Contrairement aux cellules souches qui sont "prêtes à tout" (elles n’ont pas encore de spécialisation) et qui peuvent se diviser indéfiniment en culture, la majorité des cellules adultes de notre organisme ont une fonction bien définie et ne se divisent pas -ou peu. Pour imaginer une médecine régénératrice, il faut donc utiliser des cellules souches embryonnaires ou reprogrammer des cellules adultes pour les ramener à leur état de cellules souches (lire La troisième voie des cellules souches).
A moins qu’il soit possible d’amener une cellule adulte et spécialisée à se multiplier indéfiniment tout en lui laissant sa spécialisation, autrement dit sans lui faire subir une cure de rajeunissement… C’est ce qu’ont observé Michael Sieweke et ses collègues du Centre d'immunologie de Marseille-Luminy (Université Aix-Marseille-2/CNRS/Inserm) en travaillant sur des macrophages, des cellules du système immunitaire qui peuvent phagocyter des bactéries, des virus ou des cellules endommagées.
Après avoir inactivé deux gènes chez des macrophages de souris, ces chercheurs ont constaté que les cellules avaient retrouvé leur capacité à se diviser. Un résultat inattendu, précise Michael Sieweke. «Contrairement à une prolifération anormale induite chez des cellules adultes, qui peuvent alors devenir cancéreuses, nous avons là une division contrôlée des macrophages». Une fois réintroduits chez la souris, ces macrophages se comportent d’ailleurs normalement: ils jouent leur rôle habituel avec une durée de vie aussi courte que leurs congénères. «Ils ne continuent pas à se multiplier au hasard une fois réinjectés chez la souris» ajoute le chercheur.
C’est en supprimant deux facteurs de transcription au sein des macrophages, des protéines qui régulent l’expression des gènes, que les chercheurs de Marseille ont rendu à ces cellules leur capacité de se multiplier en culture. «Nous déduisons du résultat obtenu que ces facteurs induisent normalement l’arrêt du cycle cellulaire une fois la cellule différentiée et spécialisée», explique Michael Sieweke.
Si ces résultats sont reproductibles sur des macrophages ou des monocytes humains, il deviendrait possible de multiplier ces cellules et de les réinjecter chez des patients qui en manquent suite à une maladie, ou pour mieux lutter contre le cancer.
Au-delà des macrophages, les chercheurs pensent avoir découvert un mécanisme plus général qui pourrait s’appliquer à d’autres types cellulaires de l’organisme, ouvrant de nouvelles voies de recherches en médecine régénératrice.
La troisième voie des cellules souches
C'est l'échappée belle de l'outsider, celui qu'on avait perdu de vue durant la course et qui pourrait bien coiffer ses concurrents sur le poteau. Quelle course ? Celle pour obtenir à profusion des cellules souches, la clé de la future médecine régénératrice. Et l'outsider inattendu, ce sont des cellules tout ce qu'il y a de plus banal, des fibroblastes de l'épiderme humain que deux équipes, une japonaise et une américaine, ont fait régresser jusqu'à l'état de cellules souches originelles. Juvéniles, comme si on venait de les extraire d'un embryon ! Le résultat est extraordinaire car il ouvre une voie totalement nouvelle.
Jusque-là, tous les espoirs reposaient sur les cellules souches adultes et embryonnaires. Et ce en dépit des problèmes qu'elles posent. A savoir que les premières sont en très petite quantité dans un organisme adulte et que les «niches» où elles se cachent ne sont toujours pas bien définies. Quant aux secondes, elles seraient a priori idéales. Seulement, là, c'est du côté éthique que ça coince. Souvent obtenues sur des embryons surnuméraires issus de FIV (fécondations in vitro), elles ont suscité de telles critiques que les recherches ont été retardées et strictement encadrées dans la plupart des pays (voir S. et A. n° 722, avril 2007). C'est le cas au Japon et c'est peut-être ce qui a poussé l'équipe de Shinya Yamanaka (université de Kyoto) à se lancer dans cette voie novatrice.
Le principe semble simple : ajouter à des cellules adultes différenciées un cocktail de gènes leur permettant de se dé-différencier et de revenir à l'état plus immature de cellules souches. Pour remonter le temps encore a-t-il fallu «essayer une liste de 24 gènes candidats avant de trouver les bons», explique Michèle Martin (CEA), spécialiste des cellules souches de l'épiderme humain. En tout cas, la recette de Shinya Yamanaka semble la bonne s'il faut en juger par celle, très semblable, trouvée par la seconde équipe, dirigée par James Thomson (université du Wisconsin-Madison).
Dans la recherche biomédicale, c'est un coup de tonnerre dont l'écho a été prolongé par une déclaration du «père» de la brebis Dolly, l'Ecossais Ian Wilmut : il vient d'annoncer qu'il abandonne le clonage pour se lancer dans cette nouvelle technique de production de cellules souches (nommées IPS : cellules souches pluripotentes induites).
Et en effet, la méthode semble ne réunir que des avantages. Pas de barrière éthique : tous les pays même les plus intégristes en la matière comme la Pologne peuvent l'adopter. Production de masse possible : pour l'instant, le taux d'obtention n'est que d'une colonie de cellules souches pour 5000 fibroblastes ciblés mais la technique permet une fréquence élevée d'ensemencement.
Et surtout, elle utilise les propres cellules de l'individu. «On peut véritablement commencer à penser à une médecine personnalisée, autologue», dit John De Vos (Institut de recherche en biothérapie de Montpellier) qui vient d'obtenir le financement pour un projet similaire. D'ailleurs la démonstration de principe vient d'être faite sur des souris atteintes de drépanocytose, une maladie génétique affectant la forme des globules rouges. Selon un article de Science (7 décembre), l'équipe américaine de Rudolf Jaenisch a réussi à traiter ces souris en leur injectant des cellules pluripotentes reprogrammées, après correction de la mutation.
Par Hervé Ratel Sciences et Avenir
A moins qu’il soit possible d’amener une cellule adulte et spécialisée à se multiplier indéfiniment tout en lui laissant sa spécialisation, autrement dit sans lui faire subir une cure de rajeunissement… C’est ce qu’ont observé Michael Sieweke et ses collègues du Centre d'immunologie de Marseille-Luminy (Université Aix-Marseille-2/CNRS/Inserm) en travaillant sur des macrophages, des cellules du système immunitaire qui peuvent phagocyter des bactéries, des virus ou des cellules endommagées.
Après avoir inactivé deux gènes chez des macrophages de souris, ces chercheurs ont constaté que les cellules avaient retrouvé leur capacité à se diviser. Un résultat inattendu, précise Michael Sieweke. «Contrairement à une prolifération anormale induite chez des cellules adultes, qui peuvent alors devenir cancéreuses, nous avons là une division contrôlée des macrophages». Une fois réintroduits chez la souris, ces macrophages se comportent d’ailleurs normalement: ils jouent leur rôle habituel avec une durée de vie aussi courte que leurs congénères. «Ils ne continuent pas à se multiplier au hasard une fois réinjectés chez la souris» ajoute le chercheur.
C’est en supprimant deux facteurs de transcription au sein des macrophages, des protéines qui régulent l’expression des gènes, que les chercheurs de Marseille ont rendu à ces cellules leur capacité de se multiplier en culture. «Nous déduisons du résultat obtenu que ces facteurs induisent normalement l’arrêt du cycle cellulaire une fois la cellule différentiée et spécialisée», explique Michael Sieweke.
Si ces résultats sont reproductibles sur des macrophages ou des monocytes humains, il deviendrait possible de multiplier ces cellules et de les réinjecter chez des patients qui en manquent suite à une maladie, ou pour mieux lutter contre le cancer.
Au-delà des macrophages, les chercheurs pensent avoir découvert un mécanisme plus général qui pourrait s’appliquer à d’autres types cellulaires de l’organisme, ouvrant de nouvelles voies de recherches en médecine régénératrice.
La troisième voie des cellules souches
C'est l'échappée belle de l'outsider, celui qu'on avait perdu de vue durant la course et qui pourrait bien coiffer ses concurrents sur le poteau. Quelle course ? Celle pour obtenir à profusion des cellules souches, la clé de la future médecine régénératrice. Et l'outsider inattendu, ce sont des cellules tout ce qu'il y a de plus banal, des fibroblastes de l'épiderme humain que deux équipes, une japonaise et une américaine, ont fait régresser jusqu'à l'état de cellules souches originelles. Juvéniles, comme si on venait de les extraire d'un embryon ! Le résultat est extraordinaire car il ouvre une voie totalement nouvelle.
Jusque-là, tous les espoirs reposaient sur les cellules souches adultes et embryonnaires. Et ce en dépit des problèmes qu'elles posent. A savoir que les premières sont en très petite quantité dans un organisme adulte et que les «niches» où elles se cachent ne sont toujours pas bien définies. Quant aux secondes, elles seraient a priori idéales. Seulement, là, c'est du côté éthique que ça coince. Souvent obtenues sur des embryons surnuméraires issus de FIV (fécondations in vitro), elles ont suscité de telles critiques que les recherches ont été retardées et strictement encadrées dans la plupart des pays (voir S. et A. n° 722, avril 2007). C'est le cas au Japon et c'est peut-être ce qui a poussé l'équipe de Shinya Yamanaka (université de Kyoto) à se lancer dans cette voie novatrice.
Le principe semble simple : ajouter à des cellules adultes différenciées un cocktail de gènes leur permettant de se dé-différencier et de revenir à l'état plus immature de cellules souches. Pour remonter le temps encore a-t-il fallu «essayer une liste de 24 gènes candidats avant de trouver les bons», explique Michèle Martin (CEA), spécialiste des cellules souches de l'épiderme humain. En tout cas, la recette de Shinya Yamanaka semble la bonne s'il faut en juger par celle, très semblable, trouvée par la seconde équipe, dirigée par James Thomson (université du Wisconsin-Madison).
Dans la recherche biomédicale, c'est un coup de tonnerre dont l'écho a été prolongé par une déclaration du «père» de la brebis Dolly, l'Ecossais Ian Wilmut : il vient d'annoncer qu'il abandonne le clonage pour se lancer dans cette nouvelle technique de production de cellules souches (nommées IPS : cellules souches pluripotentes induites).
Et en effet, la méthode semble ne réunir que des avantages. Pas de barrière éthique : tous les pays même les plus intégristes en la matière comme la Pologne peuvent l'adopter. Production de masse possible : pour l'instant, le taux d'obtention n'est que d'une colonie de cellules souches pour 5000 fibroblastes ciblés mais la technique permet une fréquence élevée d'ensemencement.
Et surtout, elle utilise les propres cellules de l'individu. «On peut véritablement commencer à penser à une médecine personnalisée, autologue», dit John De Vos (Institut de recherche en biothérapie de Montpellier) qui vient d'obtenir le financement pour un projet similaire. D'ailleurs la démonstration de principe vient d'être faite sur des souris atteintes de drépanocytose, une maladie génétique affectant la forme des globules rouges. Selon un article de Science (7 décembre), l'équipe américaine de Rudolf Jaenisch a réussi à traiter ces souris en leur injectant des cellules pluripotentes reprogrammées, après correction de la mutation.
Par Hervé Ratel Sciences et Avenir
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