De la situation sociopolitique et culturelle de l'Algérie à l'aube du 20è siècle.
Depuis l'avènement colonial français de 1830, et bien avant l'émergence des multiples tendances culturelles, éducatives, et plus tard sociopolitiques et autres mouvances contestataires au 20è siècle, rapportent historiens et anthropo-sociologues, tels Belkacem Saadâllah, Mahfoud Kaddache, Djamel Guerid, Abdelkader Djeghloul, Gilbert Meynier, etc., l'Algérie est particulièrement marquée par la prédominance de divers pôles socioculturels, s'activant chacun dans sa sphère de prédilection, de manière rivalisante, opposée ou nettement divergente avec les options doctrinales propres à chaque tendance.
Ainsi, nombre d'historiens et observateurs nationaux et étrangers font,souvent état du constat d'une certaine dualité oppositionnelle présente à différentes étapes de l'évolution historique de l'Algérie ; comme , par exemple , - selon le Dr Djamel Guerid, ( in L'exception Algérienne, Casbah Editions, Alger 2007), - cette dualité caractéristique entre " Hamdan Khodja, le négociateur moderniste et l' Emir Abdelkader, le politico-militaire traditionaliste . Ou encore celle entre Ferhat Abbas, l'assimilationniste électoraliste et Ben Badis, le réformiste religieux traditionaliste, ou , toujours selon Djamel Guerid , la dualité francophones /arabophones, ou encore , l'exemple dans l'Algérie indépendante " société moderne /société traditionnelle ",etc., etc. Avant de s'étaler là-dessus, sur cette dualité et ses implications actuelles, on pourrait tout aussi remonter le cours de l'histoire profonde du pays, bien au-delà de l'avènement colonial français de 1830 scindant le pays en société coloniale des nantis et société colonisée des déshérités, c'est-à-dire jusqu'aux périodes de l'histoire ancestrale du pays , pour rapporter, cet autre exemple, de cas particulier de " dualité " rivale , pendant l'ère de la présence romaine au Maghreb : celle qui avait opposé, notamment , Syphax allié aux Carthaginois, à Massinissa rallié aux Romains.
Comme l'on pourrait citer, également, cet autre exemple de dualité adverse , à un autre moment de l'histoire du pays , lors de l'avènement de l'Islam au Maghreb et l'émergence conséquente de royaumes qui assistèrent , notamment, au surgissement de ce shiisme dualiste caractéristique , tranché, entre musulmans orthodoxes Malékites et musulmans Hanéfites, et autre : dualisme qui ne s'accentuera que davantage avec la venue des Ottomans, par la suite, favorisant la discrimination entre notabilités musulmanes algériennes privilégiées pro- turques /tribus musulmanes algériennes insurgées et réfractaires notamment aux impôts et impositions diverses de la soldatesque musulmane turque….
De même que des tribus d'obédience maraboutiques diverses manifesteront une nette opposition doctrinale entre elles : cas de nombre de zaouias ( confréries religieuses des Kadiriya, Rahmania, Tidjania, Derkaoua,etc…) rivales , certaines se complaisant dans le mysticisme boudant la société , d'autres s'intégrant, plus ou moins, dans son cours historique.De même qu'avec l'invasion coloniale française de 1830, cette dualité s'exacerbera nettement, entre confréries maraboutiques réfractaires et confréries religieuses alliée aux colons, etc,etc… On pourrait multiplier indéfiniment les exemples , mais d'une manière générale , en adoptant cette manière apparemment réductrice ou dichotomique dans la démarche d'appréhension des faits historiques, ou vision manichéenne, on risque fort, d'ébaucher une approche superficielle de l'histoire : on ne peut guère , de la sorte, espérer à proprement dire, par le simple truchement de la " dualité caractéristique " expliciter et clarifier assez objectivement la teneur compliquée du cours des choses! Car, les choses étant beaucoup plus complexes qu'elles ne paraissent l'être, en général, c'est plutôt à la complexité des rapports interactionnels de leurs multiples tendances confrontationnelles qui les sous-tendent , -- auxquelles les conjonctures déterminantes de toute époque historique nous convient généralement,-- qu' il convient de se référer, peut être , pour pouvoir espérer accroître les possibilités d'une meilleure saisie analytique des faits cernés, sous l'angle d'approche nécessairement pluraliste ou interdisciplinaire, et encore ? Pour en revenir à la situation conjoncturelle qui prévalait aux lendemains de l'irruption de l'ordre colonial français de 1830, comme nous l'indiquent aussi bien chercheurs universitaires nationaux qu'étrangers, elle est tout particulièrement caractérisée par certaines rivalités , à l'image de la dualité Emir Abdelkader ,à l'Ouest, et Hadj Ahmed Bey, à l'Est , ou encore la dualité opposant dans le champ d'idées Hamdan Khodja à l'Emir Abdelkader , durant la période succédant à l'invasion coloniale française.
