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La friperie ou une facette de la misère à M’chedallah

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  • La friperie ou une facette de la misère à M’chedallah

    La friperie connaît une véritable explosion qui attire de plus en plus de monde tant du côté des vendeurs que de celui des acheteurs, une activité qui occupait il y a peine une année le quart d’un stand au marché hebdomadaire de M’chedallah et qui a accaparé à l’heure actuelle une bonne moitié de la surface globale réservée à l’ensemble du marché en raison d’une forte demande.

    Les plus aisés de ces marchands de vieux vêtements utilisent des étalages démontables ou des lits de camps pliables ! Le reste entrepose leur marchandise en tas à même le sol.

    De plus la vente se fait à la criée ; les stands non aménagés sont poussiéreux, les milliers de pieds qui foulent ces surfaces en terre battue soulèvent une fine couche de poussière une heure après l’ouverture du marché. Cet endroit ressemble à un champ de bataille de l’ère romaine, tout y est : cris, bousculades, vociférations... le tout enveloppé d’une nappe de brume plongeant ces lieux dans un décor irréel, fantomatique. C’est le stand qui attire le plus de monde, et c’est devenue une habitude pour tous ceux qui fréquentent ce marché d’y faire un tour chez les fripiers.

    A peine arrivés, on plonge dans le tas, on soulève ces chiffons par brassées, on soupèse, on compare et on plonge de nouveau sans savoir exactement ce qu’on cherche. Fébrilement c’est le stand auquel on consacre le plus de temps pour le quitter bien souvent sans avoir rien pris, comme si le fait de tripoter ces vêtements procure un certain plaisir, hélas, ce n’est qu’une première impression. Ce qui fait rappliquer tous les acheteurs potentiels vers cette surface réservée aux vêtements usagés, c’est surtout le fait qu’ils soient à la portée de toutes les bourses ; la plupart de ces malheureux pères de familles ne peuvent se permettre le luxe de s’offrir un vêtement neuf pour leurs enfants, encore moins pour eux-mêmes.

    Ces marchés hebdomadaires sont l’endroit idéal pour se rendre compte du pouvoir d’achat et du niveau de vie de la population. Il n’y a vraiment pas de quoi être fier ! Pour les personnes de nature sensibles ce sont des lieux à éviter, ils reflètent la misère dans toute sa dimension. La chemise “Chréa” et la chaussure tressée “Sonipex” qui ont fait fureur même en Europe dans les années 80 au même titre que les blousons en cuir de la même sonipec, ces défunts produits de haute qualité bien de chez nous, ont été éliminés par une politique assassine achevés par les barons de l’import export. Ces tas de chiffons importés de la Turquie remuent de douloureux souvenirs dans la mémoire de la génération de cette époque qui a suivi la mort dans l’âme la fermeture l’une après l’autre de toutes ces prestigieuses sociétés nationales qui ont fait la fierté de l’Algérie, voire de tout le Maghreb.

    Cette génération mesure avec effroi la distance parcourue depuis cette époque… — à reculons — et l’on s’entête à prétendre encore aligner l’Algérie dans le concert des nations, au moment où la population attend l’arrivage des bateaux chargés de ballots de chiffons provenant de l’Europe pour s’habiller. Le rush sur la friperie augmente d’intensité en cette période de fin d’automne. Les citoyens de cette région au climat exceptionnellement rude tentent de trouver des vêtements chauds pour affronter l’hiver.

    Comment, serait-il autrement, sachant que la plupart des citoyens ne peuvent acquérir des moyens de chauffage, même quand l’équipement existe !

    Ceux habitants les régions de hautes montagnes non alimentées en gaz de ville ne sont pas nombreux à pouvoir se payer une bonbonne de gaz butane tout les trois jours à raison de 200 DA l’unité en plus de celle destinée à la cuisine. Même le bois de chauffage se fait rare car les forêts d’où s’approvisionne la population en bois mort pour le chauffage ont été détruits par les innombrables incendies de l’été. Combien sont-ils à se débarrasser que des chaussures et gardent tous les vêtements pour dormir à cause du froid et du manque de moyens de chauffage ? “Qui va bercer le sommeil d’Ath Vou-Seidh la faim ou le froid ?”, disait l’un des plus anciens adages de ces contrées damnées.

    Messieurs, vous qui nous gouvernez, après les couffins du Ramadhan qui ont calmé notre faim (quand ils ne sont pas détournés), envoyez-nous des bonbonnes de narguilé pour chauffer non entrailles durant les nuits glaciales de l’hiver ou alors distribuez-nous quelques ballots de chiffons importés.

    Par la Dépêche de Kabylie
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