Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le pari de la revalorisation des terres agricoles en Algérie

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le pari de la revalorisation des terres agricoles en Algérie

    En Algérie, les amendements apportés l’année passée, à la loi domaniale, les extensions successives de la surface agricole utile par l’effet de la mise en valeur des terres par plusieurs formules mises en place par les pouvoirs publics dans le cadre des programmes de développement (accession à la propriété foncière agricole [APFA], concessions agricoles via les programmes de la GCA , actions de développement rural et d’agriculture de montagne, développement de l’oléiculture dans certaines zone de steppe par la HCDS ), la perte de certaines terres à vocation agricole suite aux programmes d’urbanisation, les conflits entre individus ou communautés générés par la confusion régnant dans la nature de la propriété (particulièrement les terres de parcours) et, enfin, la perte de fertilité affectant certains sols érodés, ont fait que, au cours de ces cinq dernières années, le thème du foncier agricole est remonté en surface pour bénéficier de l’attention des pouvoirs publics, des citoyens, des instances judiciaires (notaires, tribunaux) et des techniciens du domaine.

    Cette préoccupation obéït aux impératifs de définition, de clarification cadastrale et de consécration des statuts pour le premier facteur de production dans le domaine de l’agriculture. Elle s’est aiguisée d’une manière considérable suite à l’ouverture de l’Algérie sur l’économie de marché. Ainsi, le problème du foncier a pris de telles proportions que les pouvoirs publics ont eu à se pencher à maintes reprises sur les lois et règlements qui fondent sa conduite.

    Plusieurs secteurs sont concernés par la gestion et le développement du foncier : la commune, les domaines, le cadastre, la direction de l’agriculture, la conservation des forêts, les agences foncières, la conservation foncière,…etc.

    Pour faire prévaloir harmonie, fluidité et bonne gestion du foncier avec autant d’intervenants, il faut nécessairement que les textes législatifs fondamentaux ne souffrent d’aucune ambiguïté et que la coordination soit assurée à tous les niveaux. Il faut dire que l’ancien mode de gestion de l’économie dirigiste ne permettait pas, voire n’exigeait pas, autant d’efforts et de vigilance.

    C’est après l’ouverture économique consacrant solennellement le droit à la propriété privée et faisant appel à l’intervention d’une multitude d’agents et d’acteurs économiques-y compris de nationalité étrangère-, que le ‘’sous-développement’’ de l’Algérie en matière de gestion du foncier est apparu au grand jour.

    À ce titre, le fouillis des zones industrielles et des anciens assiettes foncières relevant d’entreprises publiques dissoutes n’est que la façade visible de l’imbroglio foncier.

    La terre et ses exploitants : une relation fragile


    Pour s’en tenir au seul secteur de l’agriculture, il importe de constater que malgré les nouveaux éclairages apportés par les réaménagements de la loi domaniale et les déclarations rassurantes des officiels sur la volonté de l’État de préserver le foncier agricole des incessantes et diverses agressions qu’il subit, la situation des terres ayant la vocation agricole ne cesse de se dégrader par des usages qui les détournent de leur vocation initiale, mais aussi par la perte de la valeur agrologique du sol suite au processus de désertification touchant certaines zones du territoire national. Paradoxalement, cela se passe au moment où les pouvoirs publics encouragent par divers dispositifs de soutien à l’extension de la surface agricole utile (SAU).

    La SAU algérienne représentait 8 millions d’hectares en 1962. Le ratio SAU/habitant était alors de 0,75 ha/habitant. En 1990, ce taux fléchit à 0,3 ha/habitant. Les anciennes fermes coloniales faisant partie du domaine privé de l’État s’étendent sur 2,8 millions d’hectares, soit 35% de la SAU. 2,5 millions d’hectares ont été organisés en EAC et EAI à partir de 1987 (soit 96 629 exploitations). Le reste, c’est-à-dire 300 000 ha , forment les fermes-pilotes et les parcelles d’expérimentation appartenant à des instituts universitaires de recherche.

