Le moment de vérité

[Iska]

Des appels qui suintent d'hypocrisie
par Kharroubi Habib

Les appels au calme et à la retenue lancés à la veille de la rencontre de Khartoum par les autorités tant à Alger qu'au Caire à leurs opinions publiques respectives sonnent faux et suintent une hypocrisie innommable. Comment en effet demander à la rue de garder son calme et faire preuve de sagesse quand, dans le même temps, les sphères officielles attisent ses humeurs guerrières en préparant le rendez-vous du Soudan comme s'il s'agit d'une véritable opération militaire. Il n'y a qu'à voir la logistique et les moyens financiers que les deux Etats ont mobilisés pour l'occasion.

Des appels donc qui sont sans effets et ne servent qu'à donner bonne conscience à leurs auteurs. Si elles avaient réellement voulu conserver au challenge qui oppose leurs équipes nationales son caractère exclusivement sportif, ces autorités auraient dû s'y prendre plus tôt. Sans brider la ferveur patriotique qu'une telle confrontation suscite inévitablement parmi les supporters des deux teams nationaux, elles pouvaient en effet d'entrée faire savoir qu'il y a des lignes rouges en la circonstance dont la transgression n'est pas tolérable à tout point de vue, surtout quand l'amitié et le respect entre peuples risquent d'en faire les frais.

Au mieux, les responsables étatiques algériens et égyptiens ont fauté par mésestimation des passions qu'un match de football, avec pour enjeu la qualification à la Coupe du monde, est susceptible de provoquer au sein de leurs peuples. Ce qui expliquerait la passivité dont ils ont fait preuve quand tous les signaux indiquaient pourtant que le climat qui s'est créé autour des préparatifs du match du Caire allait provoquer l'irrattrapable dérapage.

Mais à notre avis, c'est le pire qui a inspiré leur comportement, à savoir politiser à dessein l'évènement sportif et les dépassements auxquels il donnerait lieu entre supporters. Les sphères du pouvoir, celles du Caire et d'Alger, ont, nous semble-t-il, trouvé leur compte dans la ferveur patriotique que la rencontre a soulevée. L'union nationale sacrée que les deux régimes en place, ici et là, n'ont pu faire autour d'eux sur leurs politiques et gouvernances, leur est, nous semble-t-il, apparue possible en jouant sur la fibre patriotique de leurs peuples. En faisant de la confrontation footballistique un évènement où seraient censés se jouer le destin et l'honneur, ici de l'Algérie et là celui de l'Egypte. Sauf qu'à ce jeu malsain, l'on sait comment ça commence, mais presque jamais comment cela se termine.

A Khartoum, il y aura un gagnant et un perdant. Les autorités, dans le premier cas, bénéficieront inévitablement mais momentanément de l'enthousiasme populaire que générera la victoire. Celles qui auront à gérer la défaite auront à faire avec l'immense déception de tout un peuple qui, pour l'occasion, pourrait se rappeler la responsabilité de leur régime et ses dirigeants dans le surcroît d'humiliation que lui inflige cette défaite.

Dans quelques heures, le sort tranchera et, pour certains, ce sera bien un moment de vérité.


Le Quotidien d'Oran