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L'abbé Berrenguer, l’humaniste oublié en Algérie

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  • L'abbé Berrenguer, l’humaniste oublié en Algérie

    Un curé pied-noir, comme il y en a eu d’autres. Mais celui-ci, distinguant dans son analyse des «événements» les problèmes politiques et les engagements religieux et humanitaires qu’il jugeait nécessaires, prête le flanc aux suspicions et condamnations des autorités françaises. Cette préface de Genevièvre d'Ermenjian situe on ne peut plus le personnage qui a su concilier à la fois sa vocation religieuse et son parcours révolutionnaire. Le nom d’Alfred Berrenguer reste bien vivant au-delà du silence que lui impose l'histoire officielle.

    Enfant terrible, homme de liberté, le père Berrenguer est né en Oranie dans une famille nombreuse ; ses parents, appartenant à la classe ouvrière, ont quitté l’Espagne au début du XXe siècle. Le 1er novembre 1954, le prêtre ne resta pas insensible à ce soulèvement de la population autochtone, là il commence à s’interroger sur les valeurs humaines et les fondements de la foi chrétienne.

    A cette période déjà, des prêtres et des religieux manifestaient leur sympathie aux maquisards du FLN et dénonçaient les atrocités commises par l’armée française.

    En 1955, l’abbé Berrenguer franchit cette barrière épiscopale en écrivant Regards sur l’Algérie. Ce texte d’une dizaine de pages est un véritable slogan qu’il diffuse auprès des membres de son groupe d’action catholique dans sa paroisse à Remchi.

    Dans ses mémoires, le prêtre révolutionnaire écrivait : «Je me suis dit qu’il était urgent pour les Européens de se préparer aux échéances à venir car nous étions fort éloignés des réalités du pays.» Pour l’administration et l’opinion publique européenne, ce curé d’Algérie était fauteur de troubles et un véritable malaise s’installa entre catholiques libéraux et indépendantistes. Pour l’action catholique dont Berrenguer était aumônier, il fallait «voir clair, juger juste, agir droit».

    Voir juste, c’est se convaincre que l’Algérie n’est pas française et reconnaître aux Algériens musulmans et non musulmans la part qui leur revient.

    Ce langage provocateur et aussi un plaidoyer pour un avenir fraternel dans un pays libre entre diverses populations pour cohabiter dans le futur. Cependant, la France coloniale tient à sa position de maître : «Ne rien changer ou tout abandonner. »

    Le père Berrenguer appelle au soutien à ceux qui souffrent et luttent pour la justice ; il ira encore plus loin, il demande aux prêtres d’apprendre l’arabe, d’ouvrir des écoles, des dispensaires et des lieux de rencontres entre croyants de différentes religions.

    En passant à l’acte, le prêtre provoqua l’incompréhension des Français d’Algérie. Pour les adeptes de l’Algérie française, Berrenguer était l’homme qui aidait les fellagas ; en 1959, il devint le porte-parole du Croissant-Rouge algérien et entama un long périple à travers l’Amérique latine pour créer des comités de soutien. En 1961, il se rendit à Tunis pour rejoindre le comité directeur du Croissant- Rouge algérien. Les 1er juillet 1962 et 1964, il faisait partie de l’Assemblée constituante.

    En sa qualité de député, il refusa de voter le code de la nationalité et la peine de mort. Lassé des coulisses politiques, il rentra à Tlemcen et retrouva sa paroisse. Il enseignera l'espagnol au lycée Docteur-Benzerdjeb jusqu’à sa retraite. Il se retira définitivement de la vie active pour vivre au monastère Saint-Benoît au milieu de la petite communauté chrétienne et l’association El-Amel. Cet authentique révolutionnaire refusa la carte d'ancien moudjahid et renonça à la pension d’ancien député pour vivre dans la modestie comme seuls les grands hommes savent le faire.

    En novembre 1996, il s’éteint à Aix-en-Provence chez les petites sœurs des pauvres et conformément à sa volonté, il fut rapatrié et enterré à Tlemcen.

    Depuis ce 14 novembre 1996, jour de son enterrement, le lourd portail du cimetière chrétien ne s’est jamais ouvert pour une cérémonie de recueillement officiel.

    Seul quelques amis et d’anciens élèves se souviennent et gardent en mémoire l'image de cet homme que l’histoire officielle tente d’ignorer. Une ombre se faufile toujours à travers les arcades de St-Benoît.

    A ce jour, ce grand martyr reste inconnu de la nouvelle génération de Tlemcen, car si à Oran une rue porte son nom, à Tlemcen rien n’est fait en ce sens pour honorer cet homme qui mérite mieux que l’anonymat.

    Par Le soir
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