    En raison de la dangereuse dépendance alimentaire de notre pays, les spécialistes du secteur agricole et les pouvoirs publics ont depuis longtemps identifié certaines contraintes majeures qui obèrent l’essor de l’agriculture algérienne parmi lesquelles le problème du foncier.

    Ce dernier fait que le statut des terres publiques (EAC et EAI) est considéré comme un frein aux investissements d’autant plus que les usufruitiers nourrissent une méfiance légendaire à l’égard de l’administration et, dans certaines régions, se rendent complices de l’avancée du béton sur les terres agricoles. L’on ne saurait avancer un jugement anticipé sur l’impact psychologique chez les usufruitiers à la suite des nouveaux titres des concessions qui seront établis pour une période de 99 ans avec droit de transmission par héritage. En tout cas, le souci du gouvernement en la matière est clair.

    Il s’agit de sécuriser les exploitants agricoles et de les inciter à des investissements pérennes (cultures pluriannuelles, réalisation de certains ouvrages et installations d’équipements) jusqu’ici boudés en raison de la fragilité de la relation qui existe entre la terre et son exploitant.

    L’ancien ministre de l’Agriculture et du développement rural, M. Saïd Barkat, avertissait en 2007 que le phénomène des terres agricoles laissées à l’abandon, exposées à la désertification, serait pris en charge par la nouvelle loi portant orientation agricole. « Les usufruitiers coupables de tels actes seront poursuivis en justice et sanctionnées.

    La mesure s’appliquera même aux propriétaires, entendu que la terre n’est pas leur propriété à eux seuls, mais c’est la propriété de toute la collectivité nationale »., dira-t-il.

    La nouvelle loi a déterminé la nature des terres agricoles, les activités agricoles, la formation, la qualité de la production et l’organisation de la profession agricole de façon précise de façon à éviter les ‘’intrus’’ (faux agriculteurs) et les activités spéculatives qui en résultent.

    Les objectifs du département ministériel de tutelle, en élaborant une loi sur le foncier agricole, sont, d’après cet ancien responsable, de « mettre fin à la dilapidation des terres agricoles publiques qui sont considérées les plus belles et les plus fertiles terres du pays ».

    Cette mesure législative compte endiguer les transactions anarchiques et illégales des terres et organiser les modes d’exploitation collective et individuelle des exploitations agricoles.

    Contingences grevant les terres agricoles

    Parallèlement aux mesures administratives et règlements qui tentent d’adapter l’intervention et la régulation des pouvoirs publics aux nouveaux défis du terrain, les investigations de la gendarmerie nationale relatives au détournement des terres agricoles de leur vocation initiale et aux transactions douteuses ou illégales se poursuivent. Ces enquêtes portent sur le devenir de certaines EAC et EAI (exploitations agricoles collectives et individuelles) échues à des exploitants en vertu de la loi 19-87 de 1987 qui a institué ce type d’exploitation en remplacement des anciens domaines autogérés.

    Les pertes des terres agricoles sous les différentes formes connues dans notre pays n’ont pas tardé à avoir des répercussion négatives sur l’activité agricole. Rien que dans le domaine de l’avancée du béton sur les terres agricoles, il est enregistré que, chaque année, des dizaines d’hectares des meilleures terres sont phagocytées par une urbanisation forcenée.

    Les déperditions du capital foncier sont dues aux extensions urbaines que connaissent les villes algériennes ou à la création de nouvelles agglomérations (exemple de Sidi Abdellah à la périphérie d’Alger) ou bien encore à une dilapidation insidieuse due à des détournements et transactions illégales auxquels se livrent les usufruitiers. Les résultats des enquêtes de la gendarmerie issus de 18 mois de recherches, soit jusqu’à l’année 2007, ont abouti, d’après le commandement de ce corps de sécurité, à la mise en examen de plus de 16 000 personnes accusées de dilapidation du foncier agricole ( 6 366 ha ) dans la seule région d’Alger. L’on y apprend ainsi qu’à lui seul, l’homme d’affaire Brahim Hadjass, en fuite au Canada, aurait avancé 23 milliards de centimes pour s’accaparer 321 hectares des terres de 18 exploitations agricoles allant de Aïn Benian à Staouali en passant par Chéraga. Bien entendu, les actes de désistement auxquels ont recouru les usufruitiers n’ont aucune valeur légale puisque les terres qu’ils exploitent relèvent du domaine privé de l’État grevé des fameux trois ‘’i’’ : inaliénabilité, insaisissabilité et imprescriptibilité. Les estimations font état de la perte de 150 000 hectares de terres agricoles (publiques et privées) depuis 1962. Ces terres ont été majoritairement détournées de leur vocation naturelle suite à des besoins pressants d’urbanisation et d’installation d’infrastructures publiques.

