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Les bonnes affaires des immigrés de la «petite Afrique» à Canton

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  • Les bonnes affaires des immigrés de la «petite Afrique» à Canton

    L'atelier du monde a son «M. Afrique». À Canton, dans le sud de la Chine, Emma Ojukwu s'est naturellement imposé comme l'intermédiaire principal entre la plus grande communauté africaine du pays et les autorités locales. Parce qu'il est le patron de l'Association des Nigérians de Chine, nationalité africaine la plus représentée. Et parce que ses réseaux, dans l'administration et la police chinoises, font que bien d'autres Africains, y compris francophones, viennent frapper à sa porte quand une «embrouille» pointe son nez.

    Selon Emma Ojukwu, les Nigérians seraient 3 000 ou 4 000 autour de Canton, et plus de 7 000 dans toute la Chine. Certaines estimations sont beaucoup plus hautes. Ses téléphones tressautent sans arrêt. Ici, il s'agit d'aider un compatriote dont le visa a expiré et qui n'a plus un yuan en poche. Là, d'un rendez-vous avec le Criminal Department pour régler un cas plus épineux. «Bien sûr, les problèmes augmentent en même temps que la population africaine, dit-il. Un seul Africain arrêté pour trafic de drogue, cela se voit et nous donne une mauvaise image.»

    De fait, dans la «petite Afrique», nom donné au quartier de Canton où la diaspora africaine s'est concentrée, des voitures de police stationnent à chaque coin de rue. Il y a quelques semaines, des centaines d'Africains ont attaqué un commissariat après que deux Nigérians se furent blessés en sautant par une fenêtre pour échapper à une rafle. Les autorités chinoises font cependant attention à ne pas agir trop durement, par souci d'image vis-à-vis de ce continent désormais si important. Le grand sujet reste celui des visas. «Les autorités chinoises nous ont promis de nouvelles réglementations plus souples pour bientôt», assure Emma Ojukwu.

    À Canton, dans la touffeur méridionale chinoise, les Africains se sentent plus à l'aise que dans la dure Chine du Nord. Combien sont-ils au total dans le pays ? Impossible de trouver des statistiques officielles. Les estimations varient entre 20 000 et 100 000 personnes, voire bien plus. Le soir, dans les ruelles africanisées, déambulent des colosses en tee-shirt de basketteur américain ou au contraire très chics, avec tout l'art de la «sape» congolaise. Des femmes opulentes en boubous colorés aussi, attirées par les affiches d'un coiffeur chinois affirmant, dans un drôle de mariage franco-anglais : «Very very good couleur, cheveu lisse style Paris.» Dans les restaurants, les poulets yassa supplantent les raviolis, tandis que des vendeuses chinoises sourient derrière des caisses de DVD pirates d'african movies. Les agences de voyage font de la publicité pour des vols vers Lagos ou Addis Abeba. Souvent informelle, cette économie transcontinentale se porte plutôt bien.

    Le développement des flux

    Une rue plus loin, on est au Sénégal. Dans l'antichambre de Teranga Trading Co., un joli capharnaüm de téléviseurs, chaussures et autres produits. Au mur du bureau du jovial PDG, une photo d'un jeune homme en uniforme de l'armée de l'air sénégalaise serrant la main de l'ancien président Abdou Diouf. «J'avais commencé une formation de pilote au Maroc, puis j'ai bifurqué comme ingénieur électronicien», raconte-t-il. Faute de visa pour l'Australie, le voyage s'est arrêté à Bangkok où Mouhamadou Moustapha Dieng s'est lancé dans le commerce avec son pays d'origine. Avant de gagner Canton, où il est aujourd'hui à la tête de la plus grosse entreprise de transport à destination de Dakar et autres terres avoisinantes. Moustapha se félicite du développement des flux Chine-Afrique, qui lui permettent d'expédier une centaine de conteneurs par mois. Il concède cependant quelques inquiétudes, là-bas. «C'est vrai que de plus en plus de petits commerçants chinois arrivent dans la foulée des employés des grands groupes, explique-t-il. À Dakar, ils ont investi le boulevard du Centenaire ou l'avenue Charles-de-Gaulle. Ils concurrencent fortement les petits marchands locaux». Certains pays africains tentent de régler le problème en autorisant les Chinois à s'installer comme grossistes, pas à ouvrir des magasins.

    Les reproches faits à la Chine de vampiriser sans vergogne les ressources africaines en matières premières font hausser les épaules au «M. Afrique» de Canton. «Oui, les Chinois veulent du pétrole ou du minerai en Afrique, lance Emma Ojukwu, mais le volent-ils ? Non, ils le payent. C'est du business tout simplement.» Pour lui, les maux de l'Afrique viennent de la corruption et l'incurie de gouvernements, qui se soucient peu de leurs populations. «C'est là notre grand malheur, dit-il, et ce n'est pas le problème de la Chine !» Là-dessus, les dirigeants de Pékin sont mille fois d'accord.

    Par Le Figaro
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