Sauf que dans ce dernier cas évoqué , ce dualisme constitue à vrai dire , le cas typique , non pas d'une dualité simpliste caractérisant un Hamdan Khodja de tendance " moderniste ", face à un Abdelkader de tendance " traditionaliste ", par exemple , comme le mentionne Djamel Guerid dans son ouvrage " L'exception Algérienne " ( même si en conclusion générale il aura tenté de se rattraper, en esquissant en deux lignes certains éléments de convergence…), mais a trait plutôt , en fait, aux parties visibles d'un monumental iceberg cristallisant divers courants idéologiques rivaux et tributaires, surtout, d'un même pole doctrinal fondamental et non oppositionnel- parallèle, cette dernière tendance radicalement divergente étant inhérente aux positions doctrinales d' autres pôles distincts du Mouvement National Algérien.
Ainsi , c'est partant de cette phase bouleversante , que la situation sociopolitique et culturelle en Algérie, allait déterminer et influer , d'une manière générale , dès l'aube du 20 è siècle, sur l'émergence progressive de trois grands pôles socio-politico-culturels principaux , et qui , en nous appuyant sur la classification de l'éminent historien Belkacem Saadallah (cf. " Le Mouvement National Algérien, Sned , Alger 1988), se présentaient globalement comme suit :
A)- Le pôle religieux :
Ce pôle est caractérisé par trois tendances traditionalistes et réformistes :
1- la tendance traditionnelle héritée des Zaouias " soufies " ancestrales caractérisée, par d'une part, une attitude dynamique d'insurrections djihadistes intermittentes, telles celles des Mourabitoune Soufis , Lalla fatma N'Soumer, Cheikh Haddad, Cheikh Bouaâmama , etc., menées contre l'occupant colonial français, et par une attitude passive de complaisance dans le mysticisme marginal des " Touroq " ( voies) de certaines branches Tidjania, Rahmania et autres , qui ne contribuèrent pas de façon directe à l'engagement initié de résistance nationale, d'autre part.
Cette tendance traditionaliste s'est développée surtout durant le 19 è siècle, le colonialisme ayant tenté d'éradiquer les zaouias réfractaires et d'instrumentaliser les confréries mystiques maraboutiques.
2- La tendance intermédiaire de la mouvance religieuse fournissant traditionnellement les fonctions de jurisprudence musulmane , des services administratifs ,etc. des Faqihs, Cadis, Khodjas, Imams, enseignants ,etc., sur qui les pouvoirs publics municipaux coloniaux s'appuyaient en les soutenant, finançant et réorientant, à l'image de l'institution instrumentalisée des bureaux arabes. Tendance qui impulsera également l'émergence d'écoles franco-arabes d'où sortiront des lettrés oeuvrant de connivence avec l'école orientaliste française, et qui seront appelés à pourvoir le réseau des structures administratives coloniales annexes à travers le " territoire pacifié ".
3 - La tendance religieuse réformiste , dont les prémices furent l'oeuvre, en se référant aux écrits du précurseur El Medjaoui et ceux de El Mekki Ben Badis, auxquels succèderont par la suite leurs adeptes et neveux , tels Ben Cheneb, Ben Mouhoub, Ben Khodja, ou encore H'mida Ben Badis et Abdelhamid Ben Badis , ce dernier fondant plus tard l'Association des Oulémas Musulmans Algériens.
Cette tendance qui s'était caractérisée au début par un réformisme timide , réduit à des " Khotbas " ( discours religieux) dans les mosquées, quelques articles de presse ou de menus ouvrages de préceptes religieux , changea radicalement avec l'avènement des Oulémas qui adoptèrent une toute autre stratégie d'action , basée essentiellement sur l'enseignement -éducation des couches populaires, la sensibilisation sur le terrain, contre notamment le mysticisme, les mythes obscurantistes , la vulgarisation du patrimoine culturel et civilisationnel de l'Islam, l'assainissement social, etc.…
A suivre...