    Parallèlement au détournement du foncier agricole à des fins d’urbanisation (légale ou délictueuse), les terres agricoles algériennes subissent une menace réelle de désertification liée à des phénomènes aussi bien naturels qu’anthropiques.

    Sans aller jusqu’à invoquer un phénomène naturel-les changements climatiques- dont le processus et les impacts sont encore mal maîtrisés, il y a lieu de focaliser l’attention sur les raisons classiques, fort connues par ailleurs, qui font que les pertes des espaces steppiques et la déforestation avancent à un rythme effrayant pour des raisons liées aux activités humaines. Surpâturage, incendies, façons culturales inadaptées et autres activités illicites (coupe de bois, constructions illicites sur des terres agricoles, …) participent d’une façon fatale à la régression du foncier agricole. Cette régression l’est en surface ou en qualité selon le type de délit commis dans la zone.

  • #2
    L’aménagement du territoire en question

    On estime qu’au niveau mondial, l’on perd chaque année 25 milliards de tonnes de sol, et il faudra 1000 ans pour en reconstituer deux centimètres d’épaisseur. On peut donc considérer que la terre perdue par l’action de l’érosion l’est presque définitivement.

    Toutes les actions de l’homme tendant à réparer cette calamité ne pourront, dans les meilleurs des cas, que freiner le cours du désastre.

    L’Algérie n’a jamais connu des phénomènes d’érosion aussi dangereux que ceux enregistrés au cours des 15 dernières années. Le danger pèse non seulement sur la fertilité des sols, mais aussi sur leur stabilité mécanique et sur les capacités de rétention des ouvrages hydrauliques. Ces derniers voient leur longévité se réduire suite à l’envasement graduelle qu’ils subissent.

    De même, une véritable politique de protection du patrimoine foncier exige beaucoup plus d’effort et de coordination dans le cadre d’un aménagement rationnel du territoire pour un développement durable. Les plus grands aléas qui pèsent sur le couvert végétal dans ses différentes variantes demeurent les pacages non réglementés et les incendies de forêts.

    Les surpopulations de bétails élevés en mode extensif non seulement s’attaquent aux jeunes plantations forestières et fruitières, mais elles épuisent et dénudent le sol en lui arrachant les plantes herbacées.

    À la longue, avec la diminution drastique de l’offre fourragère, c’est l’élevage lui-même qui sera remis en cause. Le spécialiste Eric Echholm écrit dans une de ses analyses : “Les scientifiques et les ordinateurs élaborent des modèles de régénération rurale, mais les paysans et les chèvres agissent autrement.”

    Dans de nombreux pays, la détérioration du sol ne sera pas stoppée avant qu’une transformation du système foncier et une redistribution des priorités économiques nationales n’interviennent ».

    La répartition spatiale de la population algérienne à l’intérieur des grandes zones du territoire national (côte, tell, plaine, région steppique et Sahara) n’a pas manqué, elle non plus, de peser de son poids sur les activités agricoles et le devenir du patrimoine foncier agricole.

    Le déséquilibre de cette répartition démographique, des investissements et de la gestion des ressources- ce dernier terme étant entendu ici dans son acception la plus large qui recouvre le capital foncier et ses gisements (hydraulique, minier, agricole, faunistique, floristique,…)- constitue, aux yeux des économistes et des aménagistes, l’un des points noirs de la politique de développement du pays depuis l’indépendance qui a conduit, entre autres, à l’aggravation des problèmes fonciers.

    Par Amar Naït Messaoud, La Dépêche de Kabylie

    Commentaire

    Chargement...
    X