www . maitre - eolas.fr Donne une (?) défintion juridique :
Qu'est-ce qu'être français ?
Cette question semble ainsi obnubiler un ministre qui n’a visiblement pas d’autres préoccupations plus importantes, c’est dire si la France va bien et est admirablement gérée.
Comme d’habitude, on oublie de se tourner vers le droit, qui a pourtant des éléments de réponse.
Pour parodier un grand spécialiste de l’identité nationale, quand un juriste entend le mot “nationalité”, il dégaine son Code civil.
C’est là que sont définies les conditions très strictes de l’acquisition de la nationalité. Je rassure toutefois notre ministre bien-aimé, le droit se contente en fait de dire qui est français, pas ce que c’est. Le droit est en effet une matière bien trop sérieuse pour perdre son temps avec des questions qui n’ont pas vraiment de réponse, puisque chacun a la sienne et qu’aucune ne peut prétendre être la bonne.
► La première catégorie de Français, et la plus nombreuse, est la catégorie des Français qui se sont donnés la peine de naître, pour citer Beaumarchais, né à une époque où la nationalité française n’existait pas (c’est une invention révolutionnaire). Ce sont les Français d’origine, ainsi appelés car ils sont français dès l’instant de leur naissance, sans avoir rien demandé à personne. Ils se divisent en deux (car si la Nation est Indivisible, le droit de la nationalité adore les divisions, c’est son côté rebelle).
D’abord, les Français par filiation : est français l’enfant de Français (art. 18 du Code civil). C’est le fameux droit du sang, le jus sanguini, qui pose qu’est de telle nationalité l’enfant de ce lui qui est de telle nationalité, par opposition au droit du sol, jus soli, qui veut qu’est de telle nationalité celui né sur le territoire de tel État, qui sont les deux façons envisageables d’attribuer une nationalité, chaque pays recourant à l’une ou l’autre de ces règles en les assaisonnant à sa façon.
Mes lecteurs les plus sagaces auront tout de suite vu la difficulté : le problème n’est pas réglé, il n’est que transféré à la génération précédente. Comment le père ou la mère (un seul des deux suffit) était-il lui-même Français ?
D’où la deuxième catégorie, mélange de droit du sang et de droit du sol, qui sert de filet de sécurité : est Français l’enfant né en France d’un parent lui-même né en France quelle que soit sa nationalité (art. 19-3 du Code civil). Ainsi, si vous êtes né en France et qu’un de vos parent est lui-même né en France, vous n’avez pas à vous soucier de prouver sa nationalité, vous avez prouvé la vôtre. Et si vous êtes né à l’étranger, il vous suffit de prouver qu’un de vos parents est né en France d’un grand-parent né en France, et vous voilà cocardisé. Sauf que pour les Français dont les parents sont nés dans les anciennes colonies, qui ne sont pas considérées comme territoire français avant la décolonisation pour ce qui concerne la nationalité française, le casse-tête reste entier, avec parfois des conséquences traumatisantes.
Il y a aussi des exceptions même pour ceux nés en France métropolitaine (le droit est la science des divisions et des exceptions) : si les parents nés en France ont vécu un demi-siècle à l’étranger et n’ont pas la possession d’état de français, et que leur enfant n’a pas non plus cette possession d’état, l’acquisition de la nationalité ne joue pas (article 30-3 du Code civil) et le parquet peut faire retirer la nationalité française de celui qui étant dans cette situation l’aurait néanmoins obtenue (art. 23-6 du Code civil). Création des abjectes lois Pasqua de 1993, une des pires œuvres législatives de la République qui s’y connait pourtant en la matière.
Un mot sur la possession d’état, notion importante, à tel point que le législateur s’est abstenu de la définir. C’est un concept emprunté au droit romain de la filiation, les règles de nationalité s’étant largement inspirée de ce droit (le citoyen est un peu l’enfant de la mère patrie, patrie venant d’ailleurs du latin pater, le père (le nationalisme relèverait-il donc d’un Œdipe mal réglé ?), et qui suppose trois conditions : que la personne se dise française (le nomen), soit traitée comme un français par les autorités (le tractatus) et soit considérée par son entourage comme française (la fama). Il faut dire que dans la plupart des cas, la personne se croit vraiment française. J’y reviendrai lors de l’examen de la troisième catégorie.
