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L’Année Guermaz, peintre algérien du silence et de la lumière

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  • L’Année Guermaz, peintre algérien du silence et de la lumière

    L’organisation de l´Année Guermaz a été conçue comme un acte de justice rendu à un des plus grands artistes algériens de son siècle, enseveli dans le silence officiel et l’indifférence des médias à son égard.

    La célébration de l’Année Guermaz a donné lieu à diverses manifestations, dont la petite rétrospective qui se tient jusqu’au 19 novembre au Centre culturel algérien de Paris.

    Elle sera suivie du 23 au 27 novembre par l’expo-hommage des plasticiens algériens à leur aîné, puis par l´accrochage de ses œuvres dans les salons de la mairie du 1er arrondissement de Paris.

    C’est au 26, quai du Louvre, en bord de Seine, à quelques mètres du célèbre musée, que vécut l’artiste de 1961 à sa mort solitaire, en août 1996, dans un hôpital parisien.

    Au dessus de la porte d’entrée, une plaque de marbre, apposée en 2003, signale aux passants que le peintre et poète a vécu dans cet immeuble. En Algérie, aucune initiative de ce genre n’a été prise, ni à Mascara, sa ville natale, ni à Oran. L’organisation de l’Année Guermaz a été conçue comme un acte de justice rendu à un des plus grands artistes algériens de son siècle, enseveli dans le silence officiel et l’indifférence des médias à l’égard d’un artiste majeur. Cette initiative citoyenne aura permis de révéler son nom à un large public et aux intellectuels, y compris, chose étonnante, à des plasticiens et étudiants en art.

    Victime, en Algérie, de la paresse intellectuelle dans le plus simple des cas et d’a priori idéologiques inqualifiables dans le plus grave, l’œuvre guermazienne a fait l’objet de critiques élogieuses de la part de spécialistes étrangers, français notamment.

    Il est le seul peintre algérien à faire partie de ce que l’on appelle l’École de Paris. Œuvre d’une grande liberté, anecdotique au départ, ensuite liée au mouvement pictural de l’abstraction lyrique, puis de plus en plus épurée, synthèse d’une connaissance prodigieuse de la matière et de recherches de plus en plus affinées sur la lumière, la peinture de Guermaz s’affiche progressivement comme une plongée dans une spiritualité faite de grâce et d´élévation. Cela lui donne cette profondeur, cette luminescence dont on ne se lasse pas. On reste en extase devant ces toiles, qui vous parlent, vous accrochent, vous guident vers l’intériorité.

    Pour ses admirateurs, Guermaz ne sera pas seulement un peintre, mais une sorte de maître à penser ainsi qu’en témoignent ceux qui l’ont connu. Comment et pourquoi cet homme d’une grande générosité, possédant un talent fou, maître de son art, a-t-il été «oublié» par son pays selon sa propre expression, rapportée par le peintre Ahmed Kara qui l’a côtoyé à Paris. C’est d’ailleurs grâce à ce dernier que le Centre culturel algérien acquit, dans les années quatre-vingts, quelques toiles de Guermaz.

    Nos musées, quant à eux, demeurent d’une pauvreté affligeante.

    Celui d’Oran, ville où Guermaz fit ses études et vécut la plus grande partie de sa vie et celui des Beaux-Arts d’Alger ne possèdent, ensemble, que cinq tableaux. De ce fait, l’Algérie ne dispose en tout et pour tout que de onze toiles de Guermaz sur les cinq cent cinquante environ produites entre les années cinquante et quatre-vingt-dix. Cette estimation provisoire concerne essentiellement les œuvres répertoriées chez les collectionneurs, fonds et institutions muséales étrangers. La politique d’acquisition qui vient d´être timidement relancée ne semble cependant pas s’intéresser à cet héritage.

    Il serait pourtant raisonnable d’entreprendre, au plus vite, son recensement méthodique et son rapatriement partiel.

