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    UNE JOURNEE A NE PAS PERDRE
    par K. Selim
    Les dieux du stade ont décidé que la fête n'aurait pas lieu. Les joueurs algériens qui ne manquaient pas de cran ont péché par excès défensif. Ils ont vacillé dans les dernières minutes alors qu'ils auraient pu, en attaquant, faire rapidement la différence. Ce n'est pas l'élimination, mais pour les millions d'Algériens qui ont plongé ces derniers jours et singulièrement hier, avant le match, dans une ferveur sans précédent, la fête a été ratée. Reportée, disent les optimistes. Et, au vu des qualités remarquables de ces joueurs qui ont fait face à une pression cairote considérable, on peut penser que cet optimisme n'est pas déplacé.

    Il reste au fond cette journée si particulière, si rare, où, dans toute l'Algérie, les gens se parlaient sans la violence explosive ou contenue habituelle, avec une convivialité qu'on croyait définitivement perdue. Il reste tous ces jeunes et moins jeunes qui se croyaient «déçus» de leur pays et qui découvraient, avec surprise, qu'ils l'aimaient profondément.

    Si les dieux du stade n'ont pas décidé hier qui fera le voyage pour l'Afrique du Sud, si le match a bien été perdu, on peut se dire -et pas par pur souci de se consoler - que le samedi 14 novembre ne fut pas une journée perdue pour les Algériens. Beaucoup voyaient dans une qualification le signe que «l'ère de la malchance» était finie. Le fait qu'elle ne soit pas définitivement décidée à partir hier, du Cairo Stadium, fera renaître le doute.

    Pourtant, il suffit de revoir l'étonnant match national qui s'est déroulé dans la journée d'hier, dans les villes et les villages d'Algérie, pour comprendre deux ou trois choses de nous-mêmes. Nous avons découvert, étonnés par nous-mêmes, que l'on pouvait s'adonner à la fête alors que l'on se croyait définitivement chagrin, hermétiquement fermé à la joie et à l'expression de la joie. Nous avons découvert, toujours surpris, que nous pouvions être, entre Algériens, dans une relation sans violence, chaleureuse et conviviale. Qui aurait pu imaginer des automobilistes vivre avec bonne humeur le chaos, un peu plus chaotique que d'habitude, de la circulation ? Qui aurait pu imaginer des jeunes filles, peintes aux couleurs de l'équipe nationale, circuler dans les villes sans les habituelles interjections frustres et violentes des garçons.

    Cette équipe nationale qui n'a pas tranché au Caire nous aura peut-être apporté davantage qu'un sursis. Cette équipe nationale, qui a sorti des centaines de milliers de jeunes de l'ennui qui fabrique plus fortement les harraga que le chômage, aura donc fait plus qu'on pouvait attendre d'elle. Elle a agi en révélateur. Les Algériens peuvent vivre ensemble dans une convivialité qu'on croyait purement imaginaire. La journée d'hier, avant le match, a été à tout point de vue extraordinaire. Les acteurs n'étaient pas au Caire, mais en Algérie. Ce sont tous ces Algériens qui se sont mis à se parler, à échanger, à rire ensemble... Ce sont tous ces Algériens qui ont découvert que sous le vernis du désabusement, de l'amertume et, pour les millions de jeunes, du mortel ennui, qu'ils avaient un lien charnel avec leur pays.

    Soyons optimistes. La journée d'hier, si intense, a peut-être été notre victoire sur la malédiction. Il faut en tirer une conclusion pratique, et politique : le problème de l'Algérie, ce sont des villes et des villages organisés pour faire suinter l'ennui. C'est cela qu'il faut changer. Pour faire que la convivialité et la joie qui vibraient dans l'air algérien d'hier ne soient pas un évènement qui n'arrive qu'une fois en cinquante ans.

    Dans le ciel d'Alger rendue au silence, on entendait quelques-uns lancer des pétards, comme une plainte : ne laissons pas l'ennui nous recouvrir à nouveau...

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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