Ajoutons quelques cas particuliers : l’enfant né de parents inconnus et l’enfant qui sinon naîtrait apatride en France, se voient conférer la nationalité française ; on ne peut naître apatride en France.
Mais la générosité de la France a ses limites : si au cours de sa minorité on découvre que l’enfant né apatride ou de parent inconnus acquiert la nationalité d’un de ses parents (l’un des parents inconnus se manifeste et il est Syldave, or la loi syldave donne la nationalité syldave à l’enfant d’un syldave même né à l’étranger), l’enfant perdra la nationalité française et même sera réputé ne jamais l’avoir été. Oui, côté mère adoptive, la France est vraiment pas terrible (art. 19 et 19-1 du Code civil).
Comme vous le voyez et contrairement à une légende colportée par le Front national, le seul fait de naître en France ne suffit pas à conférer la nationalité française. Le droit du sol existe, mais pour faire effet dès la naissance, il faut que ce soit un double droit du sol : être né en France d’un parent lui-même né en France. Et pour ceux qui voudraient supprimer cette catégorie pour satisfaire leurs instincts xénophobes, je précise que c’est elle seule qui leur donne la certitude de pouvoir prouver leur nationalité française le jour où on leur demandera. Attention donc, à force de haïr les étrangers, de ne pas en devenir un soi-même. Le droit du sol simple existe certes, nous allons le voir tout de suite, mais le sol français est aride : il y a d’autres conditions à remplir avant que la nationalité française n’y germe.
► La deuxième catégorie est celle des Français par acquisition.
Non, ce ne sont pas les descendants d’esclaves achetés pour les colonies, ce sont les Français qui ne sont pas nés Français mais le sont devenus par la suite.
D’abord (par ordre d’apparition dans le Code) viennent les conjoints de Français. Au bout de quatre ans de mariage, cinq ans si le conjoint n’a pas vécu au moins trois ans en France, et à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé et que le conjoint ait une connaissance suffisante de la langue (la communauté de vie est vérifiée par la convocation simultanée des deux époux pour la déclaration, la maitrise de la langue par le fait que toutes les questions sont posées au conjoint étranger ; le conjoint français a vraiment l’impression de perdre une demi-journée, et ce n’est pas une impression, mais depuis le jour de ses noces on lui fait comprendre qu’il est suspect du fait d’avoir épousé un étranger ; je parle d’expérience), le conjoint peut déclarer acquérir la nationalité française. Cette déclaration se fait au tribunal d’instance. Dans le délai d’un an, le ministre chargé des naturalisations peut s’opposer par décret à cette acquisition pour indignité ou défaut d’assimilation, autre que linguistique (ce point a été vérifié par le juge d’instance). C’est ce qui s’est passé dans l’affaire dont je vous avais parlée de cette femme qui portait le Niqab.
Article 21-2 du Code civil.
Viennent ensuite les conjoints du président de la République, qui bénéficient d’une procédure médiatique à effet immédiat. (Aucun article de loi ne prévoit cela, mais depuis quand la loi s’applique-t-elle au plus haut du pouvoir ?)
Voici venir à présent le droit du sol, les Français par la naissance et la résidence en France (j’insiste sur le et la résidence): devient automatiquement Français le jour de ses 18 ans l’enfant né en France de parents étrangers qui réside en France le jour de ses 18 ans, et qui y a résidé au moins 5 ans, de manière continue ou non, depuis ses 11 ans. Qu’une seule condition défaille, et il n’y a pas d’acquisition de la nationalité. Article 21-7 du Code civil.
L’intéressé peut renoncer à la nationalité française dans les six mois précédant sont 18e anniversaire et les 12 mois le suivant, s’il prouve avoir une autre nationalité (on ne devient pas apatride en France). Dans ce dernier cas, il est réputé n’avoir jamais été français.
À l’inverse, l’enfant né en France de parents étrangers peut anticiper cette acquisition par déclaration : soit lui-même à partir de ses seize ans, soit ses parents en son nom à partir de ses treize ans. Dans ce dernier cas, la condition de 5 ans de résidence court à compter de ses 8 ans. Article 21-11 du Code civil.
