Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Josh Rushing, le marine d’Al-Jazira

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Josh Rushing, le marine d’Al-Jazira

    La télévision qatarie a recruté pour sa chaîne internationale
    l’ancien porte-parole du commandement des forces américaines en Irak.
    Accusé d’être passé à l’ennemi, l’ex-capitaine s’en défend





    LA VIE du marine Josh Rushing a été changée, un jour de mars 2004, par un
    message sur son répondeur téléphonique. Un inconnu parlait d’un film qui avait été présenté au festival de Sundance. « Bravo, disait-il. Et merci. » Josh Rushing habitait alors à Los Angeles. Après être rentré du Moyen-Orient, il avait été nommé officier de liaison des marines à Hollywood : les
    réalisateurs qui voulaient faire figurer des marines ou de vrais F-18 dans leurs films s’adressaient à lui. Josh Rushing a fait une recherche sur Google. Il a entré son nom et « Sundance ». L’ordinateur a répondu Control Room. Un documentaire de 84 minutes sur la couverture de la guerre en Irak par
    les médias américains et arabes. « Cela a se souvenait d’avoir rencontré la réalisatrice américaine d’origine égyptienne Jehane Noujaim à Doha, alors qu’il était porteparole du Centcom, le commandement des forces américaines en Irak.Elle avait filmé une longue conversation qu’il avait eue avec Hassan brahim,

    un journaliste d’Al-Jazira. Il n’imaginait pas qu’il allait devenir l’un des personnages principaux du film. « Je n’avais pas signé de feuille de consentement. Ils n’avaient même pas pris mon adresse électronique. En fait, c’est en éditant le film qu’ils ont décidé de me donner plus de place. »
    Dans le documentaire, Josh Rushing incarne un soldat qui essaie de comprendre « l’autre point de vue ». Il n’est pas dépourvu d’états d’âme et renvoie Fox News et Al-Jazira dos à dos, propagande pour propagande. Il reconnaît que les morts irakiens le troublent moins que les morts américains. « Beaucoup de réalisateurs se seraient sentis obligés de présenter
    un bon et un méchant, dit-il. Clairement, j’aurais été le méchant. Mais Jehane ne l’a pas fait comme cela. Je lui en sais gré. » Il ne lui en veut plus pour la surprise, mais il n’a vu le film qu’une fois en tout et pour tout. Et un coup de fil, pour prévenir, « aurait été le bienvenu ». Quand le documentaire est sorti dans les salles, le Pentagone a interdit à Josh Rushing de s’exprimer. L’armée ne voulait pas avoir l’air de cautionner le film.






    Lcapitaine a donné sa démission en août etquitté l’armée en octobre 2004, après quatorze ans de service. Il s’était engagé à l’âge de 17 ans. Pour sa famille, c’était une sorte de contribution. Une manière de « rendre à la communauté ce qu’elle vous a donné ». Sa famille est toujours au Texas. Son
    père est pompier bénévole à Lone Star. Sa soeur enseigne la géographie et Josh ne manque jamais d’aller raconter ses voyages aux enfants de l’école : le pôle Nord, la Turquie… « Un fils de l’Amérique moyenne aux yeux bleus », résume-t-il. Un an exactement a passé depuis qu’il a démissionné. Josh Rushing donne ses rendez- vous au Cercle de l’armée et de la marine, à Washington, à deux pas de la Maison-Blanche. Il porte une veste et une
    chemise rayée de présentateur télé – son nouveau métier –, mais on jurerait qu’il est toujours en uniforme. La vie militaire lui manque, s’excuse-t-il. « J’y ai passé toute ma vie adulte. » Josh Rushing était à deux doigts de
    prendre « un job dans une firme de relations publiques au Texas », lorsque Al-Jazira l’a approché. La télévision arabe lui offrait de devenir présentateur sur la chaîne internationale qu’elle compte lancer au printemps 2006. Il a accepté. Il ne veut pas livrer son salaire sauf pour indiquer qu’il est supérieur à ce qu’était son traitement de soldat (70 000 dollars par an).
    Pour Al-Jazira, c’est un bon coup de pub. « La chaîne arabe embauche un
    ancien marine », a titré l’hebdomadaire Time. La chaîne a aussi débauché le Britannique David Frost, un journaliste vedette qui, en février encore, s’entretenait avec Condoleezza Rice, ainsi que des reporters de l’Associated Press et de la BBC. Al-Jazira International entend être une chaîne
    globale. Elle sera fabriquée à Washington, à Londres, à Doha et à Kuala Lumpur. Objectif : gagner l’audience anglophone internationale qui doute de la crédibilité des chaînes américaines. Josh Rushing comprend que certains lui
    reprochent de passer chez l’ennemi. « J’ai tout entendu, soupire-il. On a dit que j’allais espionner pour Al-Jazira. Ou espionner sur Al-Jazira. » Il souligne qu’il sera basé à Washington et qu’il n’aura rien à voir avec la chaîne diffusée en arabe, que le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld a accusée
    de « faire le jeu » des terroristes. « Al- Jazira a été expulsée d’Irak il y a un an pour incitation à la violence. Mais, depuis, est-ce que la violence a diminué ? C’est un faux argument », dit-il.



    L’ex-capitaine croit surtout qu’il pourra continuer à porter le message. « Cela ne va pas être si différent de ce que je faisais dans le corps des marines. Je m’adressais à des audiences étrangères par l’intermédiaire des médias et je leur présentais ce que je pense que l’Amérique représente de meilleur. Maintenant je vais avoir une plateforme beaucoup plus large. » Il décline ce
    que représente l’Amérique « à son meilleur » puis corrige. « Même si on n’est
    pas d’accord avec un certain nombre de choses que l’Amérique a faites, il y a aussi des bonnes choses ici… »
    Il faut encore convaincre les distributeurs de mettre Al-Jazira International sur
    le câble. Josh Rushing assiste aux réunions avec les directeurs des chaînes.
    « S’ils s’inquiètent des liens entre Al-Jazira et Al-Qaida, je leur dis : “Regardez. Je suis un des visages d’Al-Jazira International et je
    suis un marine !” » L’autre point qui fait hésiter les distributeurs est le manque
    d’intérêt des Américains pour les nouvelles de l’étranger. Josh Rushing n’est pas d’accord : les téléspectateurs « sont de plus en plus amateurs de perspectives différentes ». Et les chaînes traditionnelles en
    manquent singulièrement. « Comment en serait-il autrement ? Elles sont toutes dans la même ville, à New York, dans un périmètre de dix blocs. »
    Quand il était porte-parole à Doha, Josh Rushing a été déçu par la presse.
    « Les reporters venaient avant l’entretien me demander quel était le message que je voulais faire passer. » Ils ajustaient leurs questions en conséquence. « Ils savaient que leur public n’avait pas envie de voir un jeune soldat en uniforme être bousculé par des questions trop critiques. »


    Corine Lesnes


    Source :



    25 Octobre 2005
    “If you think education is expensive, try ignorance”
    Derek Bok
Chargement...
X