Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L'alcoolisme en URSS

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L'alcoolisme en URSS

    La fin de l'URSS et la crise d'identité russe

    Véronique Jobert - 1993




    La première plaie sociale, l'alcoolisme, n'était en fait qu'un secret de polichinelle. Mal séculaire et endémique, il avait de surcroit la particularité de n'être pas, à proprement parler, perçu par l'ensemble de la population comme un fléau.

    Expression d`un mal de vivre profond, exutoire à l'insatisfaction provoquée par les difficiles conditions d`existence, l'alcoolisme de plus, avait trouvé un terreau naturel favorable en raison de la longue tradition d`alcoolisme du peuple russe.

    Enclin à faire une différence souvent spécieuse entre ivrogne, nécessairement sympathique et protégé par Dieu, et l'alcoolique proprement dit, atteint d’une véritable maladie nécessitant un traitement spécifique, le Russe, a quelque couche sociale qu'il appartienne, tend à minimiser les conséquences dramatiques de ce fléau social.

    Cela explique, en dehors de tout critère objectif d'échec de ces mesures, l'impopularité que valut à Michaël Gorbatchev l'adoption de "l'oukaz" (décret) de 1985 sur la lutte contre l'alcoolisme. La satire reprit ses droits et le secrétaire général fut immédiatement débaptisé par le peuple pour être ondoyé " secrétaire minéral". L'intelligencia, pourtant très favorable à l’origine à Gorbatchev, ne fut pas en reste pour critiquer l'absurdité des mesures prises. Elle était pourtant consciente du fait que ce fléau avait pris en Union soviétique l’ampleur d`une catastrophe nationale, que personne ne contestait plus.

    Des voix de plus en plus nombreuses s`élevèrent pour en dénoncer les multiplies causes, imputables à une indigente politique sociale : manque de loisirs organisés et d`équipements socioculturels, aliénation professionnelle, conditions d’existence misérables, pénuries généralisées pour toutes sortes de produits (sauf l'alcool, avant le décret de 1985).

    L'absence totale d`éducation en matière d'alcoolisme se traduisait non seulement par une tolérance coupable vis-à-vis des ivrognes, mais aussi par des mesures répressives très brutales : placement dans des dessoûloirs, internement des délinquants alcooliques dans des camps de redressement médicalisés. Dans les nouvelles conditions privilégiant "le facteur humain", ces traitements barbares furent aussi dénoncés.

    Malgré l’échec du décret de 1985, la glasnost gorbatchéviste a, sans doute, constitué une rupture décisive avec la période précédente, en rendant possible toutes sortes de reportages et des publications, dont un récit datant de 1977, "Moscou sur vodka", manifeste philosophique de l'ivrogne russe, de Venedikt Erofeev dans la revue "Tempérance et culture", en décembre 1988. Ce récit, qui avait beaucoup circulé sous le manteau en URSS, peut être considéré comme l'œuvre symbole et fétiche de l`alcoolisme et, à ce titre, son importance, tant pour la littérature que pour la société soviétique, a été souvent soulignée.

    L'alcoolisme, désormais reconnu et officiellement combattu dès 1985, fut présenté comme un fléau aux dimensions incontrôlées et aux retombées tragiques.

    Les articles les plus alarmistes appelèrent, non sans raison, au sauvetage urgent de la nation toute entière, car les enquêtes sociologiques, les statistiques enfin publiables soulignaient le danger que faisait peser sur la démographie l'inexorable progression de l'alcoolisme dans toutes les couches de la population, y compris parmi les femmes.

    Les chiffres concernant la mortalité infantile et les handicaps de naissance refirent leur apparition dans les publications officielles et révélèrent la place peu enviable qu'occupait le pays dans les statistiques mondiales.

    Pays industrialisé, naguère seconde puissance mondiale, l'URSS et maintenant la Russie, se retrouvèrent, sur ce plan, ravalés au rang des pays les plus défavorisés de la planète. Cette confirmation officielle, dument chiffrée, ne manqua pas de semer le trouble et un désarroi profond dans la population jusque-là bernée par des propos rassurants sur la santé d`une société considérée comme exemplaire.

  • #2
    Si l'alcoolisme est un mal séculaire, peut-être typiquement russe, un autre fléau, la drogue, très international celui-là fut découvert par les Russes au cours de ces dernières années.

    Dans ce domaine aussi, la presse de la glasnost a largement contribué à dessiller les yeux de la population sur ce danger. Certaines républiques d’URSS, productrices de chanvre et de pavot, avaient été confrontées a ce problème depuis longtemps, du fait de leur situation géographique. C'est le cas, par exemple, des républiques d'Asie centrale, de la Kirghizie en particulier, et du Caucase, de la Géorgie notamment.