Qu'est-ce qu'être français ?
Cette question semble ainsi obnubiler un ministre qui n’a visiblement pas d’autres préoccupations plus importantes, c’est dire si la France va bien et est admirablement gérée.
Comme d’habitude, on oublie de se tourner vers le droit, qui a pourtant des éléments de réponse.
Pour parodier un grand spécialiste de l’identité nationale, quand un juriste entend le mot “nationalité”, il dégaine son Code civil.
C’est là que sont définies les conditions très strictes de l’acquisition de la nationalité. Je rassure toutefois notre ministre bien-aimé, le droit se contente en fait de dire qui est français, pas ce que c’est. Le droit est en effet une matière bien trop sérieuse pour perdre son temps avec des questions qui n’ont pas vraiment de réponse, puisque chacun a la sienne et qu’aucune ne peut prétendre être la bonne.
► La première catégorie de Français, et la plus nombreuse, est la catégorie des Français qui se sont donnés la peine de naître, pour citer Beaumarchais, né à une époque où la nationalité française n’existait pas (c’est une invention révolutionnaire). Ce sont les Français d’origine, ainsi appelés car ils sont français dès l’instant de leur naissance, sans avoir rien demandé à personne. Ils se divisent en deux (car si la Nation est Indivisible, le droit de la nationalité adore les divisions, c’est son côté rebelle).
D’abord, les Français par filiation : est français l’enfant de Français (art. 18 du Code civil). C’est le fameux droit du sang, le jus sanguini, qui pose qu’est de telle nationalité l’enfant de ce lui qui est de telle nationalité, par opposition au droit du sol, jus soli, qui veut qu’est de telle nationalité celui né sur le territoire de tel État, qui sont les deux façons envisageables d’attribuer une nationalité, chaque pays recourant à l’une ou l’autre de ces règles en les assaisonnant à sa façon.
Mes lecteurs les plus sagaces auront tout de suite vu la difficulté : le problème n’est pas réglé, il n’est que transféré à la génération précédente. Comment le père ou la mère (un seul des deux suffit) était-il lui-même Français ?
D’où la deuxième catégorie, mélange de droit du sang et de droit du sol, qui sert de filet de sécurité : est Français l’enfant né en France d’un parent lui-même né en France quelle que soit sa nationalité (art. 19-3 du Code civil). Ainsi, si vous êtes né en France et qu’un de vos parent est lui-même né en France, vous n’avez pas à vous soucier de prouver sa nationalité, vous avez prouvé la vôtre. Et si vous êtes né à l’étranger, il vous suffit de prouver qu’un de vos parents est né en France d’un grand-parent né en France, et vous voilà cocardisé. Sauf que pour les Français dont les parents sont nés dans les anciennes colonies, qui ne sont pas considérées comme territoire français avant la décolonisation pour ce qui concerne la nationalité française, le casse-tête reste entier, avec parfois des conséquences traumatisantes.
Il y a aussi des exceptions même pour ceux nés en France métropolitaine (le droit est la science des divisions et des exceptions) : si les parents nés en France ont vécu un demi-siècle à l’étranger et n’ont pas la possession d’état de français, et que leur enfant n’a pas non plus cette possession d’état, l’acquisition de la nationalité ne joue pas (article 30-3 du Code civil) et le parquet peut faire retirer la nationalité française de celui qui étant dans cette situation l’aurait néanmoins obtenue (art. 23-6 du Code civil). Création des abjectes lois Pasqua de 1993, une des pires œuvres législatives de la République qui s’y connait pourtant en la matière.
Un mot sur la possession d’état, notion importante, à tel point que le législateur s’est abstenu de la définir. C’est un concept emprunté au droit romain de la filiation, les règles de nationalité s’étant largement inspirée de ce droit (le citoyen est un peu l’enfant de la mère patrie, patrie venant d’ailleurs du latin pater, le père (le nationalisme relèverait-il donc d’un Œdipe mal réglé ?), et qui suppose trois conditions : que la personne se dise française (le nomen), soit traitée comme un français par les autorités (le tractatus) et soit considérée par son entourage comme française (la fama). Il faut dire que dans la plupart des cas, la personne se croit vraiment française. J’y reviendrai lors de l’examen de la troisième catégorie.
