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Entretien avec Djamel Arezki

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    Pour Djamel Arezki, écrivain de talent, écrire dans sa langue maternelle, celle apprise dans son milieu naturel, ainsi que ce travail qu’il faut réaliser pour redonner encore vie à cette langue plusieurs fois séculaire. Dans cet entretien, Djamel Arezki revient sur son penchant vers l’écriture, ses projets et surtout son regard sur un monde aussi vaste que la littérature, et notamment celle liée directement à sa culture, taqbaylit.

    La Dépêche de Kabylie : Comment vous est venue l’idée d’écrire et de publier ce premier livre ?

    Arezki Djamal : Et bien, ce livre est le fruit d’un travail de recueil assez ancien. Avec le temps, j’ai senti la nécessité de mettre un peu d’ordre dans tout ce que j’avais dans le tiroir. Livrer ces histoires de façon brute ne me chante pas. J’ai réfléchi à la façon de les présenter au public. J’ai finalement opté pour la nouvelle : c’est amusant et c’est court. En faire un roman, c’est possible mais j’ai peu de chance d’être lu.

    Quant à l’écriture proprement dite, l’idée remonte déjà, quand j’étais élève au collège. J’aimais alors lire et écrire. Je crois que la motivation principale, c’était une sorte de frustration que j’ai ressentie en étant déjà adolescent. J’étais doué pour les langues, certes mais il me manquait quelque chose. Moi, je suis issu d’un milieu rural, j’ai conservé les traditions d’antan. J’ai tété Taqbaylit, la Kabylité en milieu naturel, au contact des miens ; elle fait partie de moi. A l’école, j’ai très tôt pris conscience du fossé qui existait entre ce que l’enseignant voulait que nous apprenions et ce que j’apprends dehors, dans la société. C’était deux choses différentes, opposées. Je me disais quand j’étais déjà au primaire que notre enseignant mentait ! Je crois que c’est de là, que me venait l’envie d’écrire, c’est une sorte de revanche sur l’histoire.

    Et cela a donné naissance à Akal d Wawal. Y a-t-il d’autres projets d’écriture ?

    Comme je vous l’ai dit, déjà au collège j’écrivais à ma façon, avec mes propres règles, je composais des poèmes, je transcrivais des contes, des histoires, je traduisais des textes du français au kabyle juste pour le plaisir. Je gardais toujours tout ce que j’écrivais ou traduisais. Arrivé au lycée, je m’intéressais à tout ce qui s’écrivait en tamazight, clandestinement d’ailleurs. Ce premier livre intitulé : Akal d wawal, un recueil de 11 nouvelles, édité par Tira de Bejaia, en juin 2009, est justement une version revue et corrigée de ce que je notais en étant adolescent. J’ai un autre roman traduit du français au kabyle de Driss Chraïbi, La mère du printemps- Yemma-s n Tafsut, à paraître, j’ai aussi un recueil suivi d’une étude sur "La poésie et les chants de guerre de la région des At Mlikech " (à paraître aussi en version bilingue français- tamazight) et un recueil de "Contes et de légendes de Kabylie", à paraître chez Flies France (Paris) prochainement, ceux-là, ils sont prêts.

    Et comment expliquez-vous le choix de la langue maternelle (Tamazight) comme langue d’écriture ?

    Et bien, j’ai déjà répondu en partie à votre question. Le choix de ma langue maternelle est d’abord un besoin vital. S’exprimer dans sa langue est tout ce qu’il y a de naturel. Ensuite, je me dis qu’il est temps de se réapproprier son identité, sa culture, sa personnalité. Écrire dans une autre langue autre que la sienne cela suppose, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou non, des compromis, voire des servitudes. Pour preuve, il n’ y a qu’à voir les écrivains algériens des années cinquante qui ont vécu ce problème avec acuité. Je pense que le choix de la langue est important. En plus, si l’on veut s’adresser aux siens, autant le faire dans leur langue, c’est une forme de respect. Je ne vois pas pourquoi j’emprunterais des faux-fuyants, des détours aussi vains qu’inutiles, d’autant plus que maintenant, tamazight est enseignée à l’école, donc le lectorat existe. En revanche, il n’est pas exclu d’écrire dans d’autres langues. D’ailleurs, je compte le faire

    Pouvez-vous nous parler un peu du contenu de ce livre ?

    Comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’un recueil de onze (11) nouvelles de quatre à six pages chacune, destiné à un large public mais aussi (comme je l’ai expliqué dans l’introduction) à un public scolaire. Je suis parti d’un constat : les textes proposés dans les manuels scolaires ne répondent pas tous aux objectifs poursuivis. A titre d’exemple, il existe dans les programmes scolaires la typologie de textes. Mais les supports proposés ne répondent pas aux besoins exprimés, c’est pourquoi, j’ai essayé de satisfaire cette exigence en introduisant par exemple, les différents types de description : description statique, dynamique, historique et contrastive, ceci d’une part ; d’autre part, j’ai sciemment introduit un vocabulaire ancien qui est menacé de disparition. Mon objectif, est de sauvegarder ces mots dont les supports, les choses qu’ils désignent ne font plus partie ou presque du quotidien des Kabyles. Je peux citer le cas de tout le vocabulaire relatif au labour, à la vannerie et aux autres métiers anciens, les toponymes etc.

    Quant aux histoires, la plupart appartiennent au patrimoine oral kabyle. J’ai gardé le fil, l’ossature, mais j’ai inventé tout l’habillage : les circonstances, les personnages, les lieux (les toponymes utilisés sont tous authentiques) et le temps.

    Sont-elles des histoires vraies ou non ? Et où en est la littérature d’expression amazighe ?

    Par définition, la littérature est de la fiction. Les onze histoires qui figurent dans ce recueil sont fictives, donc imaginaires. La littérature d’expression amazighe est, à mon sens, sur la bonne voie comparativement à d’autres langues et cultures plus prestigieuses. Eu égard à ce qu’elle avait subi depuis trois millénaires, je dirais que nous avons fait un pas de géant. En une décennie seulement, une cinquantaine de romans ont vu le jour, sans compter les recueils de nouvelles, les innombrables pièces de théâtre, les traductions, la poésie et les études (mémoires d’étudiants) rédigés entièrement en tamazight. Ce n’est pas négligeable pour une langue dont les contemporaines ont disparu depuis longtemps (je pense notamment au grec et au latin).

    Quels sont les problèmes rencontrés en écrivant en tamazight ?

    Oui, les problèmes existent effectivement et j’en suis conscient. Il ya des problèmes généraux communs à toutes les langues ici en Algérie. Tamazight surtout (et les autres langues aussi) souffre de l’absence d’une politique culturelle à même d’encourager l’écriture. Tamazight est d’abord victime de son statut officiel : c’est une langue qui est à peine tolérée. Inutile de cacher le soleil avec le tamis ! C’est une évidence. A l’école, elle est loin d’être généralisée, elle demeure encore et malheureusement facultative.

    Ensuite, se pose le problème de l’écriture elle-même, du lectorat (qui demeure encore restreint), de l’édition et de la distribution. Il existe des initiatives par ci et par là, mais cela demeure, à mon avis, insuffisant même si mon livre a été édité avec le soutien du ministère de la Culture.

    Des projets d’écriture ? Verra-t-on d’autres livres prochainement ?

    Oui, j’ai beaucoup de projets et sur lesquels je travaille déjà. D’abord, sur le plan littéraire, j’ai des projets d’écriture (romans, nouvelles, traductions). Je suis déjà sur un autre recueil de nouvelles en kabyle. Je viens de remettre à mon éditeur un récit. C’est une traduction, il paraîtra en version bilingue- français- Tamazight. C’est un projet monté dans le cadre du PANAF 2009. Il s’agit d’un livre d’une écrivaine gabonaise Justine Mintsa, intitulé : Mes Premières lectures, un récit destiné aux adolescents. Sur le plan pédagogique, je me joins à un groupe d’enseignants et d’inspecteurs de Tamazight pour créer un centre de recherche pédagogique à Béjaïa, projet déjà très avancé. Nous avons projeté de créer une revue et un centre de documentation pédagogiques. Nous invitons, à l’occasion, toutes celles ou tous ceux qui sont en mesure d’apporter leur contribution, à se rapprocher de l’association CERPAM (Centre de Recherche en Pédagogique Amazigh) créée à cet effet. Pour ce faire, nous avons programmé aussi des journées de formation en recherche-action, des colloques, des séminaires en collaboration avec l’université Paris 8 avec laquelle nous travaillons depuis janvier 2007 à ce jour.

    Présentation de l’auteur : Djamal Arezki est né à Tazmalt en 1966, Inspecteur de français à Bouira et enseignant de tamazight à l’université de Bouira. Titulaire d’une maîtrise (Master 1) en lettres modernes obtenue à l’université Paris 8.

    Par Achiou Lahlouh, La Dépêche de Kabylie
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