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Cyberespace et cybercriminalité

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    E-police: peut-on mettre le sabot avant d'inventer la roue?
    par Kamel Daoud
    Comme certains l'ont remarqué, personne n'a jamais entendu parler d'un détournement bancaire par cyberespace en Algérie. Ni d'un hold-up électronique. Ni d'un crime informatique. Chez nous, pour voler de l'argent en gros, on n'utilise pas un clavier, mais une fausse carte de colonel, un poste d'emploi dans une banque, un ministère ou un intermédiaire français avec les chinois ou un pharmacien qui ira se réfugier à Londres et qui sera monnayé contre des contrats d'armements; sinon il ira se réfugier à Moscou. Personne non plus n'a entendu parler d'un piratage sur un site officiel de première importance : les sites officiels en Algérie sont remis à jour une fois par mandat présidentiel et publient des informations qu'on peut dater avec une 404 bâchée.

    Question donc : pourquoi le cyberespace et son contrôle étatique sont devenus une urgence de sécurité nationale et puritaine du pays depuis peu ? Officiellement pour trois raisons : la cybercriminalité «en hausse», alors que la connexion Internet est en baisse, le GSPC et la Liberté avec majuscule.

    Pour la première raison, il suffit de relire ce qui précède pour comprendre qu'il est ridicule de parler de cybercriminalité en plaçant le crime avant «cyber». Dans un pays où la e-gouvernance et le e-banking en sont encore au stade oral, il est donc ridicule de placer le mot crime avant le mot cyber. Il fallait au moins attendre que l'opération Ousratic soit une réussite comme le panier du ramadan pour se lancer dans la recherche de criminels qui ne sont pas encore nés, faute de connexion valable.

    Pour la seconde raison, il faut au moins être sincère : le GSCP, alias Al-Qaïda de sous-traitance maghrébine, a plus besoin du Sahara et du Sahel que de surfer sur Internet. Là aussi, il y a criminalité et pas cybercriminalité. Le GSCP ne tue pas avec des virus et des vers informatiques mais avec des bombes et des kamikazes. Il ne communique pas avec des blogs mais avec des explosions.

    Reste alors la liberté. Là, on y est. Le Pouvoir en Algérie a compris son erreur des années 90 : il ne faut pas que le cyberespace lui échappe. L'erreur a été commise avec les journaux privés et quelques partis, il ne faut pas qu'elle se reproduise avec Internet. Le cyberespace est le dernier espace algérien et trans-algérien qui n'a pas besoin d'agrément, d'autorisation d'attroupement, de parrainage «sécuritaire». C'est un espace politique qu'on ne peut pas redresser, ni décapiter, ni réduire à un communiqué, ni mettre dans un local à surveiller, ni identifier en ciblant ses leaders, ni y empêcher l'auteur de Poutakhine d'y publier «Poutakhine» gratuitement.

    Cette bulle ne devait pas donc prendre du diamètre et il faut la réduire à une minorité policièrement surveillée. La méthode : crier au loup et soutenir qu'il est pédophile et sexuellement pervers. Explication : dénoncer les risques de la cybercriminalité, alors que ce crime n'existe pas encore en Algérie, faute de technologie développée, et mettre en avant l'argument moralisateur de lutte contre la pornographie, argument à redondance assurée dans une société de plus en plus conservatrice.

    Là, la jonction est réussie entre police et police des moeurs. Le but réel étant que les cybercafés ne soient pas des kasmates alternatives ni un parti non contrôlable. On veut faire comme la Tunisie ou la Chine, mais en commençant par Internet et pas par le tourisme ou le taux de croissance. Bien sûr, il faut protéger nos enfants mais en protégeant la Liberté et ne pas se servir du premier argument pour étrangler le dernier oxygène de tous les autres. Le glissement est une pente officiellement encouragée et dans un régime politique comme la nôtre, on ne peut pas appeler à la vigilance sans y glisser un appel au ratissage.

    Cela va-t-il réussir ? Momentanément oui, mais avec le temps non. Avec le temps, tous les hommes de l'âge de pierre qui ont tenté d'inventer le sabot avant d'inventer la roue ont disparu. Internet n'est pas l'avenir, il est le présent. Tout ce qui est contre est déjà du passé. Une belle phrase repêchée sur le Net : «Le monde se divise en «10» : celui qui a compris le système binaire et celui qui ne l'a pas compris».

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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