Ajoutons quelques cas particuliers : l’enfant né de parents inconnus et l’enfant qui sinon naîtrait apatride en France, se voient conférer la nationalité française ; on ne peut naître apatride en France.
Mais la générosité de la France a ses limites : si au cours de sa minorité on découvre que l’enfant né apatride ou de parent inconnus acquiert la nationalité d’un de ses parents (l’un des parents inconnus se manifeste et il est Syldave, or la loi syldave donne la nationalité syldave à l’enfant d’un syldave même né à l’étranger), l’enfant perdra la nationalité française et même sera réputé ne jamais l’avoir été. Oui, côté mère adoptive, la France est vraiment pas terrible (art. 19 et 19-1 du Code civil).
Comme vous le voyez et contrairement à une légende colportée par le Front national, le seul fait de naître en France ne suffit pas à conférer la nationalité française. Le droit du sol existe, mais pour faire effet dès la naissance, il faut que ce soit un double droit du sol : être né en France d’un parent lui-même né en France. Et pour ceux qui voudraient supprimer cette catégorie pour satisfaire leurs instincts xénophobes, je précise que c’est elle seule qui leur donne la certitude de pouvoir prouver leur nationalité française le jour où on leur demandera. Attention donc, à force de haïr les étrangers, de ne pas en devenir un soi-même. Le droit du sol simple existe certes, nous allons le voir tout de suite, mais le sol français est aride : il y a d’autres conditions à remplir avant que la nationalité française n’y germe.
► La deuxième catégorie est celle des Français par acquisition.
Non, ce ne sont pas les descendants d’esclaves achetés pour les colonies, ce sont les Français qui ne sont pas nés Français mais le sont devenus par la suite.
D’abord (par ordre d’apparition dans le Code) viennent les conjoints de Français. Au bout de quatre ans de mariage, cinq ans si le conjoint n’a pas vécu au moins trois ans en France, et à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé et que le conjoint ait une connaissance suffisante de la langue (la communauté de vie est vérifiée par la convocation simultanée des deux époux pour la déclaration, la maitrise de la langue par le fait que toutes les questions sont posées au conjoint étranger ; le conjoint français a vraiment l’impression de perdre une demi-journée, et ce n’est pas une impression, mais depuis le jour de ses noces on lui fait comprendre qu’il est suspect du fait d’avoir épousé un étranger ; je parle d’expérience), le conjoint peut déclarer acquérir la nationalité française. Cette déclaration se fait au tribunal d’instance. Dans le délai d’un an, le ministre chargé des naturalisations peut s’opposer par décret à cette acquisition pour indignité ou défaut d’assimilation, autre que linguistique (ce point a été vérifié par le juge d’instance). C’est ce qui s’est passé dans l’affaire dont je vous avais parlée de cette femme qui portait le Niqab.
Article 21-2 du Code civil.
Viennent ensuite les conjoints du président de la République, qui bénéficient d’une procédure médiatique à effet immédiat. (Aucun article de loi ne prévoit cela, mais depuis quand la loi s’applique-t-elle au plus haut du pouvoir ?)
Voici venir à présent le droit du sol, les Français par la naissance et la résidence en France (j’insiste sur le et la résidence): devient automatiquement Français le jour de ses 18 ans l’enfant né en France de parents étrangers qui réside en France le jour de ses 18 ans, et qui y a résidé au moins 5 ans, de manière continue ou non, depuis ses 11 ans. Qu’une seule condition défaille, et il n’y a pas d’acquisition de la nationalité. Article 21-7 du Code civil.
L’intéressé peut renoncer à la nationalité française dans les six mois précédant sont 18e anniversaire et les 12 mois le suivant, s’il prouve avoir une autre nationalité (on ne devient pas apatride en France). Dans ce dernier cas, il est réputé n’avoir jamais été français.
À l’inverse, l’enfant né en France de parents étrangers peut anticiper cette acquisition par déclaration : soit lui-même à partir de ses seize ans, soit ses parents en son nom à partir de ses treize ans. Dans ce dernier cas, la condition de 5 ans de résidence court à compter de ses 8 ans. Article 21-11 du Code civil.
Commentaire