    Mais la toxicomanie connut un développement fulgurant et gagna les grandes métropoles de Russie. A Moscou, par exemple, il y avait en 1986 cinq fois plus d’adolescents consommateurs de drogue qu'en 1985. II apparut que le développement de la drogue que la Russie avait le triste privilège de partager avec beaucoup d'autres pays, avait pourtant des causes qui lui étaient propres.

    C'est ainsi que la guerre d'Afghanistan, commencée en décembre 1979, eut pour effet d’initier de nombreux jeunes appelés, cherchant à tromper leur ennui et leur angoisse, aux paradis artificiels. Les mesures antialcooliques drastiques prises en 1985 eurent d'autre part des effets pervers, en incitant de nombreux alcooliques, devant la difficulté nouvelle à se procurer de l'alcool, a se tourner vers des produits de substitution.

    Aussi le phénomène de la drogue proprement dite, consommation de haschisch, héroïne, opium, se doubla d`une toxicomanie au sens plus large, avec la consommation de produits variés et divers, souvent hautement toxiques servant d'ersatz d'alcool.

    Les reportages et témoignages abondent sur les ravages causes par ce fléau qui s'étend très rapidement, en partie, sans doute, grâce a la libéralisation de ces dernières années et la permissivité de mœurs qu'elle a entrainée. Ce qui frappe ici, c'est l'impréparation psychologique de l'ensemble de la population à voir à présent la vérité en face, après avoir si longtemps baigné dans une béatitude de bon aloi ignorant tout de ces réalités.

    D'autre part, malgré l'effort réel manifesté pour admettre l'existence de ce problème et en parler, les moyens de prévention et les traitements restent bien frustes, peu adaptés aux cas individuels, souvent cruels, pour ne pas dire barbares. Ainsi, il n'existe pratiquement aucune structure hospitalière spécialisée, et ce sont la plupart du temps des hôpitaux psychiatriques qui accueillent les drogués. En un mot la Russie se révèle une fois de plus un pays très en retard par rapport aux pays occidentaux.

    Il faut enfin noter que, comme toujours en Russie, où, malgré la censure, ou bien peut-être justement a cause d'elle, la littérature engagée a de tout temps joué un très grand rôle, c'est une œuvre littéraire qui, la première, a attiré l’attention d’un large public sur ce problème. Le récit "Les rêves de la louve", de Tchinguiz Aïtmatov, un écrivain kirghize de langue russe très populaire, fut publié dans la revue Novy Mir en 1986. Il connut un retentissant succès. Il traite notamment de la production, du transport et de la consommation de drogue en Asie centrale.

    Toutes ces révélations concernant un danger que l'on croyait très marginal, pour ne pas dire inexistant en URSS, s'accompagnèrent de surcroit d'une prise de conscience de l'internationalisation de tous ces problèmes et donc d`une nécessité de collaboration avec les autres pays. Sur ce plan, qui concerne avant tout la politique officielle, les conséquences de la perestroïka peuvent être jugées comme positives.

    Commentaire


    • #3
      Al hamdoullilah Dieu nous a interdit cette boisson. Dont ont les retombées néfastes ne sont plus à prouver.

      Commentaire


      • #4
        Absolument, Annabi24, c'est un point très positif !

        Commentaire


        • #5
          Mais l'alcoolisme russe, tradition liée à l'alcool fort, ne veut pas dire que ce pays a un record en nombre de litre d'alcool pur bus par habitant. Si on prend ce critère, il est certes dans le peloton de tête mais avec 16 autres pays dont la France.

          Voici les statistique de l'OMS (1998)

          Dans l’ensemble, c’est dans la Région européenne que l’on consomme le plus d’alcool au monde. Les niveaux de consommation de presque tous les pays de la Région dépassent le niveau le plus faible de risque de mortalité pour les populations, qui a été fixé à deux litres d’alcool pur par habitant et dans les 38 pays disposant de données, la consommation moyenne d’alcool par habitant a été de 7,3 litres en 1998.

          Le total de la consommation d’alcool enregistrée va de 0,9 litres par habitant (Azerbaïdjan et Israël) à 13,3 litres par habitant (Luxembourg). Les niveaux de la consommation non enregistrée ont été estimés pour 20 pays de la Région européenne. Les données proviennent des questionnaires sur le profil alcool et du Rapport mondial sur l’alcool. Les niveaux estimés sont présentés dans le tableau 1, qui indique la consommation d’alcool enregistrée et non enregistrée à la fin des années 90.

