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En Algérie, les vieilles villes se meurent dans l’indifférence

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  • En Algérie, les vieilles villes se meurent dans l’indifférence

    Est-ce le sort de ce qui est ancien de tomber en ruine et de disparaître ?En Algérie, la question se pose lorsqu’on voit le degré de décrépitude atteint par nos vieux quartiers et nos villes qui ont vu défiler tant de gens et tant d’habitants qui les ont tantôt adorés, tantôt malmenés.

    Le temps n’est pas le seul facteur qui intervient dans l’usure de notre patrimoine, la main de l’homme fait parfois plus de tort que les ans à son environnement.

    Rares sont ceux qui se soucient des vestiges témoins du passé, et le plus malheureux, c’est que les pouvoirs publics n’y sont pas plus attentifs.

    On ne peut parler de quartiers et de villes antiques sans évoquer la Casbah et son état de délabrement avancé qui témoigne de l’incurie des uns et des autres. La vieille cité ottomane se désagrège chaque jour un peu plus, sans susciter ne serait-ce qu’un soupçon de sollicitude, ni d’un côté ni de l’autre.

    Pour ne pas avoir été préservée, la Casbah s’est écroulée en partie, et sa disparition totale et définitive semble être une question de temps. Dans ses ruelles de plus en plus ouvertes au vent, la désolation prend la place de l’odeur du jasmin et des allers et retours des femmes en haïk et des enfants à la gaîté bruyante. Ses fontaines mauresques se sont pratiquement toutes taries et leurs mosaïques, leur faïence et leurs tuiles pillées tout comme l’ont été celles qui ornaient les maisons.

    Aujourd’hui, des poutres soutiennent quelques façades qui n’en peuvent plus d’être ébranlées par des transformations et des semblants de réparations, des habitations en ruine et des décharges sauvages sur des terrains désormais nus constituent un spectacle habituel.

    A force de perdre ses repères et tout ce qui lui donnait son cachet spécifique, la Casbah a fini par perdre son âme. Elle se barricade désormais derrière des portes en fer pour y cacher son désespoir ainsi que sa tristesse d’avoir été délestée de ses belles portes en bois sculpté et de ne plus entendre les échos renvoyés par les marteaux des dinandiers. Abandonnée par les artisans qui faisaient la renommée de chacune de ses ruelles, la vieille citadelle se souvient des métiers qui se sont éteints par manque d’intérêt.
    Ses enfants se sont détournés d’elle et l’ont désertée au profit d’autres occupants qui continuent leur œuvre de destruction.

    Regroupés au sein d’associations, les propriétaires ne peuvent apparemment que constater l’échec de leur tentative de redonner vie à leur cité, la divergence des centres d’intérêts ayant prédominé jusque-là, certains d’entre eux ont bradé la Casbah pour une contrepartie bassement matérielle. Ce joyau architectural a fini par devenir une grosse plaie sur le visage de la capitale qui lui tourne irrémédiablement le dos, comme elle le fait avec ses vieux quartiers qu’elle ne reconnaît plus. Belouizdad, ex-Belcourt, est défiguré après l’écroulement de plusieurs de ses immeubles, surtout après le séisme du 21 mai 2003. Fissurée et amputée de tout ce qui faisait sa splendeur, cette vieille cité semble être à l’agonie. L’inconséquence des pouvoirs publics et leur indifférence sont incompréhensibles lorsque leur seul acte est de démolir des habitations qui menacent de tomber.

    Aucune action visant la sauvegarde de ce quartier cher aux «Belcourtois» et à tous les habitants d’Alger n’a été menée, ce qui a accéléré sa dégradation. Dans ses arcades, il ne reste plus que la passion pour l’une des équipes les plus anciennes de la capitale, le CRB, et les bruits -presque joyeux- qui emplissent les cafés et les rues. Connu pour avoir été le fief de la communauté des pieds noirs durant l’occupation française, Bab El Oued n’a jamais pu laisser quiconque indifférent à son charme, qui s’en approchait était vite happé par ses ruelles qui serpentaient vers la mer et ne pouvait la quitter qu’à regret.

    Serrés les uns contre les autres, ses bâtiments semblaient rechercher dans ce rapprochement une sorte de communion affectueuse qu’on ne trouvait que chez les Algériens d’autrefois.

    Malmené par les hommes, trahi par son oued un jour de déluge et déçu par la mer qui l’avait pourtant bercé de ses vagues, Bab El Oued est aujourd’hui un quartier meurtri, amputé d’une partie de lui-même. Les Trois Horloges se souviendront de ce qui n’est plus et leurs aiguilles continueront à compter le temps qui, lui, poursuivra son impitoyable besogne pour changer la face de nos villes puisque les hommes y sont indifférents.