Depuis l'avènement colonial français de 1830, et bien avant l'émergence des multiples tendances culturelles, éducatives, et plus tard sociopolitiques et autres mouvances contestataires au 20è siècle, rapportent historiens et anthropo-sociologues, tels Belkacem Saadâllah, Mahfoud Kaddache, Djamel Guerid, Abdelkader Djeghloul, Gilbert Meynier, etc., l'Algérie est particulièrement marquée par la prédominance de divers pôles socioculturels, s'activant chacun dans sa sphère de prédilection, de manière rivalisante, opposée ou nettement divergente avec les options doctrinales propres à chaque tendance.
Ainsi, nombre d'historiens et observateurs nationaux et étrangers font,souvent état du constat d'une certaine dualité oppositionnelle présente à différentes étapes de l'évolution historique de l'Algérie ; comme , par exemple , - selon le Dr Djamel Guerid, ( in L'exception Algérienne, Casbah Editions, Alger 2007), - cette dualité caractéristique entre " Hamdan Khodja, le négociateur moderniste et l' Emir Abdelkader, le politico-militaire traditionaliste . Ou encore celle entre Ferhat Abbas, l'assimilationniste électoraliste et Ben Badis, le réformiste religieux traditionaliste, ou , toujours selon Djamel Guerid , la dualité francophones /arabophones, ou encore , l'exemple dans l'Algérie indépendante " société moderne /société traditionnelle ",etc., etc. Avant de s'étaler là-dessus, sur cette dualité et ses implications actuelles, on pourrait tout aussi remonter le cours de l'histoire profonde du pays, bien au-delà de l'avènement colonial français de 1830 scindant le pays en société coloniale des nantis et société colonisée des déshérités, c'est-à-dire jusqu'aux périodes de l'histoire ancestrale du pays , pour rapporter, cet autre exemple, de cas particulier de " dualité " rivale , pendant l'ère de la présence romaine au Maghreb : celle qui avait opposé, notamment , Syphax allié aux Carthaginois, à Massinissa rallié aux Romains.
Comme l'on pourrait citer, également, cet autre exemple de dualité adverse , à un autre moment de l'histoire du pays , lors de l'avènement de l'Islam au Maghreb et l'émergence conséquente de royaumes qui assistèrent , notamment, au surgissement de ce shiisme dualiste caractéristique , tranché, entre musulmans orthodoxes Malékites et musulmans Hanéfites, et autre : dualisme qui ne s'accentuera que davantage avec la venue des Ottomans, par la suite, favorisant la discrimination entre notabilités musulmanes algériennes privilégiées pro- turques /tribus musulmanes algériennes insurgées et réfractaires notamment aux impôts et impositions diverses de la soldatesque musulmane turque….
De même que des tribus d'obédience maraboutiques diverses manifesteront une nette opposition doctrinale entre elles : cas de nombre de zaouias ( confréries religieuses des Kadiriya, Rahmania, Tidjania, Derkaoua,etc…) rivales , certaines se complaisant dans le mysticisme boudant la société , d'autres s'intégrant, plus ou moins, dans son cours historique.De même qu'avec l'invasion coloniale française de 1830, cette dualité s'exacerbera nettement, entre confréries maraboutiques réfractaires et confréries religieuses alliée aux colons, etc,etc… On pourrait multiplier indéfiniment les exemples , mais d'une manière générale , en adoptant cette manière apparemment réductrice ou dichotomique dans la démarche d'appréhension des faits historiques, ou vision manichéenne, on risque fort, d'ébaucher une approche superficielle de l'histoire : on ne peut guère , de la sorte, espérer à proprement dire, par le simple truchement de la " dualité caractéristique " expliciter et clarifier assez objectivement la teneur compliquée du cours des choses! Car, les choses étant beaucoup plus complexes qu'elles ne paraissent l'être, en général, c'est plutôt à la complexité des rapports interactionnels de leurs multiples tendances confrontationnelles qui les sous-tendent , -- auxquelles les conjonctures déterminantes de toute époque historique nous convient généralement,-- qu' il convient de se référer, peut être , pour pouvoir espérer accroître les possibilités d'une meilleure saisie analytique des faits cernés, sous l'angle d'approche nécessairement pluraliste ou interdisciplinaire, et encore ? Pour en revenir à la situation conjoncturelle qui prévalait aux lendemains de l'irruption de l'ordre colonial français de 1830, comme nous l'indiquent aussi bien chercheurs universitaires nationaux qu'étrangers, elle est tout particulièrement caractérisée par certaines rivalités , à l'image de la dualité Emir Abdelkader ,à l'Ouest, et Hadj Ahmed Bey, à l'Est , ou encore la dualité opposant dans le champ d'idées Hamdan Khodja à l'Emir Abdelkader , durant la période succédant à l'invasion coloniale française.
