise en place de moyens pour assurer la sécurité de la population contre ce fléau qui ne dit pas encore son nom. Il faudrait, sans doute, ajouter que la vitesse ne connaît aucune limite sur cette voie, faisant que l’automobiliste roulant à tombeau ouvert se trouve dans l’incapacité de freiner au feu rouge, et n’a donc plus qu’à le « griller ». Et le nombre de fois où ce feu se trouve « grillé » ne compte plus, au grand dam des piétons qui risquent leur vie à chaque traversée de ce boulevard qui est devenu un boulevard périphérique avec l’encombrement de l’avenue ex-St Eugène.




      Par A. Yacine


      El Watan .
      " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

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