    Qui n’a pas connu Alger auparavant ne peut pas imaginer l’immeuble surnommé «La Parisienne» du nom de la boulangerie qui se trouvait à son pied. Le bâtiment aurait pu être sauvé si un minimum de bon sens avait prévalu chez les autorités qui, malheureusement, le regardaient s’effriter jusqu’à devenir une menace pour ses occupants tant il était ébranlé jusqu’à ses fondements. Les immeubles se trouvant dans la même situation que «La Parisienne» avant que l’on décide de le faire tomber ne se comptent pas. La majeure partie des bâtiments du vieil Alger ne tiennent plus et se voient abandonnés à leur sort.

    L’ex-rue Tanger, la rue Ben M’hidi, la rue Bab Azzoun, nombreux sont les vieux quartiers qui risquent de disparaître à jamais si on ne fait rien pour faire obstacle à cette éventualité. C’est la peur au ventre qu’on en gravit les marches brinquebalantes alors que les balustrades sont de véritables guet-apens pour qui se hasarderait à s’y appuyer. On se demanderait presque que font encore là, au pied de chacune des rampes, ces statues dont la tête servait de support à des lampes électriques pour éclairer l’entrée à la tombée de la nuit.

    Faut-il croire que, parmi les responsables, aucun n’est au courant de la dégradation de ces bâtisses ? Difficile de le penser, le constat est que tout le monde laisse faire le temps. La restauration n’est pas une priorité, ni une action que l’on s’imposerait pour maintenir notre patrimoine debout. Un patrimoine dont beaucoup ignorent l’importance, vu les transformations effectuées sur les façades, l’état des moulures et des ornements que certains découpent à leur gré et mutilent pour installer des barreaux. D’ailleurs, qui penserait à lever la tête pour admirer ces sculptures architecturales et ces figures qui ornent les frontons ’immeubles ? Les trottoirs encombrés permettent à peine la traversée à des passants qui n’ont pas le temps de s’attarder sur des aspects esthétiques de leur environnement, encore moins de se demander quel visage avait leur ville. On ne peut pas ne pas évoquer cette localité chère à de nombreux Algérois, qui disent encore «Santodji» pour parler de l’ex-Saint Eugène, l’actuelle Bologhine.

    Qu’en reste-t-il aujourd’hui, si ce n’est une cité délabrée qui regarde tristement la mer et qui y noie son chagrin.


    Cette dernière permet au Vieil Alger d’avoir les pieds dans l’eau, à défaut de gratifier le regard des fontaines qu’il a abritées. Pillées ou enterrées sous d’autres édifications, il n’en demeure que des écrits qui en évoquent les noms et les emplacements. La fontaine du Hamma, sur ce qui est devenu par la suite l’emplacement du jardin d’Essais, celle de Bab Azzoun, de l’Amirauté, de Bologhine, on parle de centaines au 18ème siècle, puis de quelques dizaines durant l’occupation française, avant leur disparition du paysage. Les autres villes du pays ne sont pas mieux loties en matière de préservation des repères.
    Le palais du Bey ou la Souika à Constantine, des repères auxquels on tourne le dos pour ne pas voir leur dégradation, encore que le palais du Bey a bénéficié d’une restauration qui ne lui a toutefois pas rendu toute son authenticité.

    Sidi El Houari, Santa Cruz à Oran, Aïn Defla où peu de sites anciens ont été préservés, et qui peut se consoler à travers la sauvegarde de certains d’entre eux comme c’est le cas à Miliana qui garde encore ses
    remparts romains et turcs, les vestiges perdus de la Kabylie, les ksour et les foggaras du sud du pays, les exemples de sites historiques et de repères livrés à l’abandon avant de disparaître sont nombreux.

    Il faut juste souhaiter que les pouvoirs publics puissent prendre conscience de la nécessité de restaurer et de sauvegarder le peu qui reste. La création d’une structure gouvernementale qui s’occuperait uniquement de la restauration de notre vieille architecture ne serait pas une utopie. Cela devrait se faire.

    Par la Tribune

  • #2
    Azul Morjane

    Tu as très bien fait de mettre cet article dans la rubrique "bouillon de culture" car cela rejoint tout à fait ce qui se produit en chimie: généralement la culture disparaît peu à peu pour ne laisser que le bouillon
    Kindness is the only language that the deaf can hear and the blind can see - Mark Twain

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    • #3
      Au lieu de mettre 800 millions d'euros dans le Panaf, ils pourraient tout de même fouttre quelques millions de dinars pour ravaler des façades !!

      Dire que les Français ont détruit le centre politique, économique et religieux du vieil Alger à partir de 1830 pour, en partie, anéantir l'identité algérienne.
      Face à ça qu'ont fait les dirigeants algériens à partir de 1962 pour récupérer ce qui était récupérable?

      Tout de même, la Citadelle à Alger, le symbole de l'existence d'un Etat organisé avant la colonisation ! Pourquoi la laisser tomber en ruine? C'est comme si on jetait l'Etat à la poubelle, c'est comme se tirer une balle dans le pied.

      Quand est-ce qu'ils comprendront qu'ont va tout droit à l'état de zombies si on continue comme ça?

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