    On notera qu’à la mort de l’artiste, nos diplomates n’avaient pas estimé utile de procéder à l’inventaire du studio du peintre. L’historienne d’art Malika Bouabdallah Dorbani l’a d’ailleurs rappelé, en mai dernier, lors de la soirée inaugurale de l’Année Guermaz au CCA.

    On sait que le collectionneur français Pierre Rey a récupéré une partie de ses effets, mais est-ce tout ? On saura gré à Pierre Rey d’avoir sauvé de la perte une partie de la mémoire du peintre, dont ses papiers personnels. Il m’en a communiqué des copies pour les besoins de l’écriture de la biographie de l’artiste.

    Chose encore plus surprenante : les œuvres sont peu cotées sur le marché de l’art. La question est essentielle, car cette cotation permet d’évaluer l’importance de l’artiste. La surprise a trouvé réponse dans mes entretiens avec les collectionneurs. Ces derniers refusent de se séparer de leur patrimoine et cherchent, au contraire, à l’enrichir. C’est la raison pour laquelle on ne trouve, pour l’instant, hormis deux petites toiles, aucune offre d’importance sur le marché. Des amateurs – l’un d’entre eux affirme posséder quatre-vingts tableaux – m’ont affirmé qu’ils ne se sépareraient jamais des œuvres de Guermaz et qu’il reviendra à leurs héritiers de décider de ce qu’ils en feront. D’autres, par contre, seraient prêts à en céder quelques-unes, ce qui devrait intéresser nos musées, les grandes entreprises et autres institutions étatiques. L’essentiel étant, à mes yeux, que l’on puisse retrouver, en Algérie, une partie de l’œuvre de cet immense artiste. Actuellement, il est par exemple impossible de monter une rétrospective Guermaz en Algérie sans payer des droits d’assurance exorbitants pour les prêts qui nous seraient consentis par les musées étrangers et les collectionneurs privés.

    Hamid Skif
    écrivain algérien, établi en Allemagne et auteur de plusieurs romans donnera une conférence illustrée sur la vie et l’œuvre de Guermaz le 13 novembre à l’espace Noun.

    Guermaz dans la critique

    «Les peintres du mystère exigent une entrée payante dans ce mystère : des clefs, une conception bien calculée, des hantises, une échelle de valeurs. Les peintres de l’évidence, eux, se contentent de plier cette évidence à leur tempérament : elle reste une évidence ou si on préfère, un élément parfaitement articulé en dehors de l’œuvre. L’exceptionnel, chez Guermaz, est qu’il concilie mystère et évidence : il rend le mystère familier sans avoir à l’apprivoiser par la contrainte». Alain Bosquet. «Poète, Guermaz, qui se manifeste depuis un quart de siècle, peut être considéré comme un initié de l’ésotérisme, et sa peinture dans une double démarche ne décrit pas seulement une ascension vers la sereine solitude (ainsi s’appelle une de ses grandes toiles) : elle est elle-même cette pacifique conquête du cosmos.» Jean-Marie Dunoyer, le Monde. «S’il fut un observateur attentif du monde, Guermaz a su progressivement se libérer du poids des choses, dépasser le jeu des formes, des apparences, pour recueillir ce qui est au cœur des choses, choisir l’esprit au concret. Mais ses œuvres n’en ont jamais pour autant perdu leur saveur, cette véracité qui fait le regard toujours complice des choses avec lesquelles il entre en contact».Jean- Jacques Lévèque. «Quel recueillement, quel silence contemplatif dans les œuvres de Guermaz. Ses nouvelles toiles nous prouvent son cheminement intérieur, depuis les peintures aux ardences volontaires qui étaient un hymne à la réalité coutumière. A présent, l’artiste semble avoir pris de l’altitude avec ses chants aux sonorités blanches».

    Par le Soir

    VOIR GUERMAZ...

    Voir Guermaz, c’est voir
    comment du regard vient l’esprit,
    comment l’esprit vient au regard,
    comment à l’âme porte le regard,
    comment l’âme regarde.

    Roger Dadoun
    ABDELKADER GUERMAZ
    1919-1996
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