          Sur la seule base du niveau enregistré de la consommation d’alcool pour 1998, les pays de la Région peuvent être arbitrairement classés en trois catégories : pays ayant un niveau élevé de consommation (plus de 10 litres par habitant et par an), pays ayant une consommation moyenne (plus de cinq litres) et pays à faible consommation (moins de cinq litres).

          La situation change considérablement si l’on ajoute les chiffres de la consommation non enregistrée.

          Le nombre de pays ayant un niveau élevé de consommation passe alors à au moins 17 et celui des pays à faible consommation se réduit à quatre. Les pays peuvent donc être classés comme suit (le nom des pays qui changent de catégorie lorsque la consommation non enregistrée est prise en compte est imprimé en italiques) :

          Consommation élevée : République tchèque, France, Allemagne, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Portugal, Slovénie et Espagne (neuf pays), et Danemark, Grèce, Hongrie, Lettonie, République de Moldova, Fédération de Russie, ex-République yougoslave de Macédoine et Ukraine (17 pays au total) ;

          Consommation moyenne : Autriche, Bélarus, Belgique, Bulgarie, Danemark, Fédération de Russie, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suisse et (18 pays), et Estonie, Islande, Norvège et Suède (22 pays au total) ;

          Consommation faible : Azerbaïdjan, Estonie, ex-République yougoslave de Macédoine, Islande, Israël, Kirghizistan, Norvège, République de Moldova, Suède, Turquie et Ukraine (11 pays), et Azerbaïdjan, Israël, Kirghizistan et Turquie (15 pays au total).

          Commentaire


          • #6
            très triste tout ça.
            heureusement que chez nous c'est interdit.

            Commentaire


            • #7
              L'alcoolisme est vraie tragedie nationale en Russie. L'alcool tue tellement d'hommes et détruit tellement de vies en Russie que contrairement à ce que pensent certaines russes, le vrai ennemi de la Russie n'est pas l'Amérique, mais l'alcool (ainsi que la drogue, le sida...etc). L'existence même de la Russie en tant que "puissance" est menacée par l'alcool. D'ailleurs, l'espérance de vie des hommes russes est en moyenne de 59 ans, soit le niveau retrouvé dans certains pays africains très pauvres. En plus du problème de l'alcool, la Russie a un faible taux de natalité, ce qui la forcera à devenir un pays d'immigration si elle veut retrouver sa place de puissance économique.

              Commentaire


              • #8
                Salut Nassim

                Il est difficile de se faire un tableau exact pour la Russie actuelle ..

                Une chose est certaine avant 85, du temps de l'URSS c'était terrible, de la vodka pas cher disponible partout (comme par hasard), des ivrognes, etc (j'ai connu cette époque en URSS).

                Hannah Arendt, dans un de ces bouquins, évoquent l'accolisme des dirigeants soviétiques au kremlin des années staliniennes ...

                Mais en France, en 60, on buvait ... 30 litres d'alcool pur / an. Soit pour la population adulte disons ~600 litres vin / an (c'est le vin bien sûr en France). Puis sont venus les campagnes d'information sur les méfaits car le vin était considéré positivement.

                Actuellement l'OMS donne entre 13 et 18 litres / an pour la Russie (j'ai trouvé des chiffres variables sur Internet), la France est à 10 à 13 ...

                Je pense que c'est le taux d'alcoolisme extrême qui est élevé en Russie : il y a des buveurs "intense", qui se saoulent intensément jusqu'au quasi-coma. Sans compter les buveurs de produits divers. Cet alocolisme s'apparenterait plus à un shoot.

                En France c'est une consommation régulière, étalée, qui donne ce taux élevée.

                Commentaire


                • #9
                  c tout simplement une culture pas plus excessif qu au calvados ou que dans l île et vilaine
                  « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT

                  Commentaire


                  • #10
                    Je pense que c'est le taux d'alcoolisme extrême qui est élevé en Russie : il y a des buveurs "intense", qui se saoulent intensément jusqu'au quasi-coma. Sans compter les buveurs de produits divers. Cet alocolisme s'apparenterait plus à un shoot.
                    Il y a aussi une consommation constante, qui maintient la personne en état d'ébriété presque permanent, comme si elle avait toujours la même dose d'alcool dans le sang. J'avais de profs de russe comme ça, jamais sobres. C'est un peu le type Boris Eltsine, dont il était difficile de dire quand il était ivre et quand il ne l'était pas.

                    Commentaire

                    Chargement...
                    X