Sauf que dans ce dernier cas évoqué , ce dualisme constitue à vrai dire , le cas typique , non pas d'une dualité simpliste caractérisant un Hamdan Khodja de tendance " moderniste ", face à un Abdelkader de tendance " traditionaliste ", par exemple , comme le mentionne Djamel Guerid dans son ouvrage " L'exception Algérienne " ( même si en conclusion générale il aura tenté de se rattraper, en esquissant en deux lignes certains éléments de convergence…), mais a trait plutôt , en fait, aux parties visibles d'un monumental iceberg cristallisant divers courants idéologiques rivaux et tributaires, surtout, d'un même pole doctrinal fondamental et non oppositionnel- parallèle, cette dernière tendance radicalement divergente étant inhérente aux positions doctrinales d' autres pôles distincts du Mouvement National Algérien.
Ainsi , c'est partant de cette phase bouleversante , que la situation sociopolitique et culturelle en Algérie, allait déterminer et influer , d'une manière générale , dès l'aube du 20 è siècle, sur l'émergence progressive de trois grands pôles socio-politico-culturels principaux , et qui , en nous appuyant sur la classification de l'éminent historien Belkacem Saadallah (cf. " Le Mouvement National Algérien, Sned , Alger 1988), se présentaient globalement comme suit :
A)- Le pôle religieux :
Ce pôle est caractérisé par trois tendances traditionalistes et réformistes :
1- la tendance traditionnelle héritée des Zaouias " soufies " ancestrales caractérisée, par d'une part, une attitude dynamique d'insurrections djihadistes intermittentes, telles celles des Mourabitoune Soufis , Lalla fatma N'Soumer, Cheikh Haddad, Cheikh Bouaâmama , etc., menées contre l'occupant colonial français, et par une attitude passive de complaisance dans le mysticisme marginal des " Touroq " ( voies) de certaines branches Tidjania, Rahmania et autres , qui ne contribuèrent pas de façon directe à l'engagement initié de résistance nationale, d'autre part.
Cette tendance traditionaliste s'est développée surtout durant le 19 è siècle, le colonialisme ayant tenté d'éradiquer les zaouias réfractaires et d'instrumentaliser les confréries mystiques maraboutiques.
2- La tendance intermédiaire de la mouvance religieuse fournissant traditionnellement les fonctions de jurisprudence musulmane , des services administratifs ,etc. des Faqihs, Cadis, Khodjas, Imams, enseignants ,etc., sur qui les pouvoirs publics municipaux coloniaux s'appuyaient en les soutenant, finançant et réorientant, à l'image de l'institution instrumentalisée des bureaux arabes. Tendance qui impulsera également l'émergence d'écoles franco-arabes d'où sortiront des lettrés oeuvrant de connivence avec l'école orientaliste française, et qui seront appelés à pourvoir le réseau des structures administratives coloniales annexes à travers le " territoire pacifié ".
3 - La tendance religieuse réformiste , dont les prémices furent l'oeuvre, en se référant aux écrits du précurseur El Medjaoui et ceux de El Mekki Ben Badis, auxquels succèderont par la suite leurs adeptes et neveux , tels Ben Cheneb, Ben Mouhoub, Ben Khodja, ou encore H'mida Ben Badis et Abdelhamid Ben Badis , ce dernier fondant plus tard l'Association des Oulémas Musulmans Algériens.
Cette tendance qui s'était caractérisée au début par un réformisme timide , réduit à des " Khotbas " ( discours religieux) dans les mosquées, quelques articles de presse ou de menus ouvrages de préceptes religieux , changea radicalement avec l'avènement des Oulémas qui adoptèrent une toute autre stratégie d'action , basée essentiellement sur l'enseignement -éducation des couches populaires, la sensibilisation sur le terrain, contre notamment le mysticisme, les mythes obscurantistes , la vulgarisation du patrimoine culturel et civilisationnel de l'Islam, l'assainissement social, etc.